ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 399 - 01/11/2000

CONTENTS | ANB-BIA HOMEPAGE | WEEKLY NEWS


Zimbabwe

Les domestiques ne seront-ils jamais des adultes?



VIE SOCIALE


La situation des domestiques laisse beaucoup à désirer de nos jours au Zimbabwe

Au Zimbabwe les domestiques ne deviennent jamais adultes. Ils restent à jamais des “boys" ou des “girls”. Hommes et femmes d’âge moyen ou plus, ils sont toujours appelés “garçons de jardinage” ou “filles de maison”. Les employeurs à bas ou moyen revenu, qui engagent une bonne ou une gardienne d’enfants pendant qu’ils sont au travail, ont toujours tendance à les traiter comme des enfants. C’est un héritage du gouvernement colonial britannique en Rhodésie, et de l’apartheid en Afrique du Sud.

Quand Cecil Rhodes s’installa en Afrique du Sud à la fin du 19e siècle, après la découverte de diamants (1866) et d’or (1884), il réalisa que les Africains, socialement et géographiquement déplacés, pourraient lui fournir la main-d’œuvre à bon marché pour travailler dans ses mines. Les travailleurs blancs, venus chercher refuge en Afrique du Sud après avoir fui la dépression économique en Europe des années 1870, ne pouvaient pas constituer une main-d’œuvre à bon marché. A part le fait qu’ils étaient de sa race, ils venaient d’une culture où le travail était très syndicalisé, donc avec des salaires élevés. Rhodes, toutefois, ne pouvait pas exploiter les Noirs avec une conscience tranquille, sans déformer ses principes chrétiens, soumettant le christianisme au darwinisme social. Il justifiait ainsi la nécessité de traiter les Noirs comme des sous-hommes qui avaient besoin du salut venant d’Européens, intellectuellement et spirituellement supérieurs, dans ce cas les Britanniques. Et, pour dépénaliser cette forme d’exploitation, il fit passer une loi favorisant l’exploitation de la main-d’œuvre africaine.

D’après un analyste, Bernard Magubane, la politique de Rhodes en Afrique du Sud, qu’il étendit ensuite à la Rhodésie, actuellement Zimbabwe, se résume ainsi: «Voici ma politique concernant les autochtones: ou bien on considère les Noirs comme des citoyens, ou bien on les traite comme une race inférieure... D’après moi, il faut une législation de classe (race)... Les indigènes doivent être traités comme des enfants...»

…et après l’indépendance?

L’héritage laissé par Rhodes a marqué de façon indélébile le jargon des relations entre domestiques et employeurs. Vingt années après l’indépendance, des employeurs noirs exploitent et insultent leurs propres frères qu’ils emploient dans leurs maisons. Et, ce qui est pire, il faut souligner que certains de ces “patrons” noirs sont eux-mêmes des subalternes, ne gagnant pas grand chose. Mais, puisqu’ils ont un salaire, ils peuvent se permettre des domestiques. Alors, ils déchargent sur leurs bonnes la colère qu’ils ont contre leurs employeurs. Parfois ces domestiques doivent attendre plusieurs mois pour recevoir leur salaire. Les plus vulnérables sont les servantes, exposées à des abus sexuels et physiques de la part de leurs patrons. On les trompe aussi avec des promesses de mariage ou d’une vie plus agréable que celle de bonne...

Des mères seules et l’“Abri de confiance”

L“’Abri de confiance” est un home de réhabilitation à Westwood (Harare), pour les femmes qui ont été abusées sexuellement. Nyarai Mudekwa, 16 ans, originaire de Mufakose, est très reconnaissante pour les soins qu’elle y a reçus. Elle était servante dans le quartier de Kadoma, quand son petit ami, qui lui avait promis le mariage, l’a plaquée après l’avoir mise enceinte. Restée seule, elle retourne à Mufakose, mais sa tante refuse de l’accueillir et la rejette. Une amie lui conseille alors de frapper à la porte de l’Abri de confiance. Ici, soutenue par le staff du home, Nyarai donne naissance à son premier fils, qu’elle nomme “Tafadza” en signe de reconnaissance pour l’accueil et l’aide reçus.

A l’Abri de confiance, Nyarai suit maintenant un cours de couture, espèrant ainsi devenir indépendante. Sa formation ne lui donne pas d’autre issue. Elevée par sa grand-mère maternelle, elle est allée jusqu’en deuxième année primaire à l’école communale de Chihote, à quelque 40 km au sud-est de Harare. Sa mère malade, décédée entre-temps, était seule. Abandonnée par son mari avant la naissance de Nyarai, elle avait alors essayé de vendre des légumes.

