ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 401 - 01/12/2000

CONTENTS | ANB-BIA HOMEPAGE | WEEKLY NEWS


République centrafricaine

Patassé entre le marteau et l’enclume



POLITIQUE


Depuis la réélection du président Ange Félix Patassé,
la RCA connaît une crise socio-politique et économique aiguë

 

Cette crise est caractérisée par les multiples scandales politico-financiers, les fraudes fiscales et douanières, le cumul d’arriérés de salaires (14 mois), de pensions (24 mois) et des bourses (18 mois), et la crise du carburant. Elle est ponctuée par l’absence de dialogue entre le pouvoir et les forces vives de la nation, l’insécurité qui a atteint toutes les régions, et les entraves aux libertés de la presse. Cette situation a de graves conséquences sur la vie politique et socio-économique du pays.

Le plan politique

D’abord, il y a une crise au sein même du parti au pouvoir, le Mouvement de libération du peuple centrafricain (MLPC ). Elle a pris naissance avec la réélection du président Patassé et sa décision de reconduire son neveu Anicet Georges Dologuélé à la Primature et de ne plus nommer les députés de son parti au gouvernement. Le bureau politique et le groupe parlementaire du MLPC ont mal pris ces mesures qui vont à l’encontre de leurs intérêts. Ils accusent le président Patassé de confisquer les pouvoirs de l’Etat au profit des membres de son clan, dont le président de l’Assemblée nationale fait également partie.

Ensuite, les relations entre le pouvoir et l’opposition sont également devenues orageuses. Aux élections législatives de décembre 1998, devant la misère noire que le peuple centrafricain a vécu dans sa chair, celui-ci a infligé un vote sanction au MLPC qui a perdu la majorité à l’Assemblée nationale. Alors, le régime n’a pas trouvé mieux que de débaucher des députés de l’opposition pour avoir la majorité parlementaire.

De même, la victoire du président Patassé aux dernières élections présidentielles, le 19 septembre 1999, avec 51,63% de suffrages, a été contestée par l’opposition qui en a demandé l’annulation pour fraudes massives. Depuis cette date, le pouvoir a mis au point une stratégie de muselage et de compression de l’opposition: interdiction d’accès aux médias d’Etat et de manifestations politiques; interdiction de sortie faite aux leaders politiques et syndicaux; débauchage des cadres des partis d’opposition pour les nommer dans les différents gouvernements.

En avril dernier, les députés de l’opposition ont initié une motion de censure pour destituer le Premier ministre Dologuélé. Ils fondaient leur démarche sur le cumul des arriérés de salaires, pensions et bourses, l’absence d’autorité de l’Etat, les multiples scandales politico-financiers, les fraudes fiscalo-douanières, etc. Le président Patassé a usé de tous les moyens pour que cette motion de censure soit rejetée par le groupe parlementaire MLPC et ses alliés.

A partir du début de juin, la RCA a connu une pénurie de carburant qui a duré plus de deux mois et qui a démontré l’incompétence du gouvernement. Cette crise des carburants, avec ses conséquences sur l’économie nationale, a poussé certains leaders des partis politiques d’opposition à exiger la démission du président Patassé qui a failli à sa mission.

Quand, le 28 août, l’ambassadeur de la Libye M. Abdalah AI Senoussi a été agressé par des bandits armés et est mort deux jours plus tard, le pouvoir a vu la main de l’opposition derrière cet assassinat. Celle-ci a réagi en évoquant l’incapacité du régime à assurer la sécurité.

Relations avec les pays voisins

Evoquons enfin les relations difficiles du président Patassé avec les pays voisins: le Congo-Brazzaville, le Congo-RDC et le Tchad.

Avec la reconquête du pouvoir au Congo-Brazza par Sassou Nguesso, la presse privée a signalé la présence des acolytes de l’ex-président Lissouba à Bangui et leur prise en charge par le pouvoir. Patassé a soutenu qu’il était sollicité par les frères ennemis congolais pour une médiation. Le gouvernement congolais a automatiquement réagi en apportant un démenti.

Les relations avec le Congo-Kinshasa ne sont pas non plus des meilleures. D’abord, le territoire centrafricain a été utilisé par les Forces armées congolaises pour attaquer les positions des rebelles du Mouvement de libération du Congo de Jean-Pierre Bemba. Mais après la prise de Géména, Libengué et Zongo par Bemba, Patassé a usé de son charme vis-à-vis de ce dernier et il l’a reçu à Mobaye, localité située à 25 km de Gbadolite. L’événement a été largement couvert et diffusé par les médias d’Etat.

