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Côte d’Ivoire |
TENSIONS
Le président Gbagbo engage le pays vers un lendemain incertain
Dans des entretiens qu’il a accordé à nos confrères des journaux français Le Monde et Libération, le président ivoirien Laurent Gbagbo a dit “ses vérités”. Sans fioritures ou convenances diplomatiques, il s’en est pris à ses adversaires de l’intérieur, tout en récriminant contre l’ancienne colonie. Des propos dont la teneur pourrait non seulement mettre à mal les relations diplomatiques de notre pays, mais aussi hypothéquer l’économie nationale.
A l’instar de la Libye, de l’Irak et bien d’autres pays qui ont décidé d’en découdre avec les puissances occidentales, la Côte d’Ivoire a-t-elle les moyens politiques et économiques de son “arrogance”? Si l’on est tenté de répondre par la négative, il faut avouer que l’économie de notre pays peut fortement s’en ressentir. C’est tout le programme de refondation qui est menacé.
Si la riposte du président Gbagbo paraît une réponse du berger à la bergère, alors c’est l’entêtement des autorités ivoiriennes à dédaigner toute médiation dans la crise socio-politique qui explique le ras-le-bol de l’Occident. Aussi ridicule et paradoxal que cela puisse paraître, nos plus hautes autorités clament que rien ne se passe dans notre pays. Or, les Ivoiriens s’entretuent. Déjà en 1995, le boycott actif et l’obstination du régime Bédié ont fait des morts. Il en fut de même les 24 et 26 octobre dernier, et aussi pendant le scrutin législatif.
On peut s’interroger sur la pertinence de l’immixtion de l’Occident dans la crise ivoirienne, que d’aucuns refusent de reconnaître. Disons le tout net: cette immixtion est non seulement pertinente mais légitime. Car il serait absurde que des Africains s’entredéchirent à huis clos, et demandent ensuite l’aide financière de l’Occident pour panser leurs plaies... D’ailleurs, à travers la crise sierra-léonaise, notre pays lui-même a participé à la démocratie préventive. Quel mal y a-t-il d’indiquer à un Etat que la voie qu’il a empruntée est dangeureuse? Il est incompréhensible que les dirigeants politiques de notre pays, de Bédié à Gbagbo en passant par Gueï, continuent à opposer un refus systématique. Il est donc à craindre que ce nationalisme devienne un cauchemar pour le peuple, dont le pouvoir d’achat devient désormais quasi inexistant.
Gueï, Ado, Bédié... des cas délicats
La frénésie qui s’était emparée des Ivoiriens quand, au bout de dix ans de lutte pacifique, Laurent Gbagbo est devenu président, a été sérieusement effritée depuis que celui-ci à décidé de se mettre à dos la communauté internationale et les pays limitrophes. La situation économique, déjà peu reluisante, risque d’accroître la misère du peuple et de porter une sérieuse entorse au programme de refondation souhaité par le président Gbagbo.
La première question qui vient à l’esprit est celle-ci: comment et où trouver les 80 milliards de fcfa à avancer aux fonds monétaires en vue de la reprise des négociations avec ces institutions? D’autant plus que la France s’est rétractée et que le président Gbagbo a avoué dans son interview qu’il nous est difficile de nous passer du FMI et de la Banque mondiale. Même si le budget qui sera soumis au Parlement doit d’abord être alimenté par les recettes internes, on peut se demander si le privé ivoirien est assez fort pour supporter la masse salariale et les réformes sociales, et pour engager des investissements publics. Rien n’est moins sûr. En définitive, la première victime des agissements de M. Gbagbo risque d’être le peuple. Mais aussi le mandat de M. Gbagbo lui-même, dont on attend peut-être de trop grands résultats. Le sachant, M. Gbagbo s’est dit incapable de présenter un programme à court terme.
Par ailleurs, au plan de la politique interne, le nouveau pouvoir voudrait régler mille problèmes à la fois, dont certains sont militaires. Pêle-mêle, les cas Gueï, Ado, et Bédié, s’ils ne sont réglés avec tact, risquent de constituer un boulet au pied du nouveau régime.
D’autre part, le président qui a donné l’ordre aux policiers de maintenir le calme par tous les moyens, endosse de facto les tueries des récents événements qui ont essentiellement endeuillé les populations du nord. Dans pareil contexte, on peut se demander si la réconciliation entre le pouvoir central et le nord du pays est pour demain. En définitive, le président, qui pense avoir dit ses vérités, engage résolument le pays vers un lendemain incertain à tous égards.
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