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REFUGIES
Le mouvement de populations, tant à l’intérieur d’un pays que vers un autre,
est
un des événements les plus dramatiques de notre temps.
Le nombre des réfugiés
et des déplacés ne fait que grandir et pose de sérieux problèmes
Les civils sont les principales victimes des conflits contemporains et des guerres civiles. La migration forcée, avec d’énormes flux de réfugiés, est devenue une des caractéristiques de notre monde après la guerre froide. Le phénomène des réfugiés pose des défis pratiques et des dilemmes éthiques.
Depuis la fin de la guerre froide, des millions d’enfants, de femmes et d’hommes ont souffert à cause de l’explosion de conflits ethniques, religieux et civils. En 1994, la guerre et le génocide au Rwanda et des situations d’urgence ailleurs — surtout en Afrique, mais aussi en Asie occidentale, en ex-Yougoslavie et dans certaines régions de ce qui fut l’Union soviétique — ont mis à lourde épreuve un système d’intervention, déjà surchargé, dans ses efforts de procurer une assistance humanitaire internationale.
Le fond du problème
Le mouvement de réfugiés est un phénomène mondial. Mais, ces derniers temps, l’Afrique a été le théâtre de mouvements alarmants de réfugiés et de personnes déplacées. Pourquoi? On peut évoquer des raisons économiques liées à des calamités naturelles: tremblements de terre, sécheresses, famine et inondations...; la pauvreté généralisée dans le lieu d’origine; l’instabilité politique qui force la population à chercher un refuge ailleurs, au niveau national et international (p.ex. en Sierra Leone, Congo-RDC, Guinée, Rwanda, Burundi, Somalie, Soudan...).
Une partie de la responsabilité en revient aux anciens maîtres coloniaux. Les puissances européennes ont tracé à travers l’Afrique des frontières artificielles, divisant des tribus et des ethnies. Mais, considérant le problème plus en détails, Chibale Mabwe, dans un article paru dans le Times of Zambia le 19 juin 1999, écrivait: «Le problème des réfugiés en Afrique est le résultat d’un concours de facteurs politiques, sociaux, économiques et environnementaux. Les facteurs qui engendrent l’afflux des réfugiés sont inextricablement liés et, si on veut expliquer le problème, il faut tenir compte de tous. Les causes de cet exode varient d’un pays à l’autre, mais toutes ont un dénominateur commun: une flagrante violation des droits de l’homme. Cela est souvent lié à la croissance de la population, à la stagnation économique, à la famine, à l’instabilité politique, à la rivalité entre puissances, au commerce croissant des armes et à un militarisme qui ne fait que s’amplifier».
Déjà en 1994, Sadako Ogata, qui était alors Haut commissaire des Nations unies pour les réfugiés (HCR), dans un avant-propos à “Droits de l’homme - le nouveau consensus” publié par Regency Press (Humanity Ltd.), écrivait: «Les problèmes des droits de l’homme et celui des réfugiés sont inextricablement liés. La grande majorité des réfugiés ont été chassés de chez eux par de graves violations aux droits de l’homme. La persécution, la torture, les tueries et l’abominable pratique du “nettoyage ethnique” ont donné naissance à cet immense flux de réfugiés».
L’industrie des armements est aussi à blâmer pour la plupart des conflits qui ont provoqué des déplacements massifs de population. Le Dr Oscar Arias, Prix Nobel pour la paix en 1987, originaire du Costa-Rica, disait en juin 1999: «Alors que l’industrie des armes fait de gros bénéfices, les peuples à travers le monde souffrent. Ce commerce des armes constitue une des formes les plus envahissantes de la corruption. Dans beaucoup de pays, les dirigeants politiques et militaires, ignorant les besoins de leur peuple, encouragent l’achat d’énormes stocks d’armes, et nous savons que dans ces transactions ils se taillent un plantureux bénéfice personnel. Entre-temps, ces armes servent aussi à contrecarrer le processus démocratique et à opprimer la population».
Perte de la dignité
Francis Cheupe, 24 ans, vient d’une famille de cinq enfants à Butare (Rwanda). En août 1996, il a quitté le Rwanda pour la Tanzanie, où il séjourne quatre mois. Déclaré persona non grata par le gouvernement de ce pays, il quitte la Tanzanie et arrive en 1997 au camp des réfugiés de Dzaleka au Malawi, où il restera six mois. Aujourd’hui, il réside chez son frère Tom, à Lilongwe, où il tient un entrepôt de bouteilles sous l’enseigne “Paix et amour”. Francis dit que les réfugiés au Malawi ne sont pas très estimés. Il a l’impression que le Malawi veut surtout bénéficier de l’aide aux réfugiés accordée par les organisations internationales. Pour lui, l’important c’est la paix sur terre et non l’assistance aux réfugiés!
Examinons de plus près ce camp de réfugiés de Dzaleka, où sont hébergées 1.297 familles, soit 3.800 personnes. Ce camp était d’abord un centre de détention de triste mémoire, du temps du défunt président Dr Hastings Kamuzu Banda.
