ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 411 - 01/05/2001

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Malawi

L’impossible santé pour tous...


SANTE


Il y a une dizaine d’années, l’Organisation mondiale de la aanté
proclamait comme slogan: “Santé pour tous en l’an 2000”.
C’était une belle idée, mais qui ne s’est pas réalisée, du moins au Malawi.
En fait, la situation a empiré depuis lors.

La santé est une des priorités du gouvernement dans sa politique de réduction de la pauvreté, car une nation doit être en bonne santé pour accroître sa productivité. Mais en réalité, les statistiques montrent une situation consternante: la malaria, la malnutrition, les infections intestinales sont endémiques, alors que les prévalences du VIH/SIDA et de la tuberculose sont extrêmement élevées. La mortalité maternelle est aussi très fréquente pour différentes raisons: un taux élevé de fécondité, un grand pourcentage de grossesses à hauts risques, une pauvre qualité de soins obstétriques à tous les niveaux, et une structure de consultation sous-développée.

Les statistiques

Selon une enquête sur les familles, faite au Malawi en 1998, la pauvreté toucherait 54,8% des ménages et 43,7% de la population urbaine. (Le Malawi compte environ 10 millions d’habitants). Le pays est divisé en trois régions administratives: le Sud, le Centre et le Nord. La région du Sud a le plus grand nombre de pauvres avec un pourcentage de 48,3%; puis vient la région centrale avec 40,8%, et la région du Nord avec 10,8%. Le revenu par habitant est très bas, il est estimé à US $180. L’espérance de vie, une des plus basses en Afrique, est estimée à 41 ans. Et tout indique qu’elle baisse, probablement à cause de la haute prévalence du VIH/SIDA.

La densité de la population, très forte, est estimée à 105 personnes par kilomètre carré. Le taux d’analphabétisme est estimé à 45%, et la prévalence du VIH/SIDA affecterait 15% de la population. Tout cela montre une situation qui s’assombrit de plus en plus. Près de 60% des ménages font face à une pénurie de nourriture et 49% des enfants de moins de cinq ans sont chétifs. Seulement 37% des Malawites ont accès à l’eau potable à moins de 0,5 km de chez eux. Le Malawi est aussi touché par une dégradation rapide de l’environnement et un sous-emploi croissant. Ces statistiques ne montrent que quelques aspects du problème de santé au Malawi.

Services de santé en déclin

Plusieurs facteurs contribuent à la détérioration du niveau général de la qualité des services de santé et du fonctionnement interne. On peut noter: le manque chronique, en quantité et qualité, de personnel dans les principaux cadres des services de santé; le ravitaillement irrégulier en médicaments et autres fournitures médicales, à tous les niveaux du système des soins; le manque d’équipement médical de base; la détérioration du matériel et le manque d’équipements généraux tels que l’électricité et l’eau.

Alick Phiri, 27 ans, un instituteur d’école primaire, nous dit: «Du point de vue d’un villageois, la situation sanitaire au Malawi est très pauvre et en dessous de la norme. Il n’y a pas assez d’eau potable. Les services de soins dans les régions rurales n’existent que de nom, ils ne fonctionnent pas. Il n’y a pas de médicaments; et si jamais on en fournissait, ils trouveraient immédiatement le chemin des vendeurs de rue».

Et Michael Kaiyatsa, 27 ans, aide-pharmacien à l’hôpital de Likuni (géré par le diocèse catholique de Lilongwe) ajoute: «La politique sanitaire du Malawi n’est pas favorable aux pauvres. Pourtant, ce système est supposé être au service des besoins de toute la population, dont la majorité sont des pauvres. Ceux-ci n’ont pas les moyens de se procurer les médicaments essentiels: les antibiotiques, les analgésiques, etc. On dit que les services de soins dans les hôpitaux gouvernementaux sont gratuits; mais nous constatons qu’il n’y a pas de médicaments dans ces hôpitaux. Les malades reçoivent donc des prescriptions, et sont invités à aller acheter ces médicaments dans les pharmacies commerciales ou dans d’autres hôpitaux ou cliniques privés. Alors, comme leurs prix sont exorbitants, les gens qui n’ont pas les moyens de se les procurer continuent de souffrir».

Les hôpitaux remplis de sidéens

Le VIH/SIDA n’a fait qu’accélérer le déclin de la qualité des soins de santé, Les patients de cette pandémie et des maladies qui en découlent constituent 70% des hospitalisés. Leur séjour prolongé à l’hôpital consomme la plus grande partie des ressources disponibles et accapare presque tous les soins. Ces facteurs ont considérablement limité l’étendue et la qualité des services donnés.

Voici quelques statistiques concernant le VIH/SIDA. Selon les Nations unies, plus de 70.000 personnes sont mortes en 1999 à cause du VIH/SIDA. Depuis le premier cas connu en 1984, 400.000 enfants sont devenus orphelins. Cette pandémie a aussi diminué l’espérance de vie: de 47 ans, pour un bébé né dans la moitié des années 1980, à 36 ans, pour un bébé qui naît maintenant; et elle a infecté 16% de la population adulte.

