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POLITIQUE
Le roi Mswati a commencé l’année 2001, toujours plus isolé de son peuple
Vers la fin de l’année 2000, on assista à un net revirement de l’opinion publique en faveur d’une démocratie multipartite, contre la dictature de la monarchie. Paradoxalement, les partisans de la monarchie absolue firent le jeu de l’opposition en expulsant impitoyablement les chefs de Kamkhweli et de Macetjeni, ainsi que des centaines de leurs partisans. Leurs territoires furent saisis pour être donnés au demi-frère de Mswati, le prince Maguga, qui prétendait que les deux chefs à la tête de la région constituaient une menace pour les Dlamini, la famille du roi Mswati.
Au début d’octobre dernier, les Dlamini furent tout étonnés quand les étudiants de l’université du Swaziland, l’Association nationale des enseignants du Swaziland (SNAT) et la Fédération des syndicats du Swaziland (SFTU) manifestèrent contre ces évictions. C’était bien la première fois, depuis son couronnement en 1986, qu’une majorité de l’opinion publique manifestait ouvertement défiant ainsi un ordre du roi Mswati III. Quand l’armée et la police tabassèrent les étudiants et les instituteurs — qui avaient marché à Lozitha pour exiger que le roi annule le décret d’expulsion signé par le ministre de l’Intérieur, le prince Sobandla — il était clair que cette violente réaction des forces de sécurité ne faisait que souligner la panique qui s’était emparée des autorités.
N’ayant pas pu rencontrer le roi pour lui parler de la crise croissante, la SFTU et la SNAT ont organisé deux journées de grève pour bien faire comprendre au roi Mswati qu’il ne peut plus fouler aux pieds les revendications de son peuple, juste pour faire plaisir à ses puissants frères qui le manipulent à leurs fins personnelles. Peu après, pendant deux jours, les deux groupements syndicaux bloquèrent la frontière avec l’Afrique du Sud, avec l’appui du puissant Congrès des syndicats de l’Afrique du Sud (COSATU), le partenaire du Congrès national africain (ANC) au pouvoir en Afrique du Sud.
Les réactions des royalistes
Pendant cette grève de deux jours, la réaction des partisans de la monarchie absolue (surtout ceux au gouvernement) ne se fit pas attendre. Ils interpellèrent Mario Masuku, le président du Mouvement populaire uni pour la démocratie (PUDEMO) l’accusant de haute trahison. Le chef d’accusation était une déclaration “félonne” qu’il aurait faite lors d’une démonstration à Mbabane, la capitale du Swaziland. Il aurait exigé le renversement du régime dictatorial du roi Mswati.
L’affaire est en instance à la Haute Cour du Swaziland et attirera certainement l’attention des médias internationaux. Elle rehaussera aussi l’image du PUDEMO qui, depuis 1983, a été à la tête de l’opposition au système de gouvernement Tinkhundla sous lequel le pays est gouverné depuis 1978. Au cours des années, le PUDEMO a fait maintes tentatives pour rencontrer le roi Mswati III et discuter avec lui d’un nouveau régime politique, mais en vain; le roi a toujours refusé ces tentatives, disant qu’elles ne représentaient que les vues d’une minorité.
Il est bon de noter ici que le PUDEMO et d’autres membres de l’Alliance pour la démocratie du Swaziland (SDA) opèrent au mépris de l’état d’urgence décrété par le roi Sobhuza II qui, en avril 1973, avait supprimé la Constitution et interdit toute activité politique. En d’autres mots, il s’était arrogé tous les pouvoirs exécutifs, législatifs et judiciaires. — D’autres mouvements importants qui constituent la SDA sont: l’Aile de la jeunesse du PUDEMO, le Congrès de la jeunesse du Swaziland, le Congrès de la libération nationale de Ngwane, l’Association des droits de l’homme du Swaziland et la SFTU .
Nelspruit
Peu avant les marches de protestations du mois d’octobre, le Premier ministre, le Dr Sibisiso Dlamini, avait interdit toute réunion des syndicats, forçant la SNAT et la SFTU à s’expatrier à Nelspruit, capitale de la province Mpumalanga, en Afrique du Sud, où vit une large population de Swazis.
Qu’est-ce qui les a attirés à Nelspruit? Les Swazis qui y habitent sont convaincus que, historiquement parlant, la région appartient au Swaziland, et reconnaissent donc le roi Mswati comme leur roi légitime. Des parties de Mpumalanga et de Ngwavuma, dans la province du KwaZulu-Natal, sont au centre de disputes territoriales entre le Swaziland et l’Afrique du Sud, datant des jours du roi Sobhuza II qui avait négligé d’en négocier un accord avec l’ancien régime d’apartheid.