Etabli le 21 décembre 1994, il accueille maintenant des réfugiés et des demandeurs d’asile venant de la Somalie, du Congo RDC, du Burundi, du Rwanda, de l’Ouganda, d’Erythrée, du Soudan, de l’Ethiopie, d’Angola et des Comores. Il y a une école primaire pour les enfants du camp et des villages malawites avoisinants. Elle sert aussi de centre d’alphabétisation pour les adultes, surtout pour les réfugiés venant de pays non anglophones qui veulent apprendre l’anglais. Les élèves malawites y ont aussi l’opportunité d’apprendre le français dès leur jeune âge, car deux réfugiés francophones y enseignent cette langue.
Le journaliste Don Kulapani a écrit dans l’hebdomadaire Chronicle (nº 305, volume 9): «Pour les réfugiés, l’intégration n’est qu’un rêve trompeur. Ils reçoivent une ration de riz qui doit durer tout un mois, et un paquet de haricots pleins de charançons, pour les sauces. Ils doivent survivre avec cette piteuse ration, mais certains réussissent encore à en vendre une partie pour pouvoir s’acheter d’autres produits de première nécessité tels que des habits».
Les hôtes de Dzaleka s’efforcent de ne pas se laisser démoraliser par leur situation. Le camp a ses propres professionnels: médecins, avocats, ingénieurs et agronomes. Kambining Jones, dirigeant de la communauté congolaise, affirme: «On dirait que le gouvernement du Malawi et le HCR ont oublié que les réfugiés sont aussi des êtres humains qui ont dû quitter leur pays, sans aucune faute de leur part. Depuis que nous sommes arrivés ici, il y a déjà sept ans, nous n’avons cessé de supplier d’être intégrés. On nous garde comme des prisonniers. Les réfugiés dans le camp ont beaucoup de compétences gaspillées dans l’inactivité. Nous voulons qu’on nous donne la chance de les mettre en pratique. Jusqu’à quand pourrons-nous survivre avec cette maigre ration de riz? Est-ce qu’ils veulent que nous continuions à quémander l’aumône? Jusqu’à quand?»
Réformer les lois des réfugiés
Le statut légal des réfugiés a été défini par deux traités internationaux: la convention de 1951, à propos du statut des réfugiés, et son Protocole de 1967, qui définit les droits et les devoirs des réfugiés. Au 1er mai 1995, 128 pays étaient signataires d’un de ces instruments ou des deux. Un autre instrument légal important est la Convention qui gouverne les aspects spécifiques du problème des réfugiés en Afrique, adoptée par l’Organisation de l’unité africaine (OUA) en 1969, à laquelle 41 Etats avaient souscrit au 1er mai 1995.
Cependant, Cheupe trouve qu’il est grand temps de réformer cette loi pour les réfugiés. Il cite la situation au Malawi, où les réfugiés n’ont pas le droit de travailler en dehors des camps, et poursuit: «Même si on nous permet de travailler dans le camp, qui achètera nos produits? Si nous nous rendons en ville pour survivre, nous enfreignons la loi. Il faut absolument changer cette loi. Ceux qui ont un statut de réfugié doivent recevoir une assistance complète. Actuellement, nous sommes toujours traités comme des mendiants».
Y-a-t-il une solution en vue?
Dans l’ensemble, pour le HCR, il y a trois solutions pour les réfugiés africains: le rapatriement, l’implantation dans une nouvelle région et l’intégration dans le pays qui les accueille.
La première, généralement préférée, est le rapatriement dans leur pays d’origine. Plus de 2 millions de rapatriements volontaires ont été enregistrés en 1994, dans le monde entier, surtout en Afrique et en Asie. Le rapatriement vers le Mozambique a été l’opération la plus vaste jamais entreprise par le HCR en Afrique. En avril 1995, 1,6 million de réfugiés mozambicains, venant des 6 pays voisins, étaient de retour chez eux. Pour s’assurer que les réfugiés et les personnes déplacées peuvent rebâtir leurs vies après le retour chez eux, et pour faciliter leur intégration, le HCR travaille de pair avec d’autres agences intermédiaires. Une réintégration réussie exige un programme d’aide immédiate, soutenu par des programmes de développement pour les régions dévastées, afin que les rapatriés puissent gagner leur vie.
L’intégration dans le pays qui les a accueillis, se fait de deux façons. D’abord, les réfugiés sont intégrés dans une colonie agricole dans le pays qui leur a donné l’asile. Ceci, afin que les réfugiés puissent devenir économiquement indépendants le plus vite possible. Ensuite, dès que ce but est atteint, ils peuvent sortir de ce “statut de charité”. Mais ce qui complique les choses au Malawi, c’est que le pays a déjà un problème de propriété terrienne. Quelles chances ont alors les réfugiés de pouvoir cultiver la terre? Comme alternative, les réfugiés n’ont plus qu’à s’installer dans des communautés locales le long des frontières. Mais ce n’est pas la meilleure des solutions.
Michael Owor, chef de liaison du HCR, reconnaît: «Intégrer les réfugiés dans un pays ne se fait pas du jour au lendemain. Mais ce sont des êtres humains déplacés d’un autre pays; il faut leur donner toutes les opportunités pour mener une vie normale».
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