ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 412 - 15/05/2001

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Congo RDC
La femme, victime de la coutume


FEMMES


La femme congolaise se voit souvent spoliée de tous ses droits,
et notamment ceux à la succession

La journée internationale de la femme, commémorée le jeudi 8 mars 2001, a donné l’occasion au ministère congolais des Affaires sociales et de la Famille de consacrer tout le mois de mars à la condition de la femme congolaise sous le thème: “Femme, paix et droit à la succession”.

Au thème retenu par l’Onu, mobilisant la communauté internationale sur l’importance de la paix, particulièrement en Afrique où on dénombre de nombreux conflits dont la femme est la principale victime, le ministère des Affaires sociales a ajouté le droit à la succession. Le gouvernement a voulu ainsi s’atteler à ce fait de société qui voit la femme congolaise se faire spolier dans tous ses droits, dont les droits à la succession.

La cérémonie inaugurale de ce mois consacré à la femme, organisée au temple protestant du Centenaire de Kinshasa, a été dominée par la lecture du rapport des enquêtes nationales sur “la situation des lois coutumières et des droits des femmes en RDC”, et sur “les violences faites à la femme et à la jeune fille en RDC”. Ces enquêtes ont été réalisées sous la supervision du professeur de sociologie Pierre Gambembo Garviya de l’université de Kinshasa.

La famille, premier foyer des violence

Le rapport fait ressortir que 75% des femmes en RDC ne sont pas légalement mariées. En conséquence, elles sont soumises aux impératifs de la coutume et ne bénéficient pas de leurs droits en cas de divorce. La famille, souligne le rapport, est le premier foyer des violences faites à la femme.

Ces violences sont timidement dénoncées, à cause notamment de la persistance des coutumes et autres interdits de type religieux, sous le prétexte de la sauvegarde de l’honneur de la famille et de la dignité de la femme. L’analphabétisme et de la sous-information maintiennent la femme dans l’ignorance et la dépendance économique vis-à-vis de l’homme.

L’enquête relève aussi l’absence ou l’insuffisance des structures de prise en charge des femmes victimes de la violence, et le laxisme de la justice où les cas de violences dénoncées font rarement l’objet de rapports officiels, sauf s’ils se terminent par un décès. Elles sont aussi rarement sanctionnées, l’existence des dispositions légales étant encore discriminatoires à l’égard de la femme.

Une autre constatation de cette étude est le fait que la politique d’émancipation de la femme, mise en oeuvre en RDC durant la décennie 70-80, n’a pas réussi à éliminer les servitudes, les atavismes et les oppressions fondamentales subies par la femme congolaise.

Même le code de la famille, promulgué en 1987, lui-même résultant d’une inspiration du droit coutumier, n’a fait que confirmer l’incapacité juridique de la femme, tout en fragilisant indirectement l’institution du mariage suite à l’adoption d’une attitude plus tolérante à l’égard de la polygamie.

Sur les violences faites à la femme, l’enquête retient 11 cas prédominants en RDC. Ce sont les propos injurieux (53%, principalement dans la province du Kasaï oriental), la prostitution (40%, principalement dans la province de l’Equateur), les coups et blessures (39%, essentiellement dans le Katanga), le non-paiement de la dot (32%), les pratiques coutumières (27%), l’avortement forcé (23%), l’autorisation maritale (20%), le mariage forcé (17%), le harcèlement sexuel (16%), le viol (14%) et le refus de payer les avantages sociaux aux femmes travailleuses (8%). Toutes ces violences faites à la femme, souligne le rapport, aboutissent souvent à des conséquences psychologiques, telles que la frustration et les maladies psychosomatiques.

La majorité des femmes interrogées admettent que la coutume est cause de violences. La conscience du rôle de la coutume varie avec le niveau d’instruction; plus celui-ci est élevé, plus le sujet a cette conscience du rôle de la coutume. Les violences résultant de la coutume concernent plus les femmes ayant un niveau d’instruction bas.

Certaines femmes et jeunes filles soutiennent que la coutume est mal appliquée; d’autres disent qu’elle est inadaptée à la vie moderne, elle est trop favorable à l’homme... Selon l’étude, la lutte contre la violence à l’égard de la femme et de la jeune fille ne peut réussir en dehors de l’amélioration des conditions culturelles, socio-économiques et juridiques de la femme et de la jeune fille.

Des “bonnes” exploitées sans rémunération

La détérioration de la situation socio-économique de la femme et de la jeune fille a poussé cette dernière à faire certains travaux pour des salaires modiques, voire sans rémunération en dehors de la nourriture qui lui est garantie.

Lors d’une enquête sur le travail domestique de la femme, que nous avons réalisée dans le cadre du Journal du vendredi, nous avons dû constater que beaucoup de “bonnes” sont pratiquement transformées en véritables forçats. Pour un logis où dormir et un peu de nourriture, certaines “bonnes” acceptent de faire tous les travaux possibles dans une maison.

Du matin jusque tard dans la nuit, ces domestiques doivent balayer la cour, nettoyer la maison, préparer l’eau chaude et le déjeuner pour le patron et la patronne, garder les enfants et en amener certains à l’école, faire le marché, préparer la nourriture, nettoyer les assiettes, la vaisselle et les habits, les repasser, mettre au lit les enfants...; en plus, elles sont régulièrement l’objet de renvois injustifiés de la part de leurs patrons.

D’autres, pour le même travail, sont payées à vil prix. Les salaires mensuels varient entre l’équivalent de 100 à 500 FB (1 euro = 40,34 FB), et beaucoup de “patrons” s’enorgueillissent de mieux payer que la fonction publique. Une autre dame justifie le petit salaire mensuel (+/- 150 FB) qu’elle donne à sa bonne pour qu’elle ne puisse pas soigner son corps et séduire son mari. Car, ces bonnes sont effectivement victimes du harcèlement sexuel.

L’une d’elles, âgée d’une trentaine d’années, nous relate sa mésaventure: «Un jour, en l’absence de Madame, j’entends la voix du patron m’appeler depuis sa chambre. J’ai cru qu’il y avait des habits à retirer pour la lessive. Arrivée sur place, j’ai trouvé mon patron debout à côté du lit en tenue d’Adam, m’invitant à m’approcher de lui pour des liasses de francs congolais qu’il avait en main, avec la promesse de multiplier mon salaire par 4 ou 5. J’ai crié en fuyant et il m’a pourchassée jusque dans les couloirs; il n’a pas pu me rattraper et j’ai ainsi décidé de laisser tomber ce travail». Ignorant leurs droits, ces femmes se laissent ainsi exploiter jusque dans leur intimité.

Davantage de scolarisation

Toutefois, bon nombre de femmes congolaises commencent à se libérer de l’ignorance. Dans l’enseignement, constatent des responsables des établissements supérieurs et universitaires, d’année en année, le taux de scolarité des filles ne fait que croître.

A l’Institut facultaire des sciences de l’information et de la communication (Ifasic), lors de la cérémonie de remise des diplômes le samedi 17 mars 2001, le recteur Mbebolo ya Mpiku a affirmé qu’en 10 ans, de 1990 à 2000, le nombre d’étudiantes est passé de quelque 20% à 65% de l’ensemble des étudiants.

Cette augmentation de la scolarité des filles contribue à l’engagement de plus en plus accru de la femme congolaise dans la lutte pour la défense de ses droits. Mais la lutte est encore longue.


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