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Gabon |
VIE SOCIALE
Avec le boom pétrolier des années 70, le Gabon s’est lancé
dans des investissements
lourds et non rentables à long terme.
Cette situation a entraîné non seulement
la fuite des capitaux
et l’enrichissement illicite de certains,
mais elle
a également creusé le fossé entre riches et pauvres
Le gouvernement vient enfin d’adopter une loi anti-corruption après que le procureur général de la République, Mme Pierrette Djouassa, eut plaidé en faveur d’une action plus ferme et concertée au sommet de l’Etat pour endiguer la corruption et l’impunité. C’est une première. «J’exhorte le gouvernement à élaborer une loi anti-corruption qui serait précédée d’une loi d’amnistie visant à faire table rase du passé (…)», avait-elle déclaré.
La corruption a atteint depuis plusieurs années les sommets du pouvoir. Bien que le phénomène soit mondial, l’arsenal juridique du Gabon ne disposait toujours pas d’une loi sanctionnant certaines formes de corruption. Aussi, dans la perspective de la “refondation” évoquée par le président Bongo, Mme Djouassa a suggéré le vote d’une loi d’amnistie pour les faits passés et d’une loi anti-corruption sans effets rétroactifs pour le futur. Pour le président de la Cour judiciaire, M. Antoine Nguema Essono, une telle œuvