ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 405 - 01/02/2001

CONTENTS | ANB-BIA HOMEPAGE | WEEKLY NEWS


Ouganda
La justice pour les enfants


JUSTICE


Les administrateurs de la justice juvénile évaluent leurs performances et leurs défis

Les abus domestiques des enfants, ainsi que l’état déplorable de l’administration de la justice juvénile en Ouganda, sont un objet d’inquiétude majeur des droits de l’homme. Le ministre des Affaires constitutionnelles et de la Justice, Joash Mayanja Nkangi, dénonce une augmentation de la violation des droits de l’enfant à la maison, surtout de la part des femmes. Cela peut aller jusqu’au meurtre ou à la mutilation des enfants pour diverses raisons, même pour un simple vol de sucre ou d’argent.

Selon Mary Nsangi Kakembo, ministre d’Etat pour les femmes, le développement et le travail, il y a un tollé général à propos de la violation des droits de l’enfant dans les centres de détention de l’Etat, et des abus infligés aux enfants dans les familles, qui devraient pourtant être le berceau de la protection des droits de l’enfant.

Le Commissaire aux Affaires des enfants et de la jeunesse au ministère du Développement social et du Travail, Kasiano Wadri, affirme, pour sa part, que l’objectif global des statuts des enfants — promulgués au Parlement en 1995 et approuvés par le président Museveni le 1er avril 1996 — est celui d’améliorer l’assistance et la protection des enfants. Car, ceux-ci doivent se développer dans un environnement propice, qui reconnaisse leur valeur en tant que personnes et non pas comme de simples appendices des parents ou des tuteurs (une idée généralement acceptée dans la culture de la société patrilinéaire en Ouganda). Ces statuts veulent établir un équilibre entre la justice et le bien-être des enfants, et spécifient le rôle et les responsabilités des parents et de l’Etat au cas où des enfants enfreindraient la loi. Ils mettent l’accent sur l’aide à apporter à l’enfance délinquante, d’abord dans un cadre informel au niveau communautaire, l’emprisonnement ne venant qu’en dernier ressort.

P.T. Kakama, du “Save the Children Fund”, avance le chiffre d’environ quatre millions d’enfants vulnérables qui, en Ouganda, vivent dans des circonstances considérées comme “difficiles”. Il y aurait aussi entre 1,6 et 2,4 millions d’orphelins.

Le système de justice juvénile

Bien que le statut des enfants existe depuis quatre ans, la situation de la justice juvénile reste déplorable. La loi a établi un tribunal spécial pour la famille et les enfants, chargé de traiter les enfants avec beaucoup d’attention, selon le principe que la société doit protéger les enfants et que les enfants enfreignant la loi ont besoin d’attentions et de conseils. L’intention n’est pas d’imposer des punitions criminelles à qui se comporte mal, mais plutôt de réformer l’enfant. Et si la prison est nécessaire en dernier ressort, les enfants ne devraient pas être détenus avec les criminels adultes. Enfin, le statut des enfants veut que leurs cas soient jugés avec diligence et sans délais.

Le tribunal pour la famille et les enfants a la compétence de juger les crimes commis par un enfant, sauf pour les cas qui pourraient entraîner la sentence de mort: l’assassinat, la profanation (acte sexuel avec un mineur) et le viol, ou si un enfant est accusé conjointement avec un adulte. Le tribunal fonctionne d’une façon informelle et paternelle; le procès se fait in camera, sans cérémonies, la procédure étant une simple enquête, sans exposer l’enfant à des procédures hostiles. Le magistrat qui préside, l’enfant, les parents de l’enfant ou son tuteur, le représentant légal (s’il y en a un), le demandeur ou le plaignant, l’agent social de probation, tous sont assis à la même table. Les témoignages ne sont pas donnés à la barre et le magistrat peut imposer tout autre précaution de sécurité qu’il juge nécessaire.

Le 3 avril 1998, le président de Cour suprême décida qu’il était temps d’instituer ces tribunaux de la famille et des enfants et, cette année-là, ils furent établis dans tous les districts. La magistrate Margaret Ssengooba, qui préside le tribunal de la famille et des enfants dans le district de Kampala (Mwanga II Road — le premier à devenir opérationnel), dit que de 1998 à octobre 2000, 456 cas criminels d’enfants ont été enregistrés à son tribunal. Dans ce même laps de temps, on a noté 106 cas d’enfants ayant besoin d’assistance et de protection, et 70 cas requérant diverses ordonnances telles que l’assistance, la pension alimentaire et la garde de l’enfant. Auparavant, ce tribunal était le seul tribunal juvénile pour tout le pays, et disposait d’un magistrat à plein temps depuis 1973.

