ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 411 - 01/05/2001

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Sénégal

Le célibat, drame des femmes cadres


FEMMES


La femme cadre se voit comme l’égale de l’homme et n’accepte plus d’être dominée.
Marginalisation et frustration

Au Sénégal, surtout dans les villes, le célibat frapperait actuellement plus que de mesure les femmes cadres, les femmes bien nanties et intellectuellement à l’aise, au point qu’elles vivraient, dit-on, un véritable drame. Belles et élégantes et à l’abri du besoin, elles ne parviennent pas, malgré tous leurs efforts pour rompre leur solitude, à trouver “chaussure à leur pied”, n’ayant pas rencontré l’élu de leur coeur, le prince charmant qui les conduirait devant le maire.

Bref, très mal vues, elles supportent et vivent difficilement les conditions du célibat. D’où un malaise, voire une marginalisation, qui ne se justifient pas, estiment-elles, dans une société pourtant en pleine mutation sociologique et qui n’est polygame “qu’à” hauteur de 57%! A quoi donc est due cette mauvaise réputation et quelle est la situation? Autre interrogation importante et complexe: quel est le poids de la religion et/ou de la tradition dans ce qui apparaît de plus en plus comme un phénomène?

Le poid de la société

Il importe de constater qu’au Sénégal, c’est par l’époux qu’une femme acquiert une “reconnaissance sociale”. Hors de ce cadre, il lui est difficile “d’exister” socialement. Dépendance regrettable ou pas, il en est ainsi au Sénégal. Est-ce le fruit de l’influence de la religion et de la tradition? On ne peut être catégorique. Il y a lieu de dire que, sans être véritablement “féodale”, la société sénégalaise n’est pas pour autant d’une permissivité particulière, même si elle est traversée par des valeurs culturelles de progrès. La réputation d’“arrogance et d’insolence” qu’on fait généreusement à ces élégantes célibataires, semble, de l’avis de beaucoup de gens, objectivée par un “patent complexe de supériorité”, un complexe qu’elles nourriraient sans vergogne et sans raison.

Où est la vérité? Force est de reconnaître que la plupart d’entre elles subviennent largement à leurs besoins (qui sont parfois dispendieux) et font souvent ainsi peur aux prétendants, note-t-on encore. Leur rang social, leurs diplômes, la précarité ambiante de l’emploi et les vagues de chômage qui en découlent ne sont pas pour abolir les barrières. De plus, l’islam faisant obligation, parait-il, au mari d’entretenir entièrement sa ou ses femmes, ne serait pas pour simplifier les choses.

Le célibat les ronge indubitablement. Les explications peuvent être proprement irrationnelles. Les femmes cadres célibataires peuvent être victimes des “rabs”, c’est-à-dire être sous l’emprise des “mauvais esprits”. L’imagerie populaire atteste, en effet, qu’elles auraient une aversion pour les hommes. D’ailleurs, à en croire cet islamologue doublé de thérapeute, les «rabs sont très jaloux et ne tolèrent pas que leurs bien-aimées entretiennent des relations sentimentales avec un homme». Et c’est la raison pour laquelle, avance-t-il, ces femmes sont très nerveuses, toujours en colère. Les rabs, qui sont possessifs, peuvent prendre l’aspect d’un être humain. Ils peuvent faire en sorte que le prétendant ait une mauvaise image de la femme convoitée. Ils font en sorte qu’elle passe pour une femme frivole et indésirable.

Elles veulent être la seule épouse...

L’analyse du psychothérapeute se veut logique: «La femme cadre se voit comme l’égale de l’homme du point de vue intellectuel et fonctionnel. Elle peut subvenir à ses besoins, elle n’accepte pas d’être dominée. En fait, plus elle réussit, plus elle est exigeante et moins elle accepte la domination de l’homme. Les femmes cadres posent pour le mariage des critères rigoureux à son détriment. Or, le Sénégalais reste toujours conservateur et préfère dominer la femme. Il voit en la femme cadre une femme intellectuelle qui n’est pas, en fait, une femme à 100%».

C’est ce qui ferait peur à certains hommes. Circonstance aggravante à leurs yeux: «c’est aussi le genre de femmes qui veulent être l’unique épouse». Or, il se trouve, hélas pour elles, que «le plus souvent les hommes de leur génération sont déjà mariés», relève le psychothérapeute qui souligne que «rares sont celles qui se résignent et acceptent finalement d’être deuxième ou troisième épouse».

Au total, que de tourments chez cette femme célibataire! N’est-ce pas en fin de compte, tout simplement et prosaïquement, l’expression d’un besoin de tendresse inassouvi? Réponse de notre psychothérapeute: «Les femmes cadres, qui n’arrivent pas à trouver un mari, vivent une frustration difficile à gérer. Elles souffrent d’un manque affectif qui peut se répercuter dans le cadre du travail. Toutefois, le mariage n’est pas seul générateur de satisfaction. Mais au Sénégal, l’union libre n’est pas admise».


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