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Burkina Faso |
ECONOMIE
Le secteur privé, reconnu comme la locomotive de l’économie
dans un pays
en voie de développement, a grand besoin d’être dynamisé
si on veut réussir
une intégration régionale de l’Afrique francophone
Au Burkina Faso, comme dans beaucoup de pays de la sous-région, le secteur privé joue un rôle important et est pourvoyeur de main-d’oeuvre, surtout dans le domaine informel qui occupe plus de 80% de la population. Mais, de nos jours, dans bon nombre de pays africains, il est en souffrance, contrairement au secteur public —contrôlé par l’Etat. Les opérateurs économiques confrontés à de nombreuses difficultés — financières, législatives, manque de débouchés commerciaux, etc. — ferment “boutique”: plus des 2/3 des entreprises privées burkinabé ont mis la clé sous le paillasson. Locomotive de l’économie des pays en voie de développement, le secteur privé a besoin d’être dynamisé, car la réussite de l’intégration régionale, tant souhaitée par les jeunes dirigeants africains, ne peut se faire sans lui.
Idées d’intégration
Les idées d’intégration ont toujours marqué nos sociétés ouest-africaines, avec des moyens ou des méthodes différents qui en ont ainsi renforcé les traits distinctifs. Tout au long de l’histoire, le secteur privé a servi à des degrés divers ces intégrations. Mais une évaluation des différents processus d’intégration en montre une contribution plutôt mitigée.
Dans les sociétés pré-coloniales, malgré une organisation économique aux traits assez rudimentaires, des idées d’intégration plus ou moins élaborées étaient déjà présentes. Il s’agissait de relations économiques entre royaumes ou empires, fondées sur une coopération et une solidarité entre les peuples; mais surtout de relations entre commerçants et autres opérateurs privés, qui payaient aux souverains un revenu en fonction des affaires réalisées.
Pendant la période coloniale, on a franchi un nouveau pas. Sans bouleverser entièrement l’organisation économique interne des sociétés, la colonie présentera désormais le secteur privé sous une forme dichotomique. A côté d’un secteur privé traditionnel —caractérisé par des activités de production et de commerce telles que l’agriculture, l’élevage, la pêche, l’artisanat —, se dresse un secteur privé moderne, animé surtout par des Européens et, dans une moindre mesure, par des Syro-Libanais. Assez organisé et beaucoup plus structuré, il est franchement soutenu par les autorités coloniales. C’est surtout le commerce d’import-export qui sera le plus développé, entraînant l’installation de comptoirs et de banques dans les pays côtiers, de grands mouvements de personnes, de biens et capitaux à travers toute la sous-région, et favorisant même le contact des opérateurs économiques locaux.
On peut cependant dire que cette intégration était plus administrative (centralisation de l’Afrique occidentale française) qu’économique, les mouvements des produits étant encouragés plutôt en direction de la métropole qu’entre les différents territoires. Les grands regroupements tels que l’Union économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (UDEAO) ne virent le jour que très tard, au lendemain des indépendances, quand les chefs d’Etat africains feront du problème de l’intégration économique une préoccupation prioritaire.
Avec l’indépendance, le secteur privé n’a vraiment pas eu la chance ni l’opportunité de se développer, car les Européens sont remplacés par un Etat dirigiste et omniprésent qui, au plan international, va choisir la coexistence avec les hommes d’affaires européens et syro-libanais, tandis qu’à l’intérieur il mettra la main sur les secteurs vitaux de l’économie en nationalisant de nombreuses entreprises publiques. Ainsi, les performances du secteur privé animé par les nationaux seront insignifiantes et ses apports aux initiatives d’intégration très faibles.
Cette absence du secteur privé fragilise souvent ces ensembles qui répondent en réalité à une volonté politique louable mais dont les bases économiques paraissent mal conçues. La question des intégrations mérite donc d’être repensée.
L’intégration véritable de l’informel
Ce constat rentre dans la logique du développement d’après les indépendances, logique qui a ignoré l’importance du secteur privé national et l’a conduit à l’atrophie. En effet, à part quelques rares pays de la région, le secteur privé se trouve confronté à des contraintes imposées par l’Etat, sans aucune organisation économique et sans collaboration harmonieuse entre pouvoirs publics et secteur privé.
Il faut dire que l’administration ne se contente pas de son rôle de régulateur du jeu économique, dont le secteur privé serait le moteur. La classe dirigeante organise l’économie à sa guise par des textes et des principes souvent inadaptés aux contextes africains, généralement calqués sur les modèles importés, et que les opérateurs économiques nationaux subissent avec résignation.