Aide ou punition?

La loi prévoit aussi la détention des délinquants juvéniles dans des centres de détention préventive; mais en fait des enfants sont encore emprisonnés avec des adultes. Il n’y a que trois centres de détention préventive pour les jeunes délinquants qui sont opérationnels: à Kampala, à Fort Portal et à Mbale. Ils sont surpeuplés et les conditions n’y sont pas favorables au bien-être des enfants. Bien que la loi l’exige, beaucoup de gouvernements locaux n’ont pas encore créé ces centres dans leurs districts.

Daudi Aliobe, commissaire adjoint des prisons, chargé de la réhabilitation, fait remarquer que les responsables des prisons ont souvent rappelé aux magistrats l’illégalité de la détention de jeunes dans leurs installations.

Parfois, ils ont même renvoyé des jeunes aux magistrats pour qu’ils les fassent transférer dans des lieux de détention appropriés. «Quand un gardien de prison suspecte qu’un détenu est un mineur, malgré les rapports de police, ce jeune est gardé à l’écart». On a accusé des agents de police d’exagérer l’âge des mineurs, pour qu’ils soit jugés comme des adultes et enfermés dans des prisons pour adultes. Mais il faut reconnaître que la police, les prisons et les agents sociaux de probation, tout comme les procureurs, éprouvent bien des difficultés à déterminer l’âge exact des suspects juvéniles. Tout se complique quand il s’agit d’enfants des rues qui n’ont plus de famille ou refusent de l’indiquer.

Garder les enfants hors des tribunaux

D’après le ministre Mayanja Nkangi, les officiers de police ne se servent pas assez de ce que leur accorde la loi. Ils n’utilisent pas assez l’étendue de leurs pouvoirs pour éviter à un enfant d’être envoyé au tribunal. Ils pourraient faire appel à d’autres moyens, par exemple une mise en garde de police, ou une caution, ou en envoyant les cas aux membres du Conseil local pour arranger les affaires d’une façon informelle.

Pour le Dr Masamba Sita, conseiller à l’Institut africain des Nations unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants (UNAFRI ), on recourt trop facilement à la logique punitive, négligeant le style compensatoire, conciliatoire et thérapeutique. Le Parlement ougandais a fourni un instrument qui, correctement employé, pourrait offrir d’autres styles de contrôle social quand il s’agit d’enfants. «Le statut des enfants stipule que, même dans les cas où le code pénal prévoit des peines, les conseils locaux peuvent prescrire d’autres mesures envers les enfants déliquants: la réconciliation, la compensation, la restitution, les excuses ou les cautions», affirme le Dr Masamba.

Les difficultés actuelles

Bien que le statut des enfants permette d’accorder aux enfants la liberté provisoire sous caution, certains tribunaux sont trop réticents à utiliser cette faculté et continuent à refuser la liberté provisoire aux jeunes délinquants. Ceci est dû partiellement à l’attitude conservatrice des procureurs, mais aussi au fait que certains de ces délinquants n’ont pas d’adresse fixe, étant des enfants de la rue qui n’ont pas de famille.

Mais le plus grand dilemme de l’administration de la justice juvénile est peut-être la “loi de la profanation”, une loi qui interdit les rapports sexuels avec des mineurs. Cette loi n’est pas bien définie en Ouganda. Une étude faite par UNICEF /Save the children Fund, montre que 19% des jeunes du centre de détention préventive de Naguru sont inculpés d’avoir enfreint cette loi (second motif d’inculpation, après 27% pour vols). Lors d’une visite en 17 endroits, dont des postes de police, des prisons et des Conseils locaux, on a constaté que le plus grand nombre des jeunes a été emprisonné sous cette loi. Il reste donc beaucoup à faire en Ouganda pour clarifier la situation légale des délinquants juvéniles.


SOMMAIRE FRANCAIS | ANB-BIA HOMEPAGE | WEEKLY NEWS


PeaceLink 2001 - Reproduction authorised, with usual acknowledgement