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ECONOMIE
Dans les régions semi-arides d’Afrique occidentale et centrale,
les fermiers
célèbrent la réussite du manioc
Nicodème Sanou vit à Santidougou, dans la région de Bobo-Dioulasso au Burkina Faso. Voici son histoire:«Cette année-ci, grâce au manioc, j’ai pu payer sans problème les frais de scolarité de mes enfants». Pour Nicodème (53 ans) c’est un exploit! Rachel, sa femme et leurs six enfants n’ont jamais eu la vie si belle. Auparavant, savoir comment il remplirait ses engagements financiers lui causait des insomnies.
Mais, cette année, Nicodème a gagné beaucoup d’argent en vendant son manioc récolté sur sa ferme de 10 hectares: plus de 300.000 francs CFA. Et il y a encore, dans son magasin, onze sacs de bâtons de manioc destinés à la vente. Et pourtant, plus de la moitié de sa production n’a pas encore été récoltée. Nicodème est l’intermédiaire entre les communautés et les agents d’extension; il est aussi un producteur de manioc de premier plan et le secrétaire de l’association des producteurs de manioc de la région.
Burkina Faso
L’histoire de Nicodème est typique du millier d’habitants de Santidougou et des villages avoisinants, Kimidougou et Doufiguisso, où cette plante est devenu une culture profitable pour les paysans burkinabé. Auparavant, on ne connaissait que les cultures du maïs, du millet, de l’arachide et du sorgho. «Introduire le manioc auprès des paysans n’a pas été tellement facile», dit le Dr Remi Dabire, agronome de l’INERA, principal institut de recherche agronomique du Burkina Faso. «Au début, les paysans regardaient le manioc avec une certaine hésitation, explique-t-il, mais quand on a présenté le large éventail d’aliments qu’on peut obtenir du manioc et les produits crus destinés à l’industrie, les paysans ont entrevu un nouvel espoir d’assurer la sécurité alimentaire tant recherchée. En conséquence, la demande de plants de manioc a énormément augmenté».
Tchad
La réussite du Burkina Faso se répète au village de Njamena-Bousso au sud-ouest du Tchad. Un vieux fermier reconnaît qu’il n’a jamais su que le manioc pouvait être transformé en d’autres formes de nourriture. Pour lui, c’était uniquement bon à être mangé cru, comme une carotte, en trompe-faim. Il raconte: «Depuis mes 7 ans, je mangeais les racines de manioc crues, comme des carottes, et c’était l’habitude de tout le village. Il y a différentes variétés de manioc qui produisent de petits tubercules ressemblant à des doigts. Je n’ai jamais pensé que le manioc pouvait améliorer ma nourriture et m’apporter un revenu».
«Manger le manioc cru comme un amuse-gueule est un trait commun à toutes les régions semi-arides; et c’est ce que nous souhaitons modifier», déclare Paul Ilona, chercheur à l’Institut international d’agriculture tropicale (IITA) basé au Nigeria. Cultiver le manioc comme aliment peut procurer aux fermiers un revenu plus élevé. Au sud-ouest du Tchad, grâce à l’aide de l’ONG SECADEV (Secours catholique au développement), on a appris aux femmes à transformer le manioc en divers produits alimentaires tels que le couscous, le gari et le tapioca. Il en va de même au village de Grande Sido, plus loin vers le sud-ouest, près de la frontière entre le Tchad et la République centrafricaine. Ici, les fermiers se sont regroupés en coopératives, plantant le manioc pour ses qualités positives. Cette plante est tout d’abord une réponse aux besoins alimentaires immédiats; mais elle devient aussi une culture de rendement. Selon M. Noël, président de l’Union des organisations coopératives de fermiers, les avantages sont évidents: «Nous n’abandonnons pas le coton, mais préfèrons le manioc parce que c’est de la nourriture et qu’il améliore économiquement nos conditions de vie».
World Vision International (WVI) veut apprendre aux fermiers du pays comment mieux utiliser et rentabiliser le manioc. Le gouvernement tchadien aussi s’efforce de multiplier dans la région des variétés améliorées et encourage les fermiers à en planter davantage pour lutter contre la famine et la malnutrition dans le pays. «Quand on voit les efforts que font les fermiers en adoptant les technologies améliorées du manioc, on peut dire à coup sûr que cette plante va rapidement devenir un aliment de base dans diverses parties du pays, et cela c’est une révolution alimentaire», dit le Dr Mbailao, agronome en charge de l’extension des cultures de racines et de tubercules à l’Institut tchadien de recherche agronomique pour le développement (ITRAD).
La révolution se répand déjà comme une traînée de poudre à travers le pays. Dernièrement, plus de 200 femmes ont participé à une journée organisée à Deli, au centre du Tchad, dans le but de sensibiliser les fermières. L’enthousiasme des femmes fut tel que, trois mois plus tard, la machine fournie par IITA, en collaboration avec ITRAD et SECADEV, était passée dans les 15 villages de la région, traitant une dizaine de tonnes de manioc par jour, six jours sur sept.
