ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 413 - 01/06/2001

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Afrique
Les Eglises protestantes africaines et le sida


SIDA


Non au silence et à la discrimination. Alerte à la mobilisation générale!

Les Eglises protestantes d’Afrique avaient, par rapport au sida, mauvaise conscience. Apathiques, elles se devaient, disent-elles, de rompre le silence et le “mythe” dont elles s’étaient rendues coupables, faire leur mea culpa, faire amende honorable et, dès lors, rectifier le tir. Explication du secrétaire général de la CETA (Conférence des Eglises de toute l’Afrique, entité regroupant les Eglises protestantes d’Afrique): «Nous avons parcouru un long chemin depuis le début des années 80, période de refus et de politique politicienne pendant que les gens mouraient de la pandémie. Nous avons dépensé notre énergie à critiquer et à chercher à profiter de la situation pour marquer des points politiques».

Ainsi à Dakar, à l’occasion d’une “consultation” tenue du 23 au 25 avril, en association avec l’Eglise protestante du Sénégal, le Church World Service et le Comité protestant de coordination sida, la CETA a réuni 82 participants, des chefs d’Eglise pour la plupart, originaires de 16 pays d’Afrique, pour faire le point et arrêter une stratégie lui permettant de tenter d’apporter des réponses «positives» à «l’inquiétante propagation de la pandémie» en Afrique, un phénomène qui la «préoccupe», avoue-t-elle.

Une préoccupation largement partagée d’ailleurs par le ministre sénégalais de la Santé qui a ouvert les travaux de cette consultation. Celle-ci fait suite, rappelle-t-on, à une autre tenue en janvier dernier en Ouganda, une étape marquante dans le processus de remise en question entamé par la CETA.

Pendant trois jours, les chefs d’Eglise et de communautés religieuses ont parallèlement examiné «les conditions d’une prise de conscience» tout en partageant les «expériences vécues» afin d’améliorer l’encadrement et la prise en charge de ceux qui sont affectés ou menacés, notamment les femmes et les jeunes, les tranches les plus vulnérables, et enfin de «revoir l’approche sur les stratégies de prévention». En d’autres termes, la question a été de savoir ce que peut faire l’Eglise pour que son engagement gagne en efficacité.

Si l’Eglise est en mesure de jouer un rôle important, de «rompre la culture du silence» et jouer un rôle de plaidoyer auprès des gouvernements et des organismes qui ont des ressources pour s’attaquer à la situation, elle peut plaider en faveur d’une «politique économique et globale». Pour ce faire, elle doit «revoir la formation pastorale», qui devrait être poursuivie et intensifiée pour inclure les enseignements stratégiques sur la réponse à donner au VIH/SIDA. Bref, il est impératif de réfléchir sur les voies et moyens de «soutenir ou d’améliorer les programmes d’inspiration ecclésiastique et mobiliser les efforts tendant à faciliter ces programmes».

Coordonner les initiatives religieuses

La consultation de Dakar, après Kampala, s’inscrit dans le sillage de la mise en oeuvre de «réseaux interactifs de coordination des initiatives religieuses sur le VIH/SIDA».

A la cérémonie d’ouverture, le message de l’archevêque catholique (absent de Dakar) a été délivré par le vicaire épiscopal, l’abbé Alphonse Seck, qui a engagé les «croyants du Sénégal et d’Afrique à relever ce défi de taille qui pose une grave hypothèque sur l’avenir du continent». Les «motivations chrétiennes sont un levier puissant», soulignera-t-il. L’enjeu est de permettre à l’Eglise du Sénégal (dont Sida-Service s’affirme comme l’une des meilleures structures sénégalaises de lutte contre la pandémie) de s’illustrer en tant que partenaire fiable et reconnu dans ce combat à mener aux côtés des experts médicaux, des communautés religieuses et des autres organisations de la société civile.

«C’est l’amour du Christ que nous révélons là où suspicion et condamnation, exclusion et indifférence prennent si souvent le pas sur le bien», observe le vicaire épiscopal. Et il rappelle les mots du pape Jean-Paul II qui observait que «la redoutable diffusion du sida nous lance à tous, un double défi que l’Eglise, elle aussi, veut accueillir pour la part qui lui incombe: je fais allusion ici au domaine de la prévention de la maladie et à l’assistance des individus qui en sont atteints. Une action vraiment efficace ne pourra s’exercer si on ne tente pas de soutenir l’effort commun par l’apport d’une vision constructive de la dignité humaine et de son destin transcendant».

Auparavant, le représentant des imams locaux a rappelé le “message de paix” de l’Islam, tandis que le représentant de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) évoquait la question de l’accès aux médicaments, la recherche vaccinale et le changement de comportement.

