ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 400 - 15/11/2000

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Congo-Brazzaville

Où en est-on avec le dialogue?



POLITIQUE


La dynamique de paix, initiée il y a quelques mois, commence à s’essouffler.
Les hommes politiques n’arrivent pas à accorder leurs violons.

Pour certains, le dialogue national, dit sans exclusive, aura lieu sur le territoire congolais. D’autres par contre, veulent une “table ronde” dans un pays étranger. Motif évoqué: l’insécurité qui règne encore dans certaines régions du Congo. Pourtant les accords de Pointe-Noire et de Brazzaville de novembre et décembre 1999, signés entre les factions rebelles et les Forces armées congolaises, annoncaient bien l’espoir d’un retour à une paix réelle. Mais, sans dialogue sincère entre les protagonistes, le pays s’engage dans une sorte de “paix armée”, qui n’augure pas de jours meilleurs.

Bongo, médiateur: le dilemme?

Le médiateur de la crise congolaise, le président gabonais Omar Bongo, est contesté. Ses efforts de médiation provoquent le tollé dans les rangs des membres de l’Espace républicain pour la défense de la démocratie et l’unité nationale (Erddun), actuellement en exil. Selon Christophe Moukonéké, ancien secrétaire de l’Union panafricaine pour la démocratie sociale (Upads) de l’ex-président Lissouba, et Jacques Yhombi Opango, ancien Premier ministre sous le régime déchu, le président Bongo est partial. Il «privilégie le régime de Brazzaville dans le choix des délégués devant participer au dialogue national», ont-ils lancé, respectivement sur RFI et BBC-Afrique, en août dernier.

Dans une déclaration publiée le 14 août à Londres, où il est en exil depuis près de deux ans, l’ancien président Pascal Lissouba réclame le dialogue national mais juge le pouvoir de Brazzaville illégal. Selon lui, le dialogue est désormais compromis par les exigences “inadmissibles” des autorités de Brazzaville. «Le pouvoir de Brazzaville voudrait exclure les représentants légaux du peuple souverain, leaders des partis politiques les plus importants de notre pays», a déclaré Lissouba. Désavouant la médiation d’Omar Bongo, il invite le président en exercice de l’OUA et le secrétaire général de l’Onu à rechercher, avec les chefs d’Etat africains, les moyens de la relance d’une médiation internationale revigorée et crédible, apte à conduire un processus de paix au Congo-Brazza, avec l’ensemble des acteurs politiques.

Sassou Nguesso, l’actuel chef de l’Etat, se voudrait conciliant. Dans son message à la nation le 14 août dernier, lors de la célébration du 40e anniversaire de l’indépendance, il a tenté de dépasser les querelles politiciennes. «L’heure est venue, a-t-il dit, d’identifier le dialogue entamé il y a deux ans. Ce dialogue aura lieu, dans la paix et la sérénité, non plus pour nous enferrer dans les invectives, les déchirements et la haine. Mais pour nous permettre de conduire, ensemble, une réflexion hardie sur la réorganisation de la vie de la nation, le fonctionnement des institutions, l’équilibre des pouvoirs et l’exercice des libertés dans notre pays».

Pour Sassou, le projet de Constitution élaboré par le gouvernement constitue le cadre idéal pour cet échange. Pour passer à la phase concrète de l’organisation de ce dialogue, Sassou Nguesso a enjoint à son gouvernement de réunir toutes les conditions de réussite. «A partir du mois de septembre et jusqu’à la fin de l’année, l’équipe gouvernementale se mettra à l’écoute de l’opinion dans toute sa diversité. Elle sondera le mieux possible les partis politiques, la société civile, les collectivités locales, les associations de tout genre... Nul n’en sera exclu». Sassou a affirmé également son attachement au retour à la démocratie. «Une fois le projet de Constitution adopté, le gouvernement élaborera, en liaison avec le Conseil national de transition, un calendrier rigoureux qui consacrera la tenue de l’élection présidentielle, des élections législatives, locales et municipales».

Le parlement de transition a recommandé aux différents signataires des accords de paix de respecter leurs engagements, et a invité les acteurs politiques et sociaux à s’impliquer résolument dans une logique de paix.

Acteurs politiques

Le Congo-Brazza traverse une crise à la fois politique, économique et sociale. Cette crise ne devrait exclure aucune “conscience”. Chacun est appelé à apporter sa contribution dans la recherche de solutions consensuelles.

