ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 414 - 15/06/2001

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Burundi
Le processus de paix dans l’impasse


GUERRE CIVILE


La situation n’a guère changé.
La guerre civile continue et la classe politique
ne parvient toujours pas à s’entendre

Le 28 août 2000 est intervenue à Arusha, au nord de la Tanzanie, la signature d’un Accord pour la paix et la réconciliation au Burundi. A cette occasion, le gouvernement burundais, l’Assemblée nationale et dix-sept partis et mouvements politiques, à l’exception des Forces pour la défense de la démocratie (FDD) et des Forces nationales de libération (FNL), se sont engagés à mettre un terme à la crise politique que connaît le pays depuis le 21 octobre 1993, jour de l’assassinat du président démocratiquement élu en juin de la même année, Melchior Ndadaye.

Mais depuis lors, la situation n’a guère changé. La guerre civile continue et la classe politique ne parvient toujours pas à s’entendre sur les hommes qui vont diriger la période de transition, qui sépare la date de la signature de l’accord de paix et les élections démocratiques. Au même moment, les deux mouvements rebelles, les FDD de Jean-Bosco Ndayikengurukiye et les FNL de Cossan Kabura (celui-ci vient d’être écarté, en février 2001, de la direction du mouvement armé au profit d’un de ses lieutenants, Agathon Rwasa) qui ont boycotté les négociations d’Arusha, intensifient sur le terrain la lutte armée, jusqu’à menacer Bujumbura. Récemment, fin février et début mars de cette année, les FNL ont occupé deux semaines durant tout un quartier, Kinama, situé dans le nord de la capitale. Le bilan officiel des affrontements avec les militaires gouvernementaux est de 200 morts.

Bref historique du processus de paix

Depuis l’assassinat du président Ndadaye, la classe politique burundaise a éprouvé beaucoup de difficultés à remettre sur pied une institution présidentielle stable, capable de garantir la paix et la sécurité pour tous. Plusieurs formules ont été tentées: l’élection d’un chef de l’Etat par le Parlement (février 1993), la convention de gouvernement (septembre 1994), le second coup d’Etat du major Pierre Buyoya (juillet 1996), le partenariat politique (juin 1998) entre le régime putschiste et le reste du régime légal de 1993. Mais aucune de ces tentatives ne fut porteuse de stabilité politique.

En 1998, lorsque les chefs d’Etat de la sous-région des Grands Lacs ont confié à l’ancien président tanzanien Julius Nyerere le rôle de médiateur dans le conflit burundais, la classe politique, en choeur avec la population, a applaudi, croyant enfin à un possible règlement rapide du contentieux. Car ce sage africain connaissait profondément les Burundais pour avoir été le compagnon du leader indépendantiste Louis Rwagasore dans les années 60. Ainsi, grâce à Nyerere, une communication entre groupes politiquement hostiles a pu être établie. Néanmoins, une partie des négociateurs burundais, les Tutsi, accusèrent le médiateur de sympathies pour la cause hutu.

Après le décès de Julius Nyerere (fin 1999), un autre vieux sage africain a pris la relève, Nelson Mandela, affectueusement appelé «Madiba», ancien président sud-africain, faisant renaître l’espoir au Burundi. Car la méthode Mandela donna un sérieux coup d’accélérateur aux négociations d’Arusha. Les acteurs non militaires signèrent un accord de paix, huit mois seulement après l’entrée officielle en scène de Madiba, le respecté. Il est en effet très difficile de lui résister, son charisme et sa stature internationale s’imposant à tous.

Grâce à lui, également, le processus de paix est sorti de l’ombre. Nelson Mandela a réussi à intéresser les grands de ce monde, jusqu’au géant américain, à tourner leur regard vers le Burundi. La signature de l’accord de paix, le 28 août 2000, a été couvert par la presse mondiale. C’est l’oeuvre de Mandela, celui que les Burundais louent et respectent pour ses qualités de leader et pour son impartialité dans le dossier politique burundais.