Récemment, le gouvernement centrafricain a contracté un prêt de 5 milliards de fcfa pour une campagne pétrolière. Les 25.000 m3 de carburant destinés à la RCA, qui ont transité par Kinshasa, ont été arraisonnés par les autorités congolaises pour soutenir leurs efforts de guerre. Pour l’opposition centrafricaine, ce détournement est la conséquence de la diplomatie aventureuse et tatillonne du président Patassé.

Quant au Tchad, les relations entre Patassé et le président tchadien Idriss Déby se sont fortement refroidies. Selon des sources proches du MLPC, Patassé, candidat aux présidentielles en 1993, aurait sollicité le soutien du rebelle tchadien Moïse Ketté pour accéder au pouvoir par la force, au cas où il échouerait aux élections. Depuis la victoire de Patassé, M. et Mme Ketté sont dans ses bonnes grâces. Le quotidien l’Hirondelle a publié en 1998 le fac-similé d’un message du bureau des douanes d’une ville frontalière avec le Tchad qui présentait les caractéristiques d’armes de guerre convoyées par l’épouse de Ketté à Bangui. Avec la reprise de la rebellion par Moïse Ketté, les relations entre Patassé et Déby ne sont plus au beau fixe.

Le plan socio-économique

Le gouvernement centrafricain a fixé comme priorités la santé et l’éducation. Dans les faits, il n’y a aucune initiative destinée à promouvoir ces deux domaines. Par ailleurs, les trois mutineries et récemment la pénurie du carburant ont mis l’économie nationale par terre.

Santé. — Les hôpitaux et centres de santé connaissent une carence notoire de médicaments et matériels médicaux, et sont incapables d’assurer les premiers soins aux malades qui en ont besoin. Les soignants, en nombre réduit, connaissent un cumul d’arriérés de salaires doublé d’une condition malsaine de travail. Les unités instaurées au sein des hôpitaux pour vendre à un prix raisonnable les produits génériques aux malades, sont très mal gérées. Par ailleurs, les projets de vaccination, de lutte contre le sida, etc., ne sont plus financés par les partenaires en développement pour cause de malversation financière.

Education. — En 1994, le gouvernement a organisé les Etats généraux de la jeunesse et de l’éducation. A cette occasion les spécialistes de l’éducation, les représentants des parents d’élèves et du gouvernement ont fait le diagnostic des maux qui gangrènent l’école centrafricaine. Mais le gouvernement n’a pas la volonté politique nécessaire pour appliquer les recommandations issues de ces assises. Aujourd’hui, une classe compte 150 élèves pour un enseignant et le nombre des classes stagne. On assiste aussi à une politisation du domaine de l’éducation. Le pouvoir s’étant rendu compte que les grèves des enseignants ont toujours entraîné la chute des précédents régimes, ne nomme que des militants du MLPC aux postes de responsabilité. Les critères de compétence, d’expérience et d’intégrité sont sacrifiés sur l’autel des intérêts partisans. Et le système éducatif centrafricain meurt à petit feu à cause de la rupture avec les principaux bailleurs de fonds pour mauvaise gestion des projets.

Economie. — Les trois crises militaro-politiques de 1996 et 1997 ont détruit la majeure partie des structures économiques. Cette situation s’est encore aggravée avec l’implication de Patassé dans diverses activités commerciales en violation de l’art. 22 de la Constitution interdisant au chef de l’Etat d’exercer d’autres fonctions rémunérées. Les relations du président Patassé avec des réseaux mafieux à travers le monde n’encourage pas les hommes d’affaires sérieux à investir en RCA.

Les arriérés de salaires (25 mois, dont 14 imputables au régime MLPC) n’encouragent pas la consommation et entraînent la faillite des entreprises. La crise des produits énergétiques a contribué à baisser le niveau des recettes de l’Etat et a placé le gouvernement dans l’impossibilité de faire face à ses dépenses.

L’application de la TVA, instaurée dans tous les pays de la CEMAC (Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale) et qui devait avoir lieu début juillet 2000, a été reportée à janvier 2001 pour ne pas démotiver les commerçants qui se maintiennent malgré la pénurie du carburant et la conjoncture économique difficile.

Le cumul d’arriérés de salaires, de pensions et de bourses, la mévente du coton et du café, l’insécurité grandissante, l’asphyxie de l’éducation et de la santé, sont les maux qui sont à l’origine de la grave crise socio-politique et économique que connaît la RCA. Et au lieu de rechercher des solutions à cette misère noire que vit le peuple, le président Patassé s’évade dans de multiples et onéreux voyages.


SOMMAIRE FRANCAIS | ANB-BIA HOMEPAGE | WEEKLY NEWS


PeaceLink 2000 - Reproduction authorised, with usual acknowledgement