ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 400 - 15/11/2000

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Zimbabwe

Du grabuge au Parlement



POLITIQUE


Rien ne va plus au Parlement du Zimbabwe

L’Union nationale africaine du Zimbabwe-Front patriotique (ZANU-PF au pouvoir) refuse de changer ses habitudes. D’autre part, le Mouvement pour le changement démocratique (MDC, opposition) mène une bataille ardue pour gagner le support de quelques parlementaires ZANU-PF: Ceux-ci avaient d’abord critiqué certains aspects de la politique du gouvernement, mais ensuite, au plus fort du débat, ils se rétractèrent quand il a fallu voter.

Aux élections législatives des 24-25 juin, le MDC, sous la direction de l’ancien syndicaliste Morgan Tsvangirai, gagna 57 des 120 sièges contestés. Un petit parti peu connu, l’Union nationale africaine du Zimbabwe-Ndonga (ZANU-Ndonga), dirigé par le révérend Ndabaningi Sithole, réussit à en gagner un. Le ZANU-PF, avec ses 62 sièges, mène encore la danse, parce que selon la Constitution, M. Robert Mugabe a le droit de nommer 30 membres non élus qui, cela va sans dire, voteront pour le parti au pouvoir.

Depuis l’indépendance, il y a 20 ans, c’est la première fois qu’un parti d’opposition réussit à gagner un nombre important de sièges au Parlement, ce qui ne fait pas très plaisir à M. Mugabe et son ZANU-PF. Les relations entre les deux partis n’étant pas des meilleures, la tolérance se fait attendre. D’un côté comme de l’autre, harcèlements et insultes sont à l’ordre du jour. Les parlementaires du parti au pouvoir prétendent qu’ils sont les “libérateurs du pays” et qu’ils ont plus d’expérience pour le gouverner. Les MDC, eux, accusent les ZANU-PF de “hooliganisme, corruption et mauvaise gouvernance”.

Cependant, il faut mentionner qu’un bon nombre de parlementaires du parti de M. Mugabe ont déjà présenté des motions applaudies par l’opposition. Dans leurs interventions, certains membres du ZANU-PF ont exigé le retrait immédiat des troupes zimbabwéennes du Congo-RDC et des mesures plus sévères pour combattre la corruption. Mais au moment du vote, ils ont fait marche arrière et ont voté dans la ligne de leur parti, malgré leur propre motion.

Un gouvernement fauché

Le ministre des Finances et du Développement, le Dr Simba Makoni, nous donne un exemple de la façon dont les choses se passent au Parlement. Récemment, il a présenté un budget supplémentaire, demandant d’approuver un supplément d’un milliard de $US. Il s’ensuivit un débat houleux. Les membres de l’opposition quittèrent la réunion, disant qu’on voulait les forcer à approuver un budget avec «des dépenses gouvernementales excessives». Ils demandèrent, sans succès, plus de temps pour débattre les estimations du budget. Menés par leur chef de groupe, M.Gibson Sibanda, les parlementaires MDC rejettent le budget qui, disent-ils, leur en rappelle d’autres anticonstitutionnels car ils donnaient au gouvernement tout pouvoir pour dépenser sans compter les finances publiques. Dans son plaidoyer pour obtenir l’appui du MDC, le gouvernement justifiait sa demande en arguant qu’il était fauché et qu’il n’y avait plus d’argent pour payer les fonctionnaires. Le MDC fit la sourde oreille!

Déjà avant les élections, les relations entre le MDC et le ZANU-PF n’avaient pas été des meilleures, mais maintenant elles se sont encore envenimées, si on en juge par les insultes échangées à l’intérieur du Parlement. M. Mugabe se vante d’avoir libéré le Zimbabwe et accuse les parlementaires MDC d’être des vendus qui coopèrent en sous-main avec les “impérialistes” pour détruire le Zimbabwe. Il leur rappelle à chaque instant qu’ils ne sont que des «apprentis et des nullités» qui ont encore besoin de cinq ans avant d’être qualifiés pour être ministre. De leur côté, les parlementaires MDC ripostent en disant que «le ZANU-FP n’est qu’une organisation de vendus qui ont trompé les libérateurs du pays par leur corruption, leur mauvaise gestion et l’anarchie, menés par les soi-disant vétérans de la guerre, parrainés par M. Mugabe».

Même le président du Parlement et ses auxiliaires ont pris ouvertement des décisions injustes pour réduire au silence des parlementaires MDC devenus la bête noire du parti au pouvoir. M. Sibanda a dit un jour à la vice-présidente du Parlement, Mme Edna Madzongwe: «Le problème est que vous n’appliquez pas les mêmes règles pour les deux parties du Parlement». Un autre parlementaire se plaint d’avoir été intimidé, le président du Parlement ayant rejeté son interpellation, alors qu’il avait ignoré les gros mots de Sabina, la sœur de M. Mugabe. Il semblerait que les deux principaux partis du Zimbabwe ne soient au Parlement que pour régler de vieilles querelles. Les victimes, ce sont les citoyens ordinaires dont la situation ne fait que se détériorer. On dirait que les deux partis s’efforcent de gagner du temps pour arriver aux élections présidentielles prévues pour l’an 2002.

A l’intérieur du ZANU-PF, on est divisé sur la politique à suivre. Certains hauts dirigeants du parti prient secrètement pour le changement et espèrent que les élections de 2002 seront un facteur décisif et mettront fin aux chamailleries actuelles. Pendant la journée, ils sont toujours prêts à soutenir M. Mugabe et son parti; mais le soir venu, dans l’intimité, ils se mettent à genoux et prient pour sa défaite.

En attendant ces élections, si jamais elles arrivent, on continue à se traîner mutuellement dans la boue.


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