Selon le Rassemblement pour la démocratie et la république (Rdr), le président Sassou a pris de bonnes intitiatives. «Nous avons approuvé les accords de Pointe-noire et de Brazzaville, et nous l’avons dit clairement. Mais ces accords avaient un caractère plutôt militaire. Il faut maintenant un accord politique associant tout le monde. Il faut aller au dialogue avec tous les acteurs influençant la vie nationale», a dit Damase Ngollo.

Anaclet Tsomambet, ancien recteur de l’université Marien Ngouabi de Brazzaville et ancien ministre sous le régime déchu, pense que les chances pour parvenir à une paix véritable au Congo sont réunies. «Après avoir connu un tel degré de violences, nous n’avons pas d’autres solutions que d’oeuvrer pour la réconciliation nationale et la reconstruction de notre pays. Ce qui est arrivé au Congo nous interpelle tous. Dans nos traditions nous avons toujours réglé nos différends par le dialogue, dans “le Mbongui”, sous l’arbre à palabres».

La reconstruction du pays ne peut se faire que dans un climat de paix et de cohésion sociale, estime l’Udr-Mwinda, le parti d’André Milongo, ancien Premier ministre. Pour résoudre un différend, on n’a pas besoin de recourir aux armes. «Il y a des gens qui nous ont entraîné dans l’aventure. Ils en assumeront la responsabilité. Nous continuerons à dire ce que nous avons toujours dit: dialogue, paix entre les partis politiques, même avec nos adversaires... L’Udr-Mwinda a toujours préconisé une politique de dialogue», affirme Milongo.

Quant aux rebelles, les principaux leaders du Conseil national de résistance (Cnr), mouvement politique que dirige le pasteur Ntoumi, ont quitté les forêts pour se rendre à Brazzaville sur invitation du gouvernement. Avec le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité, Pierre Oba, ils ont fait le point de l’application des accords de paix et lui ont transmis un certain nombre de remarques avant de s’entendre sur la nécessité de tout mettre en oeuvre pour la consolidation de la paix. Le colonel Emmanuel Bogouandza, l’un des membres influents du Cnr, se dit très serein et ferme quant à leur position sur le dialogue: «Le président de la République a annoncé le point de vue du gouvernement. Nous avons le nôtre, que nous entendons déposer sur la table du médiateur. Et ce sera au médiateur, M. Bongo, de faire la part des choses, de trancher». Et au cas où les protagonistes n’accorderaient pas leurs points de vue, le colonel Bogouandza dit sans ambages: «Nous avons mis fin à la guerre. Nous n’entendons la reprendre sous aucun prétexte. Il faut, malgré les problèmes qui subsistent, que nous allions, pas à pas, négocier en permanence, dans la paix».

Vers un blocage?

Mais, à mesure qu’évolue la crise socio-politique congolaise, on craint d’en arriver à un “blocage politique” qui risque de remettre en cause le fragile processus de paix difficilement acquis. Ce blocage commence à susciter inquiétudes et angoisses parmi les citoyens. A vrai dire, la société congolaise est confrontée à bien des maux. Les Congolais se doivent d’oeuvrer à la cohésion sociale et à la concorde nationale pour qu’ils retrouvent la joie de vivre ensemble.

Tout porte à croire que le dialogue ne fait pas l’unanimité, malgré qu’il figure en bonne place dans les accords de cessation des hostilités. Certains pensent que le dialogue risque de prendre l’allure de la conférence nationale souveraine tenue en 1991 (considérée comme un rendez-vous raté, car les décisions prises n’ont pas été exécutées) et d’amener le pays à la case départ d’une politique politicienne. D’autres voient dans ce dialogue, l’espoir des hommes politiques de reconquérir par des batailles électorales un pouvoir perdu dans la défaite militaire.

C’est en tout cas le grand enjeu de ce dialogue dit national et sans exclusive, qui reste d’une importance capitale. Trop de problèmes émaillent encore la vie normale dans certaines régions du Congo pour penser que l’organisation d’un dialogue va tout régler comme par enchantement. La pacification de tout le pays, par le ramassage des armes encore détenues illégalement, reste importante et fondamentale. Enfin, pour que le dialogue soit efficace, les Congolais sont appelés à créer un “consensus” sur la bonne marche de la démocratie, en apprenant à se parler et en oubliant les conflits meuriers qui les ont opposés.


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