Par contre, les origines diverses des acteurs du secteur informel traduisent une nécessité d’intégration régionale avec une très forte participation du secteur privé.
Au Burkina, par exemple, les Ghanaéens et les Ibos du Nigeria en donnent une belle illustration: les uns par les petits métiers de service (coiffure, couture, cirage de chaussures, etc.), et les autres par le commerce de pièces détachées de vélos, de motocycles, de voitures, la friperie, etc. Les privés burkinabé, de leur côté, interviennent très fortement dans le commerce surtout alimentaire des pays enclavés de la sous-région.
Ces activités du secteur privé jouent un rôle très important dans le processus d’intégration au sens moderne. En effet, sur le plan financier, on note des mouvements importants de capitaux, d’un pays à l’autre, par les circuits parallèles. Ce flux d’argent contribue à l’élévation du pouvoir d’achat et, réinvesti, il contribue à la relance de l’économie traditionnelle. Sur le plan socio-culturel, ces échanges sont à la base d’une élévation du pouvoir d’achat et d’une certaine péréquation du niveau de vie au sein des différentes communautés, et contribuent au brassage des cultures. Les usages et les coutumes se répandent et parfois s’harmonisent d’un pays à l’autre. Il serait aberrant d’envisager une intégration sous-régionale au plan politique et économique sans ces préalables socio-culturels qui sont dus au secteur privé.
Cette intégration de fait ne correspond cependant pas toujours aux objectifs des politiques macro-économiques ou sectorielles des pouvoirs publics, qui visent à remplir les fonctions traditionnelles de l’Etat. Sur le plan juridico-fiscal, par exemple, la rigidité des textes de loi, obéissant à des calculs budgétaires ou fiscaux, est difficilement acceptable par le secteur privé. La multiplicité des taxes à payer et leur montant élevé frisent la mauvaise foi ou l’inconscience des cadres qui les fixent.
Pour une vraie intégration régionale
Le secteur informel est aujourd’hui une réalité qui traduit la volonté des peuples de sortir des cadres et structures imposés pour aspirer à un idéal d’intégration véritable. Et il faut en tenir compte. Un grand économiste sénégalais l’a bien dit: «Au-delà des efforts et de l’action des Etats, au-delà aussi des effets incitatifs qu’ils induisent pour l’investisseur privé et l’entrepreneur, le secteur privé ouest-africain doit de son côté démontrer encore davantage d’audace et d’engagement pour accroître ses investissements et son volume d’activités dans un espace économique devenu beaucoup plus attractif et plus séduisant. Il le peut, d’autant plus que de nouveaux instruments financiers et de nouvelles ressources sont mis à sa disposition pour satisfaire ses besoins de financement ou pour lui donner les moyens d’un développement plus vigoureux par le biais du partenariat dans ses diverses formes».
Il est clair que, pour qu’une idée d’intégration se réalise au plan régional, il faut que chaque Etat dote son économie d’un environnement dynamique et performant. Pour cela, une importance particulière doit être accordée au secteur privé traditionnel, ainsi qu’à sa promotion.
Au plan national, il s’agira de créer les conditions favorables à l’application des mesures sous-régionales de promotion d’échanges, pour que «la libre circulation des personnes, des biens et des capitaux» dans l’ouest africain cesse d’être seulement théorique. Moins d’interventionnisme des Etats atténuerait l’effet d’éviction qui confine le secteur privé dans les branches peu rentables et délaissées par les structures publiques.
Au plan fiscal, une plus grande souplesse doit corriger les rigidités inadaptées qui caractérisent l’ancien ordre fiscal. Pour mieux réussir sur ce plan, il est souhaitable que les textes régissant les activités économiques des différents pays n’apparaissent plus comme des contraintes unilatéralement imposées au secteur privé, mais plutôt comme un compromis découlant d’une concertation entre toutes les parties concernées. A ce prix, le secteur informel n’aura plus sa raison d’être et la suppression des barrières et taxes douanières au sein de la communauté pourra se faire progressivement dans une perspective d’intégration moderne.
Quant au volet social, on s’intéressera particulièrement au problème de l’emploi qui se pose dans tous les pays concernés. L’assistance apportée au secteur privé, désormais unique pourvoyeur d’emploi dans la sous-région, sera facteur de stabilité. Elle limitera les trop grandes migrations de main-d’œuvre qui entraînent à la longue les tristes spectacles de rapatriement forcé que nous connaissons actuellement.
En un mot, améliorer l’environnement du secteur privé, véritable moteur de l’économie, c’est gagner le pari de l’intégration en Afrique de l’Ouest aujourd’hui.
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