ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 409 - 01/04/2001

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Congo-Brazzaville
Dialogue national: coup d’accélérateur


PAIX


L’organisation du dialogue national, dit sans exclusive, continue à défrayer la chronique,
tant dans les états-majors politiques, que parmi la population

Le rendez-vous tant attendu par les Congolais, à l’intérieur et à l’extérieur du pays, vient de connaître des avancées remarquables. Mais, sur fond de grincements de dents. Pourquoi?

Le gouvernement congolais vient de donner un coup d’accélérateur à ce dialogue national, en publiant les dates précises et les modalités pratiques que beaucoup attendaient. Le conseil des ministres a décidé que le dialogue aura lieu, non pas à l’étranger, mais sur le territoire congolais, et qu’il se déroulera en deux phases. Dans une première étape, décentralisée dans les régions, les citoyens pourront apporter leur contribution sur l’avant-projet de Constitution et sur la convention pour la paix et la reconstruction. Dans une deuxième phase, une convention nationale sera consacrée à la recherche d’un consensus.

La cérémonie de l’ouverture officielle est fixée au 17 mars 2001, sous la houlette du médiateur international dans la crise congolaise, le président gabonais Omar Bongo, et du président congolais Sassou Nguesso, en présence d’observateurs internationaux. Le débat décentralisé dans les régions et communes aura lieu du 19 au 31 mars. Durant la deuxième phase, qui se déroulera à Brazzaville du 11 au 14 avril, la convention nationale débattra de l’avant-projet de Constitution et de la signature de la convention pour la paix et la reconstruction du Congo. Du 16 au 30 avril, le gouvernement transformera ces textes en projet de Constitution, qui devra être examiné et adopté par le parlement de transition. Un calendrier devra ensuite être élaboré et publié, fixant les dates du référendum constitutionnel et des élections générales.

A la mi-février, une délégation gouvernementale, conduite par le porte-parole du gouvernement, François Ibovi, et le ministre de la Justice, Jean-Martin Mbemba, s’est rendue à Libreville pour transmettre, de façon officielle, au médiateur Omar Bongo les propositions du gouvernement congolais.

Réactions

Comme il fallait s’y attendre, les propositions du gouvernement ont provoqué bien des mécontentements. Et cela en dépit du fait que le gouvernement a bien précisé qu’il ne s’agissait que de propositions soumises à l’appréciation du médiateur international.

La plupart des membres de l’opposition rejettent ces propositions parce que, selon eux, le gouvernement foule aux pieds l’article 13 de l’accord de cessez-le-feu signé, en décembre 1999, entre les forces armées congolaises et les factions rebelles. Cet article stipule: «Les signataires du présent accord conviennent de recommander à Omar Bongo, président de la République gabonaise, en sa qualité de médiateur international, de poursuivre ses efforts en faveur de la paix, en organisant dès que possible, avec le concours de la communauté internationale, le dialogue national sans exclusive, en vue d’une paix durable et du retour de la démocratie en République du Congo-Brazzaville».

Le gouvernement congolais et le Conseil national de résistance (CNR), en leur qualité de signataires des accords, doivent donc recommander leurs vues consensuelles au médiateur, en lui concédant toute l’organisation. C’est sur cette application que les attitudes se divisent.

Polémique pour la forme?

Pour le porte-parole du gouvernement, François Ibovi, les propositions du gouvernement ont été soumises à l’approbation du président Bongo, dont la médiation a été acceptée par les signataires des accords de paix. A la lumière du rapport du comité de suivi des accords de paix et des propositions du gouvernement, le médiateur a accepté, conformément à l’article 13 de l’accord, de poursuivre ses efforts en faveur de la paix au Congo. «Si les signataires s’éloignent de l’accord, s’ils font des déclarations contraires, ils violent l’accord de cessez-le-feu et de cessation des hostilités. Le gouvernement les invite à rester solidaires», précise Ibovi. Quant à la démarche, il rappelle que tout accord demande d’abord un accord politique qui est ensuite coulé dans des textes juridiques. Et il rappelle le déroulement de la Conférence nationale souveraine: «C’est le chef de l’Etat qui a publié deux décrets qui convoquaient les gens à cette rencontre et qui mettaient sur pied le comité préparatoire».

L’opposition s’attaque cependant à l’initiative du gouvernement. Ainsi, Nguila Moungouga Nkombo, vice-président du collectif des exilés et démocrates congolais, a déclaré: «La démarche de M. Sassou et de ses collaborateurs est totalement en dehors des dispositions de l’article 13... M. Sassou, aujourd’hui, se comporte comme étant à la fois le médiateur, le protagoniste et l’organisateur de tout. Quelle est la place du CNR , quelle est la place du démocrate, quelle est la place de celui qu’il a lui-même choisi comme médiateur? M. Sassou ignore M. Bongo, il le met en dehors de tout, il le convoque. M. Bongo est à ses ordres! C’est ingénieux.».