Les hôpitaux publics sont surpeuplés. Les patients occupent tous les lits, et doivent même dormir par terre. Les infirmières sont peu nombreuses; les médicaments de base manquent. Parfois, il n’y a pas de docteurs de garde la nuit. A l’hôpital central de Lilongwe, la situation de la salle des enfants est pathétique: les malades dorment l’un à coté de l’autre, la plupart par terre, sans draps de lits, sans couvertures, sans oreillers...

Le Malawi manque d’infirmières. Dans une interview au journal The Nation, la directrice du service d’infirmerie, Lillian Ng’oma, a dit: «On a très peu d’infirmières. Il nous faudra beaucoup d’années, peut-être 50, avant d’avoir assez d’infirmières dans nos hôpitaux». La salle des enfants de l’hôpital central de Lilongwe est supposée avoir 4 infirmières de garde, mais la plupart du temps il n’y en a que deux, et les week-ends une seule.

Actuellement, le pays dispose d’environ 6.000 infirmières. Près de la moitié ont le statut de fonctionnaires, mais reçoivent un salaire que même les responsables du secteur trouvent fort maigre en considération des nombres d’heures et des conditions de travail. Quelques sondages faits au hasard à Lilongwe indiquent que les infirmières gagnent moins de $50 par mois, ce qui ne les encourage pas à rester dans leur profession.

Les cliniques privées

Les cliniques et hôpitaux privés existent depuis longtemps, mais laissent souvent beaucoup à désirer. Certains n’ont même pas de toilettes ou de pharmacie, et en général les bâtiments sont loin d’être propres. La procédure pour obtenir une autorisation est sujette à beaucoup de questions. La loi stipule que seuls un médecin, un responsable médico-social ou un assistant médical peuvent gérer des cliniques privées. Les infirmières peuvent enregistrer ces établissements à leur nom, si elles ont un assistant médical qualifié, un responsable médico-social ou un docteur au-dessus d’elles.

Pour ouvrir ou gérer une clinique privée, peu importe la proximité d’une autre, alors que beaucoup de gens dans le pays n’ont pas accès aux services de santé. Ainsi, dans la région de Likuni dans le district central de Lilongwe, à 9 km de Lilongwe, il y a 4 institutions sanitaires: un hôpital central géré par l’Eglise catholique, et trois cliniques privées à 2 km l’une de l’autre. «Les services de santé ne sont plus des services, mais des affaires commerciales. Le rapprochement des cliniques introduit la compétition», dit une infirmière de l’hôpital gouvernemental central de Lilongwe, qui veut garder l’anonymat.

Les cliniques privées sont connues pour être bien approvisionnées en médicaments qu’on ne trouve pas dans les hôpitaux publics. Mais le danger est alors qu’on donne au patient plus de médicaments qu’il n’en a besoin, parce que cela rapporte! Parfois aussi les patients reçoivent des médicaments non appropriés. On veut montrer que les cliniques privées fonctionnent bien; pourtant elles ont des problèmes de recrutement. Souvent le propriétaire de la clinique est le seul à être qualifié et le reste du personnel n’a aucune qualification.

Aller de l’avant

Améliorer les services de santé au Malawi est une tâche qui peut sembler décourageante. La politique globale du gouvernement est de s’assurer que tous les Malawites restent en bonne santé. Selon le Plan sanitaire national (1999-2004), plusieurs mesures et orientations ont été prises pour atteindre cet objectif, et notamment: élargir le champ et la qualité des soins rendus, centrés sur la santé des mères et des enfants de moins de 5 ans; faciliter l’accès aux services des soins de santé fondamentaux; accroître, garder et améliorer la qualité des ressources humaines qualifiées et les distribuer efficacement et équitablement; fournir des soins de qualité dans toutes les installations; renforcer, développer et intégrer les installations de soins appropriées; renforcer la collaboration et l’association dans le secteur de la santé; allouer plus d’aide au secteur de la santé en puisant dans les ressources globales.

On veut attribuer des ressources venant des soins de santé du niveau tertiaire (les hôpitaux centraux) au secondaire (hôpitaux de districts) et au primaire (les centres locaux de soins et les cliniques). Toutefois, les dépenses au niveau tertiaire restent très élevées. En vue de réduire le fardeau des soins tertiaires et d’encourager l’accès aux facilités primaires et secondaires, on a proposé de demander une participation aux frais dans les hôpitaux centraux.

Mais si la situation économique ne s’améliore pas, comment le Malawi pourra-t-il résoudre ses problèmes sanitaires? Le pays doit faire face pour le moment à une inflation galopante, à des hauts taux d’intérêt, à un change instable, à un haut taux de chômage. Il plie aussi sous le poids d’une dette dont il ne peut plus assurer le service. Le système de santé a besoin d’un remaniement complet. Il faut aussi s’occuper de la corruption dans les services de soin et cela sans tarder. De même, la politique sanitaire du gouvernement doit être revue. Mais pliant sous le poids de cette énorme dette, on ne voit pas comment les citoyens du Malawi pourraient être mieux soignés.


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