ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 413 - 01/06/2001

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Guinée équatoriale

Entre pétrole et démocratie


DROITS DE L’HOMME


Avec son pétrole, la Guinée équatoriale dispose d’un atout majeur,
mais le régime a du mal à se faire à la démocratie

La Guinée équatoriale est présidée par Teodoro Obiang Nguema, fondateur du Parti démocratique de Guinée équatoriale (PDGE) au pouvoir, depuis qu’il avait renversé en 1979 son oncle, Francisco Macias Nguema, premier président du pays indépendant. La famille présidentielle, aux commandes de nombreux rouages de l’Etat, mène grande vie depuis la découverte par les firmes américaines des champs pétroliers. Avec son pétrole, la Guinée équatoriale dispose d’un atout majeur pour son développement.

Mais le régime a du mal à adopter la démocratie et a toujours traîné une réputation de dictature tropicale depuis son indépendance, en 1968. Bien que les dernières élections municipales aient représenté pour l’Union européenne «l’un des éléments essentiels du processus de démocratisation du pays», la marche vers la démocratie reste encore longue. Et, même si la découverte de plusieurs gisements de pétrole augure une nouvelle ère de prospérité dont devraient jouir les populations, 10% seulement de celles-ci, toutefois, bénéficient actuellement de cette manne.

Les droits de l’homme

Le passager qui descend d’avion et traverse le petit hangar de l’aéroport de Malabo, ne sera à l’aise qu’après avoir rempli les formalités de police et de douane. L’accueil par la police des frontières est plutôt brutal. Les questions s’égrènent sur les raisons de sa présence en Guinée équatoriale. Depuis la découverte du pétrole, les Equato-guinéens affichent un nationalisme peu favorable aux étrangers qui veulent s’installer sur la petite île, surtout si l’on présente un passeport africain.

«Les droits de l’homme sont respectés. Il doit y avoir de l’excès dans les accusations (...). La presse est libre et il n’y a pas de restrictions», avait réagi le président Teodoro Obiang Nguema, accusé de pratiquer la torture. En réponse, le département d’Etat américain avait déclaré que la presse est sévèrement réprimée en Guinée équatoriale. En août dernier, toujours sur la défensive, le chef de l’Etat avait fustigé «les ingérences et les manœuvres» du Fonds monétaire international en Afrique et dans son pays, considérant qu’elles «constituent des freins au développement des pays africains». A la mi-mars, un article de l’Associated Press indiquait que le président équato-guinéen repoussait les allégations publiées en février, dans le rapport du département d’Etat américain sur les droits de l’homme, concernant la torture et le manque de liberté de la presse. Le président Nguema avait déclaré que ce rapport n’était pas d’actualité et ne prenait pas en compte «les gros efforts de démocratisation du pays». Il avait d’ailleurs souhaité, au cours d’un forum pour la promotion de la presse et de la libre expression, que l’ambassade des Etats-Unis soit à nouveau ouverte dans son pays, après 5 années de fermeture.

Un essor économique sans précédent

La Guinée équatoriale a été longtemps considérée comme l’un des pays les plus pauvres d’Afrique. Mais la découverte du pétrole, il y a cinq ans, a transformé ce petit pays et multiplié les ambitions de ses dirigeants. La production actuelle de 120.000 barils par jour devrait s’accroître dans les prochains mois. Le pays connaît un essor économique sans précédent. Le budget de l’Etat est passé de 8 milliards de FCFA à 80 milliards en 1995, puis à 100 milliards en 2000.

Dans un sursaut d’orgueil, M. Teodoro Obiang Nguema a souligné que «lorsque la Guinée équatoriale n’avait pas encore découvert les ressources du sous-sol, nous avions rempli les conditions du FMI pour un programme d’ajustement structurel. Ensuite, le FMI nous a imposé un nouvel ajustement structurel renforcé et, devant notre refus de l’appliquer, il nous a abandonné... Mais par miracle, lorsque le pétrole a été découvert, le FMI est réapparu avec un paquet de conditions que j’ai écarté. Nous sommes toujours en négociation (…)».

Entre 1993 et 1996, la Commission des droits de l’homme et le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) ont prêté une attention particulière à la situation et ont envoyé plusieurs missions d’observation. Celles-ci ont suggéré que le pays doit remplir ses obligations dans l’instauration de la démocratie, le respect des droits de l’homme, et l’amélioration des conditions des prisonniers et des détenus; en particulier, que soit mis fin aux arrestations et détentions arbitraires, aux tortures et aux traitements inhumains qui rabaissent la personne humaine. La Commission des droits de l’homme a également appelé le gouvernement à améliorer les conditions des femmes et l’a encouragé à développer le dialogue avec toutes les forces politiques dans le but d’achever le processus démocratique du pays de manière consensuelle. Elle a encore demandé au gouvernement de faciliter le retour des exilés et des réfugiés, et de permettre à tous les citoyens de participer dans les secteurs politique, social et culturel.