Pour leur part, le représentant du Church World Service, le Comité protestant de coordination du sida, et le président de l’Eglise protestante du Sénégal signalaient, chacun, l’importance de la consultation en laquelle ils fondent beaucoup d’espoirs.

Analyse et recommandations

Au terme des travaux, les participants ont déploré que l’Afrique, en particulier au sud du Sahara, soit la zone «la plus affectée» par le VIH/SIDA dans le monde; où les «taux d’infection sont les plus élevés, l’accès aux soins les plus faibles, et où les filets de sécurité sociale et économiques pouvant aider les familles à faire face à l’impact» sont rares. D’après les estimations actuelles de l’OMS/ONUSIDA  rappelées par la consultation, sur les 36 millions de personnes infectées et affectées par le VIH/SIDA dans le monde, 25,3 millions vivent en Afrique, ce qui équivaut à près de 70% de l’ensemble de la population mondiale infectée, dans une région qui représente seulement 10% de cette population.

L’analyse qu’en fait la CETA est que cette situation critique est due entre autres, à des facteurs comme «les guerres, les conflits ethniques, les flux migratoires, la pauvreté, le manque de connaissances, l’analphabétisme, le manque d’informations», certaines pratiques socio-culturelles rétrogrades (telles que le lévirat, les mutilations génitales, etc.), «l’insuffisance d’engagement des Eglises, des gouvernements et autres organisations connexes, la moralité décadente», influencée «négativement par les médias et le tourisme».

Il demeure que les participants reconnaissent avoir suivi avec intérêt l’expérience et les résultats atteints par le Sénégal (1% seulement de personnes séropositives), les interactions et échanges de perspectives entre pays et groupes, les témoignages instructifs rendus pendant la consultation de personnes vivant avec le VIH/SIDA qui ont cependant regretté «l’insensibilité», le manque de connaissances et l’indifférence de certaines Eglises.

Dans leurs recommandations issues de la consul-tation, les Eglises ont demandé que la lutte contre le sida soit «l’une de leurs priorités», elles ont insisté pour qu’il soit davantage mis l’accent sur «l’éducation et le partage d’informations» sur le VIH/SIDA, en introduisant ces questions dans les programmes d’études des séminaires/institutions théologiques, ainsi que des centres laïcs de formation.

Elles ont suggéré de «faciliter l’interaction et le partage entre et avec les personnes vivant avec le VIH/SIDA» et qu’ainsi soient combattues la discrimination et la stigmatisation dont sont l’objet les malades. Que soit mobilisée la communauté religieuse, structurée l’éducation religieuse. Que soient promues les valeurs éthiques cardinales afin de fonder un esprit de «solidarité», capable de stimuler la «riposte publique et les activités de la prévention».

Les chefs d’Eglise ont également recommandé d’initier et de participer à des «campagnes de plaidoyer à l’échelle nationale régionale et globale, en faveur de l’accès aux médicaments antirétroviraux» et engagé les laïcs et ouvriers pastoraux à se mobiliser pour s’attaquer victorieusement au problème du VIH/SIDA et à former un «réseau entre les Eglises et avec les partenaires oecuméniques ainsi qu’avec les organisations connexes travaillant sur le VIH/SIDA» et ce, tout en renforçant les structures existantes, pour éviter la «duplication et la concurrence ».

Les Eglises ont par ailleurs recommandé que soient mis en place des «services de “counselling” pour la prise en charge des besoins psycho-sociaux et économiques des personnes vivant avec le VIH/SIDA et de leurs familles», que soient identifiées les pratiques socio-culturelles facteurs de risques, et qu’en conséquence, les populations soient éduquées en vue du changement de leurs comportements.

La CETA a exprimé aussi le voeu de voir impliquées davantage les personnes vivant avec le VIH/SIDA dans la planification des activités liées à la pandémie, et que soient installés des mécanismes de protection et de prise en charge des personnes infectées et/ou affectées, ainsi que des orphelins et des veuves. Les participants ont enfin appelé les Eglises à être plus «attentives à la vulnérabilité» des femmes et des enfants, à promouvoir des programmes appropriés, renforcer les capacités des femmes et des jeunes afin qu’ils opèrent des «choix responsables», et à redynamiser les partenariats sud-sud et nord-sud dans le combat contre le VIH/SIDA.

En marge des travaux, l’annonce a été faite d’un don de 155 millions CFA par la Fondation américaine Sandy River à un projet pilote pour soutenir la thérapie nutritionnelle des personnes atteintes du sida.

Un objet de méditation, parmi d’autres: «Ouvre la bouche pour juger avec équité et pour la cause des humbles et des pauvres» (Proverbes, 31,9).


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