ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 413 - 01/06/2001

CONTENTS | ANB-BIA HOMEPAGE | WEEKLY NEWS


République Centrafricaine

Un nouveau Premier ministre


POLITIQUE


M. Martin Ziguélé a succédé à Anicet Georges Dologuélé comme Premier ministre.
Le dessous des cartes

Depuis la réélection du président Patassé et la reconduction de Dologuélé comme Premier ministre, le Mouvement de libération du peuple centrafricain (MLPC, parti au pouvoir) a régulièrement traité ce dernier d’usurpateur, parce qu’il s’opposait à l’entrée massive des caciques du parti dans le gouvernement qu’il dirigeait. Les multiples scandales politico-financiers, les malversations et la corruption qui ont caractérisé l’administration en général et les régies financières en particulier, mais surtout la crise du carburant et la crise socio-politique ont permis au bureau politique du MLPC d’obtenir la tête de Dologuélé.

Martin Ziguélé

La nomination de M. Martin Ziguélé comme Premier ministre, le 1er avril 2001, a surpris le MLPC qui proposait M. Eric Sorongopé Zoumandji, président du groupe parlementaire du parti. M. Ziguélé, qui depuis vingt ans est cadre dans une organisation sous-régionale d’assurances basée à Lomé, au Togo, appartient à l’ethnie du président Patassé.

Suite à une ténébreuse affaire de transfert illicite de 325 milliards de FCFA, le conseil d’administration de la Banque des Etats de l’Afrique centrale (BEAC) avait limogé le directeur national, M. Jonas Yologaza, et son adjoint M. Khamis. Quand M. Mamalepot, gouverneur de la BEAC, proposa au chef de l’Etat les noms de trois Centrafricains travaillant depuis longtemps à la BEAC, M. Patassé les a écartés pour retenir M. Ziguélé, son parent et partisan. Le gouverneur a dû se plier aux volontés de M. Patassé, et envoyer M. Ziguélé suivre un stage de techniques bancaires à N’Djamena d’abord, et au siège de Yaoundé ensuite. Entre-temps, un ressortissant tchadien, M. Laoundoul, assurait l’intérim.

Le 26 mars 2001, a eu lieu la passation de service entre M. Laoundoul et M. Martin Ziguélé. Le 31 mars, le président Patassé reçoit le nouveau directeur national de la BEAC et il le présente au peuple centrafricain. Le lendemain, le 1er avril, il le nomme Premier ministre. Evidemment, le gouverneur de la BEAC n’a pas bien apprécié cette nomination, car non seulement M. Patassé a rejeté ses propositions, mais il a fait faire des dépenses pour former un cadre que la BEAC ne peut finalement pas utiliser...

Dans sa première déclaration, le Premier ministre Ziguélé a promis un gouvernement de large ouverture qui appliquera le programme du chef de l’Etat. En fait, le nouveau gouvernement, rendu public le 6 avril, comprend 95% de partisans du président Patassé. Une fois de plus, le régime MLPC a exclu l’opposition du gouvernement.

Le limogeage de Dologuélé

Les raisons évoquées par le président Ange Félix Patassé pour limoger M. Dologuélé sont son «incapacité» à éradiquer la corruption, la fraude et les détournements qui ont gangrené l’administration en général et les régies financières en particulier. Le chef de l’Etat n’a pas manqué de préciser que les ministres ayant commis des fautes lourdes dans leur gestion seront poursuivis. Or, curieusement, neuf ministres du précédent gouvernement ont été reconduits, et les autres ont été nommés à la présidence et auprès du Premier ministre comme conseillers, hauts commissaires, etc...

Pour les partisans du parti au pouvoir, les raisons du limogeage de Dologuélé sont autres. L’ancien Premier ministre est un parent du président de l’Assemblée nationale, M. Dondon Konamabaye. Or récemment, celui-ci a adressé une lettre ouverte à M. Patassé pour l’interpeller sur la situation dramatique dans laquelle se trouve la Centrafrique et l’a invité à user de ses prérogatives pour que la lumière soit faite sur les scandales politico-financiers: Centrafrican Air Lines, Zongo-Oil, le transfert illégal de 325 milliards de FCFA, etc.(1) Cette lettre a été abondamment commentée et publiée dans la presse nationale. Ensuite, les proches de M. Patassé ont interprété le dernier voyage du président de l’Assemblée nationale en Libye comme une stratégie visant à déstabiliser de l’extérieur le régime du MLPC.

Un lourd héritage

Aujourd’hui, un nouveau gouvernement est instauré. Mais le 5 mai 2001 prendra fin la trêve syndicale, contenue dans un communiqué conjoint gouvernemental-syndicat. Or, le gouvernement n’a même pas respecté l’esprit et la lettre de ce communiqué en payant les salaires à terme échu et en apurant partiellement les arriérés de salaires.

Le pays tire l’essentiel de ses recettes publiques des taxes et impôts. Or, l’expérience a démontré que le niveau des recettes est élevé durant les quatre premiers mois de l’année; après, c’est une période de vaches maigres.

La crise des produits énergétiques qui a duré plus de deux mois, et la grève des travailleurs du secteur public ont fragilisé l’économie nationale. Cette situation s’aggrave avec l’implication de l’Etat dans la filière du diamant, or et bois, et par la corruption et la fraude entretenues et encouragées par les commerçants libanais qui flirtent avec les autorités politiques. Selon des sources proches du ministère du Plan et de la Coopération internationale, une mission conjointe de la Banque mondiale et du FMI arrivera à Bangui dans la deuxième quinzaine du mois de mai pour procéder à l’évaluation à mi-parcourt de l’exécution de l’accord signé avec la RCA. Les experts nationaux soutiennent déjà que cette mission sera plus politique que technique.

En effet, au cours des précédentes négociations avec les institutions financières internationales, les spécialistes nationaux des finances publiques n’ont pas pu justifier la destination des produits de vente du carburant, don libyen à la RCA, qui a été géré par le chef de l’Etat et son conseiller en hydrocarbures. Cette fois-ci, le président Patassé s’est accaparé du lot B de la PETROCA (Centrafricaine des pétroles), privatisée sans un avis officiel d’appel d’offres. Il a créé la société TRANSOIL, chargée de la distribution du carburant.

Par ailleurs, la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), en vigueur en Centrafrique, n’est déductible que sur les biens de consommation. Or, les Libanais, qui sont les gros importateurs, utilisent des commerçants qui évoluent dans l’informel pour importer leurs marchandises. Ce qui entraîne une grave baisse du niveau des recettes de l’Etat. En clair, le critère de performance exigé par les institutions financières internationales n’est pas réalisé et la création d’une entreprise dans des conditions obscures poseront de sérieux problèmes pour le second décaissement d’un prêt. En sept années de règne, le président Patassé a doté la Centrafrique de six gouvernements. Cette multiplicité n’a pas mis fin à la misère du peuple qui ne fait que s’intensifier. Le pays ne pourra connaître une relance économique que lorsque le président Patassé et ses partisans transcenderont les considérations claniques et partisanes pour éradiquer la corruption, les fraudes et détournements.


(1) Ndlr: cfr “Centrafrique, plaque tournante de la mafia”, du même auteur, dans ANB-BIA, n. 391, 1-6-2000, pg III-IV


SOMMAIRE FRANCAIS | ANB-BIA HOMEPAGE | WEEKLY NEWS


PeaceLink 2001 - Reproduction authorised, with usual acknowledgement