ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 413 - 01/06/2001

CONTENTS | ANB-BIA HOMEPAGE | WEEKLY NEWS


Congo RDC
Casques bleus à Kisangani


ONU


La présence de la MONUC et des casques bleus à Kisangani: leurres et espoirs

Depuis deux semaines, les forces armées de l’ONU sont arrivées à Kisangani, mais la Mission d’observation des Nations unies pour le Congo (MONUC) y est déjà présente depuis bientôt une année. Que d’espoirs dans le coeur des habitants à leur arrivée! Beaucoup avaient cru que la MONUC les libérerait des griffes des rebelles du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD) et surtout des occupants ougandais et rwandais. Une libération politique, militaire et économique.

En fait, même si les fonctionnaires et agents de l’Etat ne sont toujours pas payés (depuis trois ans), même si le pouvoir d’achat est nul, même si les tracasseries policières et le musellement des citoyens sont monnaie courante, des petites ouvertures ont été faites dans le domaine de l’emploi. Même quelques fonctionnaires ont abandonné momentanément leurs postes, avec la complicité de leurs chefs hiérarchiques, au profit de postes juteux que leur offre la MONUC: comme informaticien, comme conducteur, portier, jardinier, cuisinier... Une aubaine pour la population.

Déceptions

Les gens avaient cru au retrait immédiat des troupes étrangères et à la neutralisation de la soldatesque congolaise, impayée elle aussi depuis belle lurette et juste bonne à piller ses concitoyens...

La première grande déception vint avec la guerre de 6 jours qui opposa les troupes ougandaises aux forces rwandaises à Kisangani du 5 au 10 juin 2000, sous les yeux de la MONUC. Si une certaine opinion a fait croire que la MONUC a été de beaucoup dans l’arrêt des hostilités rwando-ougandaises, la population n’a décelé qu’une faiblesse de l’ONU, incapable de la protéger. Rappelons qu’en six jours, 7.000 obus ont été déversés sur la ville de Kisangani, détruisant vies humaines et maisons.

La seconde déception fut le départ simulé des troupes rwandaises de la ville. Alors que les Ougandais, après leur défaite, se dirigeaient vers Buta, emportant butins, maîtresses et enfants nés de ces unions, les Rwandais, eux, faisaient semblant de quitter la ville en se dirigeant vers le territoire d’Ubundu, sur l’axe Kisangani-Goma. En fait, ils partaient en brousse et réapparaissaient dans des pirogues sur le fleuve Congo, pour rejoindre leurs anciennes positions. D’autres s’étaient maladroitement fondus dans la population civile en troquant leur tenue militaire contre une tenue civile. Mais leur physique les trahissait. Tout cela s’est passé, une fois de plus, sous les yeux et à la barbe de la MONUC.

La troisième déception a eu lieu récemment avec l’atterrissage prévu, mais avorté, des casques bleus marocains, par la simple volonté des responsables politico-militaires du RCD. En effet, alors que la population civile les attendait à bras ouverts, fondant sur eux tous ses espoirs, les quatre avions avec les forces armées des Nations unies, après quelques tours au-dessus de la ville de Kisangani, ont rebroussé chemin pour aller atterrir à Bangui, en RCA. Aussi, lorsque cinq jours plus tard les casques bleus ont pu atterrir à Kisangani, ovationnés et conduits en cortège, la population n’était plus très sûre qu’ils puissent faire quelque chose pour elle. Les rebelles, ou plutôt leurs alliés cachés derrière eux, semblent pouvoir décider du sort des casques bleus comme ils l’entendent. Même si ces “soldats du monde” donnent l’impression de s’installer solidement à Kisangani, avec des armements sophistiqués, le doute continue à planer... Les gens savent ce qui est arrivé à d’autres casques bleus dans certains coins d’Afrique, comme en Sierra Leone où ils ont été pris en otages par les rebelles...

Accord de Lusaka — désir de paix

On ne le dira jamais assez: la population de Kisangani ignore l’Accord de Lusaka. Elle n’est pas bien informée ni de l’esprit ni du contenu de cet accord, signé loin d’elle et sans ses représentants de la société civile. Mais il y a plus: elle souhaiterait voir la paix intervenir par un coup de baguette magique.

Ce qu’elle souhaite avant tout, c’est de voir détaler au plus tôt les Ougandais — dont une bande est encore cantonnée à 107 km de Kisangani sur la route vers l’Ituri — et les Rwandais — qui continuent à faire la loi dans la ville, quoi qu’en pense la MONUC. Elle aimerait également voir les soldats de l’ONU désarmer et maîtriser non seulement les forces appelées “négatives” dans l’accord de Lusaka, mais aussi les forces congolaises rebelles. Et qu’après cela, la MONUC et les casques bleus prennent en main l’administration civile (comme au Kosovo), et qu’ils favorisent l’arrivée, dans les meilleurs délais, de l’autorité centrale. Quitte à ce que le dialogue national intercongolais se déroule par la suite.

La population ne connaît pas le rôle assigné à la MONUC qui, selon Lusaka, ne doit que vérifier la cessation des hostilités, le désengagement des troupes et élaborer un programme de retrait ordonné de toutes les forces étrangères au Congo. Quant aux casques bleus, ils viennent protéger les agents et les fonctionnaires de la MONUC, ne pouvant intervenir avec des armes que lorsqu’ils sont attaqués.

Cependant, il faut comprendre l’attitude de la population de Kisangani dans le cadre d’un espoir déçu. En effet, depuis bientôt trois ans, elle attend impatiemment une issue heureuse à cette guerre. En vain. Mais elle veut garder espoir, malgré tout.


SOMMAIRE FRANCAIS | ANB-BIA HOMEPAGE | WEEKLY NEWS


PeaceLink 2001 - Reproduction authorised, with usual acknowledgement