ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 406 - 15/02/2001

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Namibie
Le programme de la réforme agraire


TERRES


Le programme de la réforme agraire de la Namibie a l’appui inattendu de l’opposition!

Katuutire Kaura, leader de l’Alliance démocratique Turnhalle, le parti officiel d’opposition, a dit que la politique gouvernementale du “prêt à vendre, prêt à acheter”, telle qu’elle est stipulée dans la Constitution du pays, est la meilleure façon d’aller de l’avant. Kaura est fortement opposé à une expropriation des terres de style zimbabwéen, qui, dit-il, n’est qu’une combine politique par laquelle le président Robert Mugabe essaye de regagner de la popularité dans son pays.

Kaura a l’appui d’un autre dirigeant de l’opposition: Kossie Pretorius, du Monitor Action Group. Pretorius est un politicien blanc, et sa position sur la question agraire n’a surpris personne, puisque l’expropriation des terres ne vise que les Blancs – et donc lui aussi.

Ben Ulenga, leader du Congrès des démocrates, soutient la façon dont la SWAPO  (Organisation du peuple de l’Afrique du Sud-Ouest), au pouvoir, applique son programme pour la réforme agraire. Selon lui, aller à l’encontre de la Constitution mettrait en mauvaise posture certains dirigeants du gouvernement, qui ont déjà acquis et clôturé de larges étendues de terres arables.

La SWAPO a plus des deux tiers des sièges au Parlement. Si tous les partis de l’opposition appuient la clause constitutionnelle du “prêt à vendre, prêt à acheter”, le Parlement aura peu de chances d’y apporter des changements.

“Exproprier sans compensations”

Mais qu’en pensent la base? La plus grande partie de la population, avide de terres, est en faveur de l’expropriation sans compensations. Beaucoup de citoyens ordinaires trouvent que le gouvernement du président Sam Nujoma tarde trop à faire démarrer la réforme agraire. Et ils voudraient que cela se fasse comme au Zimbabwe: sans compensations.

Quand il était le leader du mouvement travailliste, Ponhele ya France préconisait déjà cette façon d’acquérir les terres. Il disait: “Les terres ont été volées aux Noirs; il ne faut donc pas payer pour les reprendre”. Depuis cette déclaration, il a démissionné de la présidence de l’Union nationale des travailleurs namibiens et est maintenant un parlementaire de la SWAPO.

En 1999, il a conduit une manifestation jusqu’au Parlement pour exiger que les terres soient enlevées aux Blancs sans aucune compensation. Il est soutenu par le Conseil des anciens de la SWAPO, qui regroupe des vétérans et des chefs coutumiers partisans du parti. Lors de leur assemblée générale annuelle, en novembre 2000, ils critiquèrent sévèrement la politique “prêt à vendre, prêt à acheter” du gouvernement, et dirent que les terres devraient être enlevées aux fermiers blancs et restituées à leurs propriétaires légitimes, les Noirs, puisqu’elles avaient été volées à leurs ancêtres.

Une affaire délicate

Le gouvernement de Nujoma s’est aventuré sur un terrain glissant. Pour le Premier ministre, Hege Geingob, le problème foncier est très délicat. Mais Nujoma n’est pas d’accord. Selon lui, la Namibie est un pays très étendu, avec une toute petite population (d’environ 1,7 million), et “il y a facilement place pour tout le monde”.

Le gouvernement dit qu’il se conformera aux dispositions constitutionnelles pour reprendre les terres et a demandé aux fermiers blancs de coopérer. Et c’est ce qu’ils ont fait. Sam Amoo, professeur à la faculté de droit à l’université de la Namibie, a fait des recherches sur la réforme foncière des dix années qui suivirent l’indépendance. Selon ses résultats, depuis 1990, le gouvernement SWAPO est parvenu à acheter 461.000 hectares de terres au moyen de ce programme “prêt à vendre, prêt à acheter”. Ces terres comportent 79 fermes commerciales d’une valeur de N$ 52,4 millions (US$1 = N$7,5). Au total, 22.000 Noirs sans terre se sont installés, pendant les cinq premières années après l’indépendance, sur certaines de ces fermes, conformément au premier plan national de développement.