En fait, un petit effort dans l’avancée du processus démocratique a été remarqué lors des dernières élections municipales de mars 2000. Le gouvernement avait accordé 3 millions de FCFA à chaque parti politique. De source officielle, cet argent provenait du “Fonds pour la démocratie” récemment doté par le chef de l’Etat d’une somme de 39 millions de FCFA.

Madrid et Malabo

Malgré cette petite avancée sur le terrain de la démocratie, la Guinée équatoriale, ancienne colonie espagnole de 450.000 habitants, a du mal à s’habituer à la culture démocratique. Le régime est policier et les citoyens hésitent souvent à parler, par peur de représailles.

Alors que la situation économique devrait inévitablement s’améliorer et permettre au pays d’afficher prochainement un PIB exceptionnel, le pays essaye toujours de dissiper les malentendus avec l’Espagne. Le président Nguema a expliqué à travers la presse que «le problème entre l’Espagne et la Guinée équatoriale se situe dans la manière dont nous conduisons notre processus démocratique(…). Nous avons constaté l’ingérence dans ce processus de certains diplomates, non seulement d’Espagne, mais aussi des Etats-Unis et nous avons condamné cette ingérence». Malgré le léger froid entre Madrid et Malabo, les autorités de la Guinée équatoriale souhaitent que soit relancée la coopération entre les deux pays.

Après la victoire du PDGE aux élections locales(*), l’ambassadeur d’Espagne à Malabo avait été rappelé à Madrid pour consultation après un incident diplomatique. Le ministre des Affaires étrangères espagnol avait demandé que cessent «les incidents en chaîne avec les représentants espagnols en poste à Malabo». A la suite de cet incident, l’Espagne avait réduit de moitié son aide à la Guinée équatoriale. Ce différend fut relayé par les journaux espagnols qui ont poursuivi leur campagne contre l’ancienne colonie, ainsi que par Radio exterior de Espana qui chaque semaine consacrait une heure à la Guinée équatoriale.

L’année dernière, le PNUD a donné près de 700 millions de francs CFA pour un programme de développement local, avec notamment un renforcement de la société civile, afin de faire participer la population au processus de développement du pays.

Miracle pétrolier sous impulsion américaine

Depuis le début de l’exploration du pétrole, en 1992, de nombreux cadres et techniciens américains se sont installés et continuent à affluer dans le pays. Le champ pétrolier d’Alba a été inauguré en mars 1992, et celui de Zafiro exploité depuis 1997, tous deux situés sur l’île Bioko qui abrite la capitale Malabo. Les sociétés américaines Triton, Exxon Mobil et Chevron ont ainsi effacé les échecs des premières explorations de la société espagnole Cepsa en association avec l’américain Gulf, dans les années 50, et puis ceux de Conoco et Chevron. En 2001, la production devrait atteindre, selon des prévisions, 9 millions de tonnes.

Les Camerounais et les Maliens constituent la principale vague des immigrés africains qui se distinguent dans les services et les petits métiers. Leur sens de l’initiative dérange beaucoup et leur arrivée aux postes frontières se transforme souvent en un interrogatoire musclé. Le président Nguema n’avait-il pas déclaré: «Nous ne sommes pas contre les étrangers, mais nous ne voulons pas des étrangers chômeurs à la recherche de leur prospérité. Nous voulons ceux qui nous aident dans le transfert des technologies(…)». Pour éviter l’isolement, l’ancienne colonie espagnole, membre de la francophonie depuis 1989, a adopté le français comme deuxième langue officielle, après l’espagnol, en janvier 1998.

Depuis de longues années, le pouvoir reste concentré entre les mains du président Obiang Nguema qui disposerait, dit-on, avec sa famille, de la nouvelle richesse du pays. Bien que les autorités aient manifesté leur volonté de relancer la culture du cacao et la pratique de la pêche, les efforts restent surtout orientés vers le pétrole qui rapporte beaucoup de devises au pays. Avec le boom pétrolier, la corruption est très vite apparue et n’a pas épargné d’ailleurs le précédent gouvernement qui dû démissionner.

La Guinée équatoriale ambitionne de jouer un rôle en Afrique centrale grâce à son pétrole. Mais sans l’adhésion des populations qui aspirent à un bien-être social, et avec la persistance des gouvernants de ne pas abandonner un peu de leur souveraineté, le pays pourrait connaître une nouvelle instabilité, orchestrée par les opposants en exil.


(*) Note de l’auteur — Ces élections se sont déroulées dans la quasi-indifférence de la population en l’absence des trois partis de l’opposition radicale: la Convergence pour la démocratie sociale (CPDS), l’Union populaire (UP) et l’Alliance démocratique et progressiste (ADP), qui avaient décidé de boycotter le scrutin qu’ils qualifiaient de “farce électorale”.


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