La sécurité alimentaire, ce n’est pas seulement avoir assez à manger, mais aussi avoir un régime équilibré. Avec le millet et le sorgho, il n’est pas facile pour le paysan tchadien d’y parvenir. Mais le manioc offre un régime équilibré. Ses racines sont riches en hydrates de carbone et les feuilles sont une bonne source de protéines pour les fermiers pauvres. De récentes études ont confirmé que la valeur en protéines de ses feuilles équivaut à celle des oeufs. Aussi, IITA s’est efforcé de former des techniciens pour introduire l’utilisation des feuilles de manioc dans les habitudes alimentaires de tous les pays sahéliens d’Afrique centrale et occidentale.
Ghana
A Cheyohi et à Tingoli, près de Tamale, au nord du Ghana, les fermiers ont adopté de nouveaux noms pour les différentes variétés améliorées que les chercheurs de l’Institut de recherche Savanna (SARI), qui travaillent en collaboration avec l’IITA au Ghana, ont introduites chez eux. Pour les fermiers, le manioc est un «don de Dieu destiné à mettre fin à nos peines et à des années de labeur pénible. Notre seul regret est que nous manquons d’équipement pour sa transformation», dit Pa Alhassan, président de l’association des fermiers du village de Tingoli.
Niger
Au niger, le succès du manioc n’est pas moins étonnant. A Sabo-Birnin, un village à quelque 300 km au sud-est de Niamey, Mallam Mahamadou Isaka, devant le haut rendement des tubercules récoltés sur sa ferme, admet volontiers que «les variétés de manioc fournies par les techniciens de l’Institut national de recherche agronomique du Niger (INRAN) sont des produits agricoles magiques». C’est pourquoi il a abandonné les variétés qu’il connaissait pour adopter les nouvelles variétés améliorées.
Le bon rendement de ces dernières fait énormément apprécier cette culture par les gens: «On ne veut plus la lâcher», dit Mme Zanaibou Baoua du Programme d’appui au développement local (PADEL), une ONG qui travaille avec les paysans. Elle a appris aux femmes comment obtenir différents plats en transformant le manioc au niveau du village. Ainsi, les femmes produisent maintenant du foufou, du gari, de l’amidon et d’autres produits qu’auparavant on importait du Bénin et du Nigeria. Ceci a contribué à en faire baisser le prix, et les femmes ont plus d’argent pour d’autres besoins vitaux.
PADEL a conclu un partenariat avec un entrepreneur local qui produira, à un prix minimum, l’équipement nécessaire au traitement du manioc. Si bien que des petites et moyennes entreprises pourront facilement acheter cet équipement.
Remarquables progrès
Les premières variétés améliorées de manioc résistant à la sécheresse ont été importées en Afrique centrale et occidentale dans les années 1990 par des scientifiques de l’IITA. Mais, avec l’aide supplémentaire fournie par le Fonds international pour le développement agricole (IFAD) et l’Agence américaine pour le développement international (USAID), on a fait des progrès remarquables.
La collaboration entre les hommes de science et les fermiers travaillant dans la zone semi-aride du Burkina Faso, du Tchad, du Ghana, du Niger et du Nigeria, a permis d’identifier et de tester plus de 40 variétés améliorées de manioc dans plus de 125 villages. Plus de 25.000 fermiers en ont profité. Quatre de ces variétés ont finalement été adoptées au Tchad, deux au Niger, trois au Burkina Faso, deux au Ghana et deux au Nigeria. Le succès de l’adoption de ces variétés est dû en grande partie au fait que les fermiers ont participé à la sélection pendant la phase de la culture. L’introduction simultanée de nouvelles techniques de traitement et d’un nouvel équipement a aussi été un tremplin pour l’adoption de ces nouvelles variétés en vue de leur commercialisation.
Selon Alfred Dixon, producteur chargé du projet manioc semi-aride d’IITA, «le succès du manioc au Malawi nous a encouragé et nous a dit que nous ne pouvions pas échouer. Car le Malawi est un autre pays sujet à la sécheresse. Ici aussi, où on se basait traditionnellement sur un système de culture à prédominance de maïs, l’USAID a fourni des fonds pour encourager la culture de racines plus résistantes».
Il a raison. Le manioc est une des plus importantes sources d’énergie alimentaire de l’Afrique; en plus, il assure des réserves de nourriture et fournit un revenu, surtout dans les régions sujettes à la sécheresse où d’autres cultures peuvent échouer. Il peut pousser dans les sols pauvres, et est capable de survivre et de se remettre des dommages causés par la maladie, les insectes et les animaux. Les régions semi-arides d’Afrique centrale et occidentale sont caractérisées par un climat impitoyable, où la saison des pluies est très courte. Trop souvent, le manque de pluie faite échouer les cultures, provoquant disette, malnutrition et pauvreté. Voilà la bataille que tous les responsables de la recherche et du développement de l’agriculture doivent gagner, si l’on veut libérer de la misère les populations toujours plus nombreuses de ces régions. La bataille est en cours et une révolution pacifique est déjà engagée.
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