L’ouverture en Afrique du Sud de deux bureaux du Réseau de la solidarité du Swaziland, mené par des exilés soutenus par des militants de l’ANC, s’ajouta aux problèmes croissants du roi Mswati. Ces militants ANC ont juré d’aider les exilés Swazis à se battre jusqu’au bout pour renverser la dictature du roi Mswati. Ces relations de l’ANC avec les opposants d’une monarchie absolue ont aigri les relations diplomatiques entre Mbabane et Pretoria. En fait, économiquement, le Swaziland est une 10e province de l’Afrique du Sud, ce qui ne facilite pas les choses pour le roi Mswati.
Bien que Mbabane essaye de minimiser les risques de ces réalités économiques et politiques, les observateurs bien informés sont unanimement d’avis que le royaume frôle le danger. Si le COSATU montrait les dents et forçait Pretoria à organiser un blocus économique paralysant le Swaziland, cette monarchie absolue serait bien forcée de négocier sérieusement avec la SDA.
Essais de conciliation
Le Premier ministre du Swaziland semble avoir pris conscience de ces dangers. Dans son message de nouvel an 2001, il déclara que les syndicats pouvaient à nouveau tenir des réunions, à condition qu’ils ne traitent que de questions de travail et non d’affaires politiques. Ce geste de conciliation intervint après que la SNAT et la SFTU avaient notifié leur intention d’organiser une autre réunion en dehors du pays, cette fois à Maputo, la capitale du Mozambique. Le Swaziland a une longue frontière commune avec le Mozambique et l’Afrique du Sud, et toutes ses exportations passent par les ports de ces deux pays. Mais bien que la monarchie swazi ait des accords de sécurité avec ces deux grandes démocraties voisines, il n’y a aucune garantie que celles-ci ne fassent un jour volte-face et imposent des réformes politiques au roi Mswati III.
Le Parlement
Les évictions de Kamkhweli et de Macetjeni ont bien montré que le Parlement n’est qu’une institution de “béni-oui-oui”, ce que ses membres ont toujours nié avec véhémence. Certains membres avaient demandé de discuter cette affaire d’évictions, mais le ministre de la Justice, M. Maweni Simelane, avait refusé arguant que la question était hors de la juridiction du Parlement. Pendant la grève de deux jours, certains membres avaient élu un comité pour faciliter les discussions entre le gouvernement et le SDA; mais le Premier ministre était de nouveau intervenu en disant que cela non plus n’était pas de leur ressort.
De la même façon, lorsque fut créée, en la triant sur le volet, une Commission pour la révision de la Constitution (CRC), le Premier ministre dit à maintes reprises que toutes les questions politiques devraient être laissées à cette organisation. Vers la fin du mois d’octobre 2000, la commission a présenté son rapport au roi. Constituée à la mi-1996, la CRC, qui avait d’abord reçu deux ans pour présenter un projet de Constitution, avait obtenu encore deux ans de prolongation. Les opposants du régime ont vite condamné la CRC. Pour eux, la révision de la Constitution était un stratagème pour établir plus fermement l’hégémonie Dlaministe, et non pas pour produire un document crédible qui donnerait au pays une nouvelle Constitution. Quand la CRC présenta un texte définitif et non pas un projet comme prévu, les leaders de la SDA n’en furent absolument pas surpris.
Protestations contre le roi
Fin décembre, lorsque le roi Mswati renvoya les régiments traditionnels qui avaient sarclé ses champs, après la cérémonie royale de l’Incwala, les observateurs ont remarqué qu’à cette occasion le roi avait fait le plus court de ses discours depuis son couronnement. Non seulement le discours ne contenait rien d’important, malgré les événements qui avaient troublé l’année écoulée, il ne disait même pas un mot sur les évictions scandaleuses de Kamkhweli et de Macetjeni.
Un groupe de femmes de Macetjeni se rendit alors à la résidence du prince Maguga, soi-disant pour lui faire un cadeau. Une fois en sa présence, elles soulevèrent leurs jupes en lui montrant leurs parties intimes, et affirmèrent que, comme elles n’avaient pas d’armes, c’était là le seul signe de protestation qui leur restait. Les femmes protestaient ainsi violemment contre le roi Mswati, parce qu’il avait pris le parti de son demi-frère, le prince Maguga, qui aspirerait au trône.
En fait, le roi Mswati a commencé l’année 2001 presque complètement coupé d’une partie toujours plus grande de son peuple qui n’accepte plus que ses droits soient foulés aux pieds par la famille royale. Bien sûr, l’armée et la police soutiennent fermement la monarchie absolue, mais en cas d’une opposition active, il est peu probable que les soldats se tournent contre leurs amis et parents. Il ne faut pas oublier que le Swaziland n’a pas de divisions tribales, la population n’est qu’un clan, tous sont apparentés. Il serait donc naïf de croire que les militaires tourneraient leurs armes contre leurs frères de sang.
A la fin de l’année 2000, tout démontrait que le Swaziland est maintenant divisé: d’un côté, les partisans de la monarchie absolue (la famille royale Dlamini et la noblesse), et de l’autre, les masses menées par la SDA. On ne peut exclure l’éventualité d’une révolution violente, à moins que le roi Mswati III ne ravale sa fierté et négocie avec les partis politiques sous l’égide et les auspices de la SDA.
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