Valeria Nherere, 25 ans, vient de Bikita, Masvingo (300 km au sud de Harare). Près d’accoucher, elle connaît la même situation désespérée. L’homme qui l’avait rmise enceinte quand elle était servante dans le quartier Avenues, à Harare, a refusé de reconnaître la paternité. Alors elle est venue se réfugier à l’Abri vers la mi-mars.

Tsungirirayi Chimwani, 22 ans, aussi de Bikita, a été servante pendant trois mois dans le Parc Warren. Elle a deux petits jumeaux, Tinotenda et Tadiwa. Elle a été employée jusqu’en décembre 1999, avec un salaire de 500 $ZIM (13.6 $US, en déc. ‘99) par mois. Elle s’est trouvée en difficulté quand l’homme dont elle était amoureuse, après l’avoir rendue enceinte, lui a dit qu’il était déjà marié.

Le projet pour les femmes de Chengetanai

Ces malheureuses expériences pourraient effrayer les femmes de ménage potentielles, en leur faisant craindre de se retrouver toutes un jour mères célibataires. Elles peuvent aussi donner l’impression qu’il y a quelque chose qui cloche dans ce métier. A cause de cela, à Chitungwiza, on a lancé récemment un projet pour la formation des femmes de ménage. Ce projet, spécialisé dans la formation professionnelle des femmes pauvres de Chengetanai, dans la banlieue de Chitungwiza, semble prouver que ce travail peut être rémunérateur.

«Nous formons nos élèves à avoir de l’assurance, préparées à écarter tout abus sexuel par le dialogue. Elles sont à même de chercher un emploi chez différents employeurs et, à cause de leur formation, elles peuvent même discuter pour obtenir un salaire plus élevé», dit Mme Patricia Ngwerume, coordonnatrice du projet. Les femmes apprennent la puériculture et aussi comment déceler et prévenir la maltraitance d’enfants. On leur apprend aussi comment résister aux avances faites par leurs employeurs. Plus positivement, elles apprennent à être agréables et à aider la famille en cas de maladie. Après avoir terminé leurs cours, ces femmes peuvent être embauchées comme servantes, aides-soignantes, et aussi comme cuisinières et serveuses dans un hôtel. «Même si elles ne trouvent pas du travail, ces cours leur seront utiles en tant que mères de famille», précise Mme Ngerume.

Le projet travaille en collaboration étroite avec le home des personnes âgées de Bumhudzo, dans le voisinage, dirigé par l’Armée du Salut dans la commune de Sainte Marie. Les étudiantes sont aussi envoyées en stage social à Bumhudzo, pour y mettre en pratique l’enseignement théorique reçu. Le projet compte une vingtaine d’élèves qui, avec une petite contribution d’un peu plus de 50 $ZIM (1,35 $US, juillet 2000), reçoivent trois leçons par semaine. Ayant déjà travaillé comme servantes, les femmes ont des tas de choses à raconter sur le travail qu’elles avaient et, dès leur enrôlement, elles sont invitées à parler sans craintes de leurs expériences.

Voici un cas typique: Florence Mafukidze, 33 ans, de la commune de Sainte Marie, à Chitungwiza, est mère de trois enfants, et son mari est un travailleur temporaire. Elle raconte ce qui lui est arrivé quand elle était femme de ménage à Glen View, Harare, entre 1981 et 1985. Elle ne recevait que le quart de ce que gagnaient les autres femmes de ménage. «Ma patronne était une infirmière. Quand elle devait travailler la nuit, son mari me faisait des avances, promettant en échange de louer un appartement pour moi. A plusieurs reprises il essaya de me violer, mais je refusais. Un jour il a failli me violer, mais j’ai commencé à hurler. Les voisins, alertés, sont venus voir ce qui se passait. Depuis lors, j’ai arrêté de travailler comme servante». Le mari de Florence l’a alors encouragée à suivre des cours à Chengatanai. Plus tard, cela pourra apporter un supplément au maigre salaire de son mari, et, en même temps, lui donner la confiance et la compétence nécessaire pour chercher un autre emploi avec un salaire plus décent. Ce serait aussi une protection contre les possibles avances d’un futur employeur.

M. Helarious Ruyi, assistant du secrétaire général de Syndicat des domestiques et travailleurs alliés du Zimbabwe, dit que son syndicat essaye d’instituer un Conseil d’emploi pour les domestiques. Ce conseil pourrait aider les domestiques à obtenir des salaires plus élevés que ceux qu’ils reçoivent actuellement. Le syndicat se sert des médias électroniques pour enseigner aux gens leurs droits et responsabilités sur les lieux de travail.


SOMMAIRE FRANCAIS | ANB-BIA HOMEPAGE | WEEKLY NEWS


PeaceLink 2000 - Reproduction authorised, with usual acknowledgement