ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 411 - 01/05/2001

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Zimbabwe

«J’avais prévenu Mugabe»


PERSONNALITES


Selon le caricaturiste zimbabwéen bien connu, Tony Namate,
la situation dans laquelle se trouve le gouvernement aujourd’hui,
aurait pu être évitée si celui-ci avait suivi les conseils
d’un de ses dessins humoristiques d’il y a quatre ans.

La caricature en question représentait le président Robert Mugabe s’enfuyant de son pays, à l’exemple de Mobutu Sese Seko l’ex-président du Zaïre (maintenant le Congo RDC). Quand il parut dans un hebdomadaire indépendant, le ministre de l’Information de ce temps-là, Joyce Mujuru, avait demandé: «Qu’essaye-t-il (Namate) de faire passer dans les esprits des gens? Ce dessin nous a tous rendus furieux, et je ne crois pas que son auteur mérite de vivre encore au Zimbabwe. C’est un emploi abusif du droit à la liberté d’opinion».

Un avertissement au gouvernement

Aujourd’hui, comme tout ce qui entoure le président Mugabe semble sur le point de s’effondrer, les commentateurs disent que ce dessin était prophétique. Au moment où nous écrivons ces lignes, on manque d’essence et de devises étrangères. Les prix de la nourriture ont provoqué des émeutes réclamant la démission du président. Ces derniers mois, le principal parti d’opposition, le Mouvement pour le changement démocratique (MDC), a introduit au Parlement une motion pour entamer une procédure de mise en accusation pour le président. Tout cela montre que la possibilité d’un soulèvement populaire est réelle.

«J’ai peur que le gouvernement m’accuse maintenant d’incititation à la violence», dit Namate, qui se considère cependant réaliste et patriote. «Je suis probablement l’homme le plus patriotique du pays. Si la population se soulève, ce ne sera pas à cause de mes croquis. Mon dessin ne voulait qu’avertir le gouvernement que ce qui est arrivé à Mobutu, pourrait aussi se produire au Zimbabwe. Que le gouvernement prenne garde!».

Namate considère que son travail de dessinateur humoristique consiste à montrer ce que les gens pensent et disent. «Je ne suis absolument pas un militant des droits de l’homme ou un politicien. Je ne suis qu’une personne ordinaire qui a un don spécial pour regarder dans une boule de cristal. Je vois les choses d’un angle radical. Ce serait un malheur si notre pays s’écroulait. C’est ce que je n’ai cessé de dire depuis des années. La caricature est mon travail et je le fais pour le bien du peuple. Je leur fais connaître leurs droits. Depuis trop longtemps on leur dit que tout va bien, mais s’ils n’avaient pas faim, ils ne manifesteraient pas».

Namate est marié et a deux enfants. Pour se déplacer, il se sert des transports publics. Auparavant il avait une voiture, mais il y a quelques années il a eu un accident plutôt mystérieux dont il ne veut pas parler. Il vit à Chitungwiza, un faubourg populaire à 25 km au sud de la capitale Harare. Il vient de la province de Manicaland, dont sont aussi originaires certaines personnalités de l’opposition comme feu Ndabaningi Sithole, du ZANU Ndonga; Mgr Abel Muzorewa, le dirigeant du Concile national africain uni; et Morgan Tsvangirai, le président du MDC.

Namate est un caricaturiste doué. Il a beau se cacher du public, dès qu’il se montre dans les rues de Harare, beaucoup l’arrêtent et lui disent: «Bon travail! continue! nous sommes avec toi».

Ce qu’en pense le public

En août 2000, ses patrons du Daily News l’ont choisi comme représentant à leur stand à la foire agricole du Zimbabwe à Harare. Il a reçu le second prix au Concours 2000 Ranan Lurie pour les dessins politiques et un certificat signé de la main du secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan. (Le concours Ranan Lurie a été lancé en mémoire de Ranan Lurie considéré comme le meilleur caricaturiste politique du monde). Evidemment, Namate était ravi. «Je suis très touché par ce prix, dit-il. Il est pour moi un signe que mon travail est apprécié à l’étranger. Mais je pense que la meilleure appréciation me vient ici des lecteurs du Daily News, qui sans cesse m’encouragent au téléphone et me donnent des idées pour mes caricatures».

Bien sûr, tout le monde n’apprécie pas les talents de Namate, surtout pas dans les cercles gouvernementaux. Le ministre de la Défense, Moven Mahachi, l’ancien éditeur du journal Herald, Bornwell Chakaodza, et Tafataona Mahoso, directeur des études médiatiques au collège polytechnique de Harare, l’ont ouvertement critiqué. Le ministre Mahachi a décrit une de ses caricatures comme «faisant partie d’un vaste plan pour saper les bases historiques du pays et renverser la poussée révolutionnaire que le ZANU-PF s’efforce d’insuffler dans les cœurs de tous les Zimbabwéens. Il incombe aux Zimbabwéens patriotes de se lever et d’être comptés parmi ceux qui veulent mettre fin à ces attaques contre notre héritage et notre dignité nationale».

Mahoso critique les caricatures de Namate, disant qu’elles veulent promouvoir et défendre des idées impérialistes. Mais Namate pense que la censure de ses dessins devrait venir du peuple et non de gens chargés de défendre l’image du parti au pouvoir. Il est épaulé par le vieux journaliste et auteur zimbabwéen Raymond Choto. Celui-ci dit que les caricatures de Namate se situent dans le contexte de la Constitution du Zimbabwe qui garantit la liberté d’expression. «Il ne faut pas déformer le message de Namate, poussé par la peur, dit-il. Une véritable œuvre d’art suscite un débat et c’est ce que le travail de Namate fait pour le moment. La pensée d’une nation a besoin de défis, qui lui proposent d’autres alternatives».


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