ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 406 - 15/02/2001

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Congo RDC
Après l’assassinat de Kabila



PAIX


Deuil, craintes et espoirs au lendemain de l’assassinat du président Laurent-Désiré Kabila

Tombeur de Mobutu et chef de l’Etat depuis le 17 mai 1997, Laurent-Désiré Kabila est assassiné le 16 janvier 2001 par l’un de ses gardes du corps. Les circonstances, pour autant qu’on les connaisse, ont été suffisamment décrites et commentées par la presse internationale. Quelle fut la réaction de la population à Kinshasa au lendemain de cette disparition brutale du chef de l’Etat?

Réaction de la population

La réaction de la population à l’annonce de la mort du président Kabila a été à la mesure du drame social qui sévit dans le pays: misère sans cesse croissante, situation socio-économique dramatique et catastrophique, inflation galopante, flambée des prix des denrées alimentaires, grave crise de carburant et perturbation des transports... C’est ainsi que l’annonce de la nouvelle de la mort de Kabila a été accueillie d’abord dans l’indifférence générale (la population étant préoccupée surtout de sa propre survie); ensuite avec consternation (car une mort d’homme est toujours déplorable pour tout Africain); puis avec indignation (puisque le meurtre d’un homme, même méchant, est toujours condamné); et enfin avec inquiétude (car tout le monde redoute la confusion qui découlerait de l’attentat). La population craignait surtout les pillages et la révolte des militaires, qui se plaignent du non-paiement de leur solde.

Ce n’est donc pas avec une grande tristesse et de chaudes larmes que la population a pleuré Kabila. Toutefois, à Lubumbashi comme à Kinshasa, le peuple a rendu hommage à celui qu’il appelait “libérateur”. On a vu une grande foule le long du parcours qu’a emprunté le cortège funèbre. Il y a eu ici et là des femmes qui se montraient très émotionnées. Dans la foule, on pouvait distinguer les simples curieux des compatissants.

La population congolaise s’apprêtait à commémorer, le 17 janvier, le 40e anniversaire de l’assassinat de Patrice Lumumba, héros national, lorsque la veille Kabila est tombé lui-aussi sous les balles d’un traître. Cette coïncidence n’est pas passée inaperçue. L’opinion se demande même si les commanditaires de l’assassinat de Kabila ont choisi expressément cette date. Toujours est-il que Kabila se proclamait l’héritier spirituel de Lumumba, dont il était un fervent admirateur, et il s’était engagé à poursuivre la lutte de libération du peuple congolais. C’est ainsi qu’il avait opté pour une lutte armée pour mettre fin à la dictature de Mobutu. Pendant plus de trois ans à la tête du pays, il a prouvé ses qualités de patriote et de nationaliste.

L’après-Kabila

Il y a beaucoup à dire sur la gestion de Kabila à la tête du pays. Malgré ses insuffisances et ses faiblesses, il laisse dans la population l’image d’un nationaliste convaincu, d’un patriote engagé et d’un résistant irréductible. Une certaine opinion trouve dans sa mort l’occasion de relancer la véritable démocratisation du Congo. Une autre opinion exprime son inquiétude sur l’après-Kabila.

Pour sa part, le gouvernement laissé par Kabila a tenu une réunion élargie avec les autres forces vives du pays (Parlement, société civile, justice) et a choisi le général-major Joseph Kabila, le fils du président défunt, pour assurer la continuité de l’Etat. Son choix est fort controversé et la classe politique est divisée sur ce point. Les uns affirment que le Congo n’est pas un royaume, où le fils succède au père; tandis que les autres trouvent que c’est le moindre mal. Car on ne voit pas qui d’autre pourrait être choisi dans les circonstances actuelles du pays.

C’est pourquoi les priorités du nouveau président sont notamment le rapprochement rapide avec l’opposition tant armée que non armée, l’organisation du dialogue intercongolais et le soulagement de la misère de la population. Un signe qui augure de bonnes dispositions du nouveau président: l’ouverture le dimanche 21 janvier des guichets de la Banque centrale pour le paiement des fonctionnaires et des militaires. Paraphrasant M. Etienne Tshisekedi, leader de l’opposition non armée, nous pouvons dire que si les nouveaux dirigeants ne s’engagent pas à servir le bien du peuple et se préoccupent de leurs intérêts égoïstes, ils sont appelés à disparaître!

Le cri du Congo

Récemment, tout juste avant l’assassinat de L.D. Kabila, deux initiatives ont été lancées à Kinshasa, qui expriment bien les aspirations du peuple congolais. Elles diront aussi aux nouveaux dirigeants ce que la population attend d’eux.

