ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 408 - 15/03/2001

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 Ouganda
L’industrie du café


ECONOMIE


 Epreuves et malheurs de l’industrie du café en Ouganda.
David Mambule, dont les affaires et la fortune ne sont plus que ruines,
en est une image typique

 Mambule, un homme d’affaires d’âge moyen, s’est lancé dans le commerce de l’exportation du café dès sa libéralisation en 1992. Les banques lui ont prêté volontiers 100 millions de shillings, parce qu’il avait des bonnes connections et des garanties. Au début, tout alla bien: des bureaux impressionnants, un personnel très occupé et de belles voitures garées non loin de là. Mais soudain survinrent les malheurs, les uns après les autres, et en peu de temps Mambule s’est retrouvé sur le pavé.

Mambule n’est plus que l’ombre de lui-même. Ses cheveux grisonnants lui donnent l’air d’être mal peigné; habillé d’un pantalon usé, il bat sans cesse le pavé des rues de Kampala, parlant tout seul et son air misérable suscitant la pitié. Mambule est exclu de l’industrie du café, grillé comme disent certains. Il n’est pas le seul. Même des grosses compagnies quittent ce business. Il n’y a pas longtemps, Cargill, une importante firme de denrées américaine, qui semblait pourtant très prospère en Ouganda, a aussi fait faillite. Et la liste ne fait que s’allonger au Service de développement du café de l’Ouganda (UCDA)

Jours fastes et néfastes

En 1992, l’UCDA avait reçu une demande de licence de 200 exportateurs enthousiastes, avides de se lancer dans l’industrie du café. Vers la fin de 1999, seuls 30 d’entre eux étaient encore en activité, dont 10 contrôlant plus de 60% du commerce du café. Qu’est ce qui ne va plus dans ce commerce qui semblait pourtant si lucratif?

Le café représente 65% des revenus de l’exportation de l’Ouganda. Mais la libéralisation de cette industrie ne s’est pas passée sans problèmes. Au départ, l’exportation du café était le privilège d’une compagnie parastatale, la Commission de la commercialisation du café (CMB ), qui possédait notamment un centre de traitement du café, capable de traiter chaque année plus de 240.000 sacs. Sous l’impulsion de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI), le gouvernement ougandais a cherché à libéraliser l’industrie. C’était surtout parce que les cultivateurs de café s’estimaient escroqués et traités de manière injuste. Ils ne recevaient alors que 10% du prix du marché international et, en plus, ils étaient payés en “bons-pour”. Par ailleurs, les bailleurs de fonds n’aimaient pas que la Banque de l’Ouganda avance des fonds à des entreprises de café moins efficientes, craignant que cela ne favorise l’inflation.

Le gouvernement libéralisa donc l’industrie et au début les choses semblaient aller mieux. Un fermier recevait maintenant 70% du prix du marché international et ce pourcentage resta le même pendant plusieurs années. La production du café s’accrut. En 1992, on exporta 1,8 million de sacs. En 1998, cette exportation avait atteint les 4 millions de sacs. La vie des fermiers s’améliora et les maisons recouvertes en tôle se multiplièrent dans les régions rurales. On connut une vague de prospérité, au point que les fermiers du Kenya et du Congo-RDC commencèrent à apporter frauduleusement leur café en Ouganda pour qu’il soit réexporté.

Puis survinrent les malheurs. Les prix du marché international chutèrent, et l’industrie fut confrontée à une maladie qui desséchait les caféiers et détruisait chaque année plus de 3% du café. Actuellement, les exportations diminuent encore et, pour l’année 2000, elles ne dépassent pas les 2,8 millions de sacs.

Un examen de conscience

Cela rappelle aux fermiers qu’il n’y a pas de garanties solides pour le café: il faut tenir compte notamment de la fluctuation des prix sur le marché international et aussi de la dévaluation du shilling ougandais. Le taux du dollar est monté de 1.300 shillings à 1.875. Les fermiers reçoivent une moyenne de 1.900 sh. par kilo. Mais les plus exposés sont les exportateurs du café. A moins que la situation économique de l’Ouganda ne s’améliore, ces exportateurs, dont beaucoup sont des étrangers, risquent de ne pas pouvoir supporter la tension et de suivre l’exemple de Cargill.

Un membre du Parlement, Okello Okello, accuse souvent les investisseurs dans l’industrie du café d’être uniquement motivés par le profit; ce dont il ne se privent pas. Mais cela n’aide pas l’Ouganda. “Les seuls vrais investisseurs sont les fermiers ougandais qui réinvestissent leurs profits dans le pays, pour faire accroître son économie”, affirme-t-il.

Pour lui, le gouvernement devrait donner aux investisseurs locaux un meilleur accès au financement et aux techniques importantes. Jusqu’ici, le gouvernement n’a pas fait grand chose pour que des institutions efficientes aident les exportateurs à prospérer. Le Conseil ougandais pour la promotion des exportations (UEPB) est une parastatale supposée aider les fermiers, mais il ne reçoit que peu de moyens financiers.

Il y a aussi un autre problème. C’est le peu d’efforts qu’on fait pour que le café destiné à l’exportation ait la qualité exigée par les critères internationaux. D’après les registres de l’UCDA , 212.000 sacs de café de la dernière récolte des exportateurs ougandais ont été rejetés par les clients internationaux parce qu’il était de pauvre qualité.

En plus, les firmes ougandaises ont été désavantagées par le manque de capital adéquat. Selon la Banque mondiale, 70% du capital d’exploitation de la plupart des entreprises ougandaises proviennent de leurs épargnes. Les banques commerciales de l’Ouganda ne veulent plus prêter de l’argent pour le moment. Elles préfèrent investir dans les bons du Trésor. La Banque centrale atteste que 80% des fonds pour les emprunts sont dirigés vers les bons du Trésor.

En plus de ses clients traditionnels, l’Ouganda cherche aussi d’autres marchés. Le président Museveni a déjà déclaré qu’il s’efforçait de convaincre les Chinois d’acheter le café ougandais. “Traditionnellement les Chinois boivent du thé et d’abord ils n’étaient pas très enclins à changer leurs habitudes; mais maintenant, ils commencent à prendre goût au café”, dit Museveni. S’ils consommaient 10 millions de tasses de café, ce ne serait pas un mauvais début.

Tout en cherchant de nouveaux marchés, l’Ouganda tend aussi à ne pas trop dépendre du café. C’est une bonne démarche, car de nouveaux producteurs très efficients en Asie du Sud-Est, comme les Vietnamiens, sont eux aussi entrés dans le marché.


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