CONTENTS | ANB-BIA HOMEPAGE | WEEKLY NEWS
Cameroun Un contre-sommet France–Afrique en vue? |
MONDIALISATION
“Famille mafieuse”, “dictatures francophiles”, “pillages des richesses naturelles”, “grand-messes répétées”... autant de chefs d’accusation du Comité national d’action civique, à pied d’œuvre pour l’organisation d’un contre-sommet lors des prochaines assises France-Afrique à Yaoundé.
Le Comité national d’action civique (CNAC) n’arrête pas d’enregistrer des nouveaux adhérents, à quelques mois du prochain sommet France-Afrique, en janvier 2001. Son appel est lancé à travers le pays et le monde pour tenir un contre-sommet. Ses membres se recrutent en général dans la société civile: l’avocat Yondo Black, le professeur Eboussi Boulaga, l’écrivain Mongo Beti, la romancière Calixte Beyala, le panafricaniste Hubert Kamgang sont parmi les auteurs de la mobilisation pour un contre-sommet des peuples. Dans un communiqué, les membres du CNAC ne s’encombrent pas de formules diplomatiques pour condamner: «Voilà des décennies que nous dénonçons ces grand-messes répétées qui réunissent la famille mafieuse dite francophone, le président français en parrain plein de morgue et les chefs d’Etat africains en seconds couteaux confits en courbettes “dévotieuses”. Mais nos dénonciations n’ont jamais refroidi les odieuses assises qui coûtent des milliards pendant que nos bébés meurent de paludisme faute de quinine». Pour parer au plus pressé, le CNAC propose, comme à Seattle, l’organisation d’un grand rassemblement protestataire des peuples à Yaoundé, parallèlement à la réunion du sommet des gouvernements. C’est dans ce sens que le CNAC invite des amis d’Afrique à le rejoindre «pour crier ensemble leur colère contre la violence des dictatures francophones, les pillages de leurs richesses naturelles, la confiscation de leur souveraineté monétaire, l’appauvrissement délibéré de leurs populations».
D’aucuns critiquent la méthodologie habituelle observée lors de ces manifestations internationales: réunion des experts, puis des chefs d’Etat qui paraphent les documents préparés. C’est ainsi, protestent des observateurs, que les bureaucrates finissent de décider seuls des sujets qui engagent très souvent la destinée commune. C’est la raison pour laquelle, explique-t-on, les associations de femmes, de spécialistes et d’universitaires, bref ce que l’on appelle la société civile, n’ont pas l’occasion de contribuer à la définition des priorités et des solutions aux problèmes de leur pays. Bref, le sommet France-Afrique apparaît aux yeux du Comité national d’action civique comme étant un moyen qui permet à l’ancienne puissance coloniale française de défendre ses intérêts et de maintenir sa position d’exploitation dans son “pré-carré”.
Ce point de vue est partagé par le philosophe Marcien Towa, bien qu’il ne soit pas membre du CNAC. M. Towa part d’un constat: le sommet France Afrique enregistre la participation d’un nombre important des chefs d’Etat et de gouvernement. Son inquiétude naît du fait que le sommet France-Afrique concurrence l’Organisation de l’unité africaine qui représente pour ce penseur: «le meilleur cadre pour poser les problèmes et défendre les intérêts africains. Nous devons être suffisamment cohérents, unis, au moment où se forment des pôles de développement en Amérique du Nord, en Asie du Sud-Est et en Europe. L’Afrique est suffisamment grande pour constituer elle aussi un pôle». Militant convaincu du panafricanisme, M. Towa pense que seule l’OUA peut permettre à l’Afrique de jouer un rôle à la hauteur de ses immenses potentialités et lui ouvrir la voie de la renaissance. C’est pourquoi il voit d’un œil soupçonneux tout activisme des anciennes puissances coloniales «qui risquent de nous réduire à un simple appendice de l’Europe et de nous utiliser pour servir leurs intérêts et leurs ambitions de grandes puissances». Il explique: «A propos de la démocratie, notre vrai problème est celui de l’indépendance. Il y a nécessité de s’unir. C’est la raison pour laquelle l’indépendance du Ghana sans le panafricanisme n’avait pas de sens pour Kwamé Nkrumah».
La préparation du sommet
Ces différentes prises de positions sont loin de décourager le gouvernement camerounais qui considère l’organisation du prochain sommet France-Afrique comme étant l’une de preuves d’une “diplomatie rayonnante”. C’est dans cet ordre d’idées que le ministère camerounais des Affaires étrangères a organisé les précolloque et colloque internationaux sur “l’Afrique face aux défis de la mondialisation”, thème choisi dans l’optique du prochain sommet. C’était respectivement les 28 et 29 août et les 11 et 12 septembre 2000 à Yaoundé, avec le soutien du programme des Nations unies pour le développement (PNUD) et l’Organisation internationale de la francophonie.
Les travaux des participants venus d’Afrique et d’ailleurs ont porté sur l’évaluation de la situation internationale actuelle et la formulation de stratégies et recommandations permettant de mieux préparer le 21e sommet. En ce qui concerne la paix et la sécurité, les participants aux colloques de Yaoundé proposent le renforcement des capacités humaines et institutionnelles en matière de maintien et de rétablissement de la paix au niveau international, régional et sous-régional. La mise en place d’une cour africaine des droits de l’homme et des libertés n’est pas en reste. Tout comme l’annulation de la dette extérieure des Etats africains et l’orientation des flux de capitaux vers l’Afrique afin de relancer le développement et la croissance sur le continent. D’aucuns ont aussi estimé que l’arrimage de l’Afrique à la mondialisation passe par la maîtrise de la science, la préservation de l’environnement, les nouvelles technologies, et le développement de la coopération internationale. C’est la substance des dossiers qui seront débattus lors du sommet.
Prenant part à ces travaux, la romancière Calixte Beyala (qu’on présente déjà comme “la fausse note” de cette rencontre) n’a pas gardé la langue en poche: «L’Afrique accepte tout. Après la démocratie, c’est maintenant la mondialisation. Mais nous ne sommes pas prêts, nous n’avons aucune chance. Il nous faut d’abord éduquer et soigner nos enfants...». Et elle précise: «Si les intellectuels se taisent, c’est grave. Pour que l’Afrique gagne en participant à ces rencontres France-Afrique qui charrient la mondialisation [...] il faudrait répondre d’abord à plusieurs questions, définir les paramètres humains, idéologiques, politiques, économiques...».
La réaction du quotidien gouvernemental ne s’est pas fait attendre: «Si les franco-sceptiques, nombreux ici et ailleurs, doutaient encore de l’utilité des sommets France-Afrique jugés budgétivores et folkloriques, le prochain sommet que Yaoundé abritera au début de l’année prochaine, axé sur l’Afrique et la mondialisation, les convaincra peut-être», peut-on lire dans la livraison de Cameroon Tribune du 13 septembre 2000.
SOMMAIRE FRANCAIS | ANB-BIA HOMEPAGE | WEEKLY NEWS
PeaceLink 2000 - Reproduction authorised, with usual acknowledgement