“Le cri du Congo” est l’appellation d’un projet de paix initié par le cardinal Frédéric Etsou, archevêque de Kinshasa. Ce projet a été lancé officiellement le 10 janvier 2001 en la cathédrale Notre-Dame du Congo, en présence des membres du gouvernement et du corps diplomatique. Son but est d’attirer l’attention de l’opinion nationale et internationale sur la grande souffrance du peuple meurtri du Congo et sur le drame social dans lequel il vit quotidiennement.

“Le cri du Congo” veut donc crier haut et fort à la face du monde: “Arrêtez la guerre, nous voulons la paix”. C’est un cri d’espoir qui vient du coeur d’un peuple, qui espère le rétablissement de la paix, du dialogue et de l’entente dans un pays déchiré par la guerre. Car une chose est certaine: le peuple congolais ne veut pas la guerre et aspire à la paix. Sa souffrance a atteint le seuil de l’intolérable et de l’inimaginable; elle est même devenue une injure à la dignité de l’homme créé à l’image de Dieu. A l’unanimité, toutes les victimes de la guerre, qui déchire actuellement le pays, crient: “Nous voulons la paix et maintenant”.

La question fondamentale, à l’origine de l’initiative du cardinal Etsou, est la suivante: comment crier notre misère et faire entendre la voix des victimes innocentes en RDC? Pour matérialiser son projet, le prélat a partagé son souci avec les artistes musiciens et comédiens de Kinshasa, pour qu’ils fassent connaître par leurs oeuvres la souffrance humiliante du peuple congolais. S’adressant à eux, le cardinal Etsou a souligné: “Votre art rassemble et unifie les peuples. Il peut contribuer au retour de la paix dans notre pays. Vous en avez les moyens et les talents”. Accueillie avec joie par toute la population, l’initiative de l’archevêque de Kinshasa est soutenue par les artistes. Ils ont confirmé leur détermination à faire réussir cette campagne pour la paix durable au Congo.

Comme signe de concrétisation, le cardinal Etsou a appelé à sonner les cloches des églises, des temples et des mosquées pendant 5 minutes à 12 h précises, le 10 de chaque mois, du mois de janvier jusqu’au mois de juin. Les conducteurs des véhicules et les taximen sont invités à faire de même en klaxonnant pendant 5 minutes à la même heure et le même jour. Dans le cadre de ce projet de paix, il y a aura le 10 juin 2001 à Kinshasa, au stade des Martyrs, un concert avec des vedettes internationales de la chanson.

Le 9ème anniversaire de la Marche d’espoir

Le 16 février 1992, était organisée à Kinshasa une marche pacifique en vue de réclamer la réouverture de la Conférence nationale souveraine (CNS), considérée par le peuple comme l’unique voie vers l’instauration d’un Etat de droit au Congo. Cette marche a été réprimée dans le sang par le pouvoir dictatorial de Mobutu.

Le 16 février 2001, 15 groupes et associations, parmi lesquels le groupe Amos, le groupe Jérémie, le CALCC (Conseil pour l’apostolat des laïcs chrétiens du Congo) et bien d’autres, se proposent de commémorer de manière spéciale cet anniversaire. Les préparatifs ont débuté au mois de décembre dernier. Parmi les activités prévues par le collectif, nous pouvons signaler un message à adresser au peuple de Dieu et aux hommes de bonne volonté sous le titre “Souviens-toi et reprends courage”. Ce message, qui était prêt depuis le 10 janvier et distribué en partie, invite les témoins de l’histoire à “reprendre le bâton du pèlerinage avec courage et détermination, pour dire non à la répression, à la nouvelle dictature interne ou externe et dire oui à la liberté, à la dignité et au respect de la vie”. Malheureusement, après distribution de certaines copies de ce message, quelques membres de ce collectif ont été arrêtés; ce qui fait que les réunions du collectif ont été momentanément suspendues.

Mais un dépliant est sous presse, rappellant les grandes lignes de l’histoire de la marche, qui fut pacifique, mais qui a été réprimée dans le sang par le pouvoir dictatorial de Mobutu. Il indique également les leçons de la marche, dont la plus importante est la volonté de changement qui s’était manifestée dans la population. Un peuple s’est mis debout pour défendre sa liberté. Enfin, le dépliant souligne que le sang versé par les victimes de la marche a permis la réouverture de la CNS et que la mort de tous ces martyrs n’est pas seulement un témoignage de foi, mais aussi un appel à continuer la lutte pour la justice et le respect des droits humains.


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