Cependant, force est de reconnaître que le succès enregistré sur le plan politique a moins bien réussi sur le plan militaire. Les FDD et les FNL refusent toujours de rejoindre le processus d’Arusha, malgré l’insistance du médiateur. Le dossier a été confié au vice-président sud-africain, Jaboc Zuma, qui travaille parallèlement avec le président de la République démocratique du Congo (RDC) Joseph Kabila et le président gabonais Omar Bongo. Par ailleurs, les autorités burundaises accusent régulièrement la Tanzanie voisine d’abriter les bandes armées FNL qui attaquent le Burundi. Les mêmes autorités pointent du doigt le régime de Kinshasa, qui a intégré dans sa composante militaire les rebelles des FDD dans les combats contre la coalition rwandaise et ougandaise en RDC.

Dès lors, le début de la mise en application des accords de Lusaka (juillet 1999) consacrant le retrait des troupes étrangères du Congo RDC et le déploiement des forces onusiennes dans ce pays, constituent un danger pour le Burundi. Le régime de Bujumbura ne cesse de s’inquiéter, en faisant notamment remarquer que la normalisation de la situation politique et sécuritaire en RDC coïncide avec la recrudescence de la violence armée au Burundi. Les FDD, forcées d’abandonner le terrain militaire en RDC, déplacent la guerre du Congo vers l’intérieur du Burundi.

La tentative de putsch

Le 18 avril 2001, le Burundi a connu son énième tentative de coup d’Etat, pendant que le président Pierre Buyoya était à Libreville, au Gabon, pour négocier avec les chefs de la rébellion FDD. Celui qui s’est présenté sur les antennes de la radio nationale comme le chef des mutins, le lieutenant Gaston Ntakarutimana, a dénoncé la poursuite de la guerre malgré les négociations, la misère et la faim qui font rage dans le pays, ainsi que le “ventriotisme” de ceux qui vont négocier des places politiques à Arusha.

L’analyse faite par cet officier subalterne a été saluée par une grande partie de l’opinion publique burundaise, qui a seulement regretté la forme de l’aventure putschiste. Pour beaucoup de Burundais en effet, des changements s’imposent, mais pas par un coup d’Etat militaire, car celui-ci, au lieu de sauver la situation, viendrait plutôt l’aggraver.

Cependant, le putsch tenté par une quarantaine de militaires aura donné une leçon à la classe politique face à l’impasse actuelle. Huit mois après la signature de l’accord de paix, il n’y a ni paix ni sécurité dans le pays, et le médiateur Mandela tente vainement d’obtenir l’adhésion des groupes armés FDD et FNL à ce processus. Plusieurs facteurs expliquent cet échec.

D’abord Nelson Mandela a commis une erreur d’appréciation, en se faisant entourer des chefs d’Etat ougandais et rwandais, considérés comme des ennemis par les deux mouvements rebelles et leurs alliés de la coalition du gouvernement de Kinshasa.

Ensuite, les deux mouvements rebelles burundais ne veulent pas être traités sur un pied d’égalité avec les autres partis politiques ne disposant pas de forces militaires sur le terrain. Les FDD et les FNL exigent des négociations directes avec le régime de Bujumbura, et principalement la réforme de l’armée (dans le sens de l’intégration dans une nouvelle armée nationale de leurs unités combattantes).

Enfin, il existe de fortes rivalités entre les FDD et les FNL à propos du leadership de la communauté hutu. Les FNL, qui sont la branche armée du Parti pour la libération du peuple hutu (Palipehutu, fondé en 1980), affirment être les seuls véritables garants des intérêts des Hutu, du fait de leur ancienneté dans la lutte armée. Mais les FDD, la branche armée du Conseil national pour la défense de la démocratie (CNDD, fondé en 1994) croient être mieux placés pour incarner l’aspiration du peuple burundais à être dirigé démocratiquement.

Conclusion

Dans le contexte actuel de guerre sous-régionale en République démocratique du Congo, et de circulation intense d’armes légères dans toute l’Afrique centrale, il est illusoire de croire à une paix isolée au Burundi. Le cas burundais, qui ne peut pas se régler par un simple coup d’Etat, ne pourra trouver une solution durable que si le conflit congolais se règle pacifiquement, si le Rwanda retrouve la stabilité, et si la Tanzanie s’implique davantage à résoudre la question des centaines de milliers de réfugiés burundais qui se trouvent sur son territoire. Les camps de réfugiés burundais en Tanzanie constituent une excellente pépinière pour le recrutement des jeunes, mécontents de l’exil. Alors, Nelson Mandela sera-t-il assez génial pour résoudre ce problème?


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