A ce jour, 34.000 Noirs sans terre ont été réinstallés. L’intention du gouvernement est de faire acheter par le ministère de l’Agriculture, dans les cinq années à venir, 360.000 autres hectares de terres pour y installer plus de 1.000 Noirs.

Les critères pour la réinstallation

Les critères du ministère de l’Agriculture concernent trois catégories de personnes. La première comprend les Bushmen et tout Namibien désavantagé sans terre. La seconde catégorie, les propriétaires de bétail mais n’ayant pas de terres. La troisième comprend ceux qui ont du revenu, mais ne possèdent pas de terres. Ceux qui sont réinstallés, disposent des terres sous forme de bail pour 99 années. Mais le programme de réinstallation a surtout pour but d’améliorer le niveau de vie de ceux qui auparavant étaient désavantagés. C’est pourquoi le projet ne se limite pas uniquement aux terres arables pour l’agriculture. Son plan social est plus large, il comprend aussi des facilités de formation et de logement.

En plus de ce programme “prêt à vendre, prêt à acheter”, la loi de 1995 sur la réforme des terres agraires et commerciales donne au ministère de l’Agriculture le pouvoir d’exproprier des fermes privées. En ce cas, les propriétaires de ces fermes n’auraient pas le droit d’en négocier le prix. La loi de 1995 stipule simplement que le pouvoir du ministre d’exproprier les terres doit aller de pair avec une compensation. Mais jusqu’ici, le gouvernement SWAPO ne s’est pas encore servi de son pouvoir d’exproprier que lui donne cette loi.

Cela lui a valu des éloges surtout dans les capitales occidentales. Mais le gouvernement de Nujoma, qui dit dépenser chaque année 20 millions de N$ pour acheter des fermes pour son programme de réinstallation, a du mal à soutenir ce rythme. Il a donc été forcé, pour la première fois, de chercher de l’aide à l’étranger. En octobre 2000, après son voyage en Allemagne et en Autriche, le Premier ministre Geingob a déclaré aux médias que ces deux pays n’avaient pas de fonds pour financer la réforme agraire de la Namibie. Ils ont suggéré que la Namibie s’adresse à l’Union européenne (UE) et non à des nations particulières. «L’UE est la clef, a dit Geingob. Nous nous y rendrons avec notre plan dès la première partie de 2001».

Les besoins de la Namibie

Dans le document présenté en Europe, Geingob demande, pour ces cinq prochaines années, environ 900 millions de N$ dont la Namibie aurait besoin pour sa réforme agraire.

De cette somme, 96,7 millions sont destinés à l’arpentage, le démarquage et l’achat de 72.000 hectares de fermes commerciales; 49,2 millions serviront au développement des infrastructures, pour réinstaller 36 familles dans des régions commerciales; et 370.726 N$ seront nécessaires pour le développement de l’infrastructure des régions communales, pour l’installation de petites fermes. L’arpentage et les plans coûteront 22,6 millions N$ et 7,5 millions iront à la planification et les allocations.

L’Allemagne, le plus important pays donateur de la Namibie, est maintenant d’accord pour l’aider dans sa réforme agraire. Joachim Tappe, du parti social démocrate, président du groupe parlementaire pour l’Afrique de l’Est, aurait dit: “Ce n’est pas la réforme qui est en question, mais la méthode employée. J’espère que la Namibie ne suivra pas le mauvais exemple du Zimbabwe”. Comme ce “mauvais” exemple du Zimbabwe n’est pas en jeu, la réforme agraire de la Namibie a toutes les chances d’être soutenue par les bailleurs de fonds occidentaux.


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