Le numéro 1 du CNR , le pasteur Ntoumi, a souhaité qu’un comité préparatoire, composé en partie par ses propres collaborateurs et ceux de l’opposition en exil, soit mis en place. Le CNR aussi a des points à faire figurer à l’ordre du jour du dialogue, fait-il remarquer. Quant aux délégués qui prendront part à cette rencontre, le leader du CNR est d’avis qu’il n’y a pas lieu de faire des restrictions, étant donné que ce dialogue est sans exclusive. L’ancien président Pascal Lissouba et son dernier Premier ministre Bernard Kolélas, exclus du dialogue par le gouvernement, devraient être invités à ce rendez-vous. M. Ntoumi appelle donc le médiateur de la crise à «prendre toutes ses responsabilités face à un gouvernement qui engage le dialogue à sa mesure...»

Le “Collectif des 16", un cartel de 16 partis politiques de l’opposition favorables au dialogue, s’indigne également de la démarche engagée par le gouvernement, qu’il qualifie d’unilatérale. Le gouvernement se présente comme l’organisateur du dialogue, alors qu’il est partie prenante au même diapason que les autres signataires de l’accord de cessez-le-feu. Le collectif demande que le médiateur Bongo ait les mains libres pour prendre ses responsablités. Il souligne également que les questions sécuritaires restent d’actualité, et signale des incursions militaires et des exactions de toutes sortes dans les régions touchées par les conflits. Selon le collectif, l’ouverture des travaux du dialogue est subordonnée aux conditions suivantes: la mise en place d’un comité technique préparatoire paritaire; la promulgation de la loi sur l’amnistie générale; et le retrait des troupes étrangères.

Bien d’autres partis réagissent encore diversement. Ainsi par exemple, le Rassemblement pour la démocratie et le progrès social (RDPS ) insiste pour que les retrouvailles du dialogue national soient un moment privilégié de réflexion sereine et consensuelle autour des questions clés que pose la reconstruction de la nation. Il propose une concertation préliminaire à Brazzaville de toutes les forces politiques résidant au Congo, en vue de convenir sur les modalités du déroulement des débats; et une autre à Libreville, de tous les protagonistes (pouvoir et opposition en exil)...

La société civile

En fait, les Congolais aspirent avant tout à la paix et à la réconciliation. «Le dialogue national n’est pas une concertation pour légitimer un quelconque gouvernement, mais plutôt une occasion inespérée de réconcilier les Congolais, pour qu’ils décident ensemble de leur avenir commun», lance un étudiant. Et un autre ajoute: «Le dialogue est une concertation pour la refondation de la République, sur un diagnostic sans concession de nos propres turpitudes. Cette vaste concertation de sauvetage de notre pays n’a besoin ni de juges, ni de prévenus, mais d’une nation consciente de ses graves erreurs, et qui s’engage à prendre de bonnes résolutions et à s’y conformer».

Au regard du drame congolais, la tenue de ce dialogue est un moment privilégié de réflexion sereine autour de questions clés que pose la reconstruction du pays au sortir du cycle infernal des guerres à répétition qu’il a connues. «Le processus de préparation et d’organisation de ce débat si important ne devrait pas être confondu avec celui d’un congrès d’un parti quelconque, où le comité central décide de tout et où la base ne fait qu’applaudir», s’exclame une commerçante. Les différentes opinions doivent pouvoir s’exprimer et la concertation est indispensable.

La sérénité dans les préparatifs et surtout dans le déroulement du dialogue est un gage de patriotisme. Il s’agit de dépasser les intérêts et les orgueils personnels, et de rendre au peuple congolais sa dignité perdue, détruite par des violences absurdes. Des violences qui ont endeuillé tant de familles. Le dialogue est un lieu où pourront se panser plaies et traumatismes.


Mise à jour de la rédaction - 17 mars. Ouverture du dialogue intercongolais à Brazzaville en l’absence des principaux leaders de l’opposition. — 19 mars. Début de la première phase (19-31 mars), appelée “débat décentralisé”, dans les dix régions du Congo et les six communes de Brazzaville. Le débat portera sur le projet de la nouvelle Constitution et les préparatifs des élections, ainsi que notamment sur le renforcement de l’unité nationale et la création d’une force publique républicaine. Au débat participent 2.200 représentants des institutions publiques, des associations de la société civile, des partis proches du pouvoir et de quelques partis indépendants.   — 21 mars. L’hebdomadaire congolais Tam-Tam d’Afrique annonce que les dirigeants de l’opposition en exil ont décidé de participer au dialogue national. Ils seraient attendus à Brazzaville. La seconde phase du dialogue aura lieu du 11 au 14 avril prochain à Brazzaville, sous la forme d’une convention nationale. — 25 mars. Un consensus sur le projet de la nouvelle Constitution se dégage nettement à l’issue de cette 1e phase, boycottée par l’opposition pour protester contre l’ordre du jour et l’absence de mesures de sécurité.                                                                                                                                               (ANB-BIA, Bruxelles, 26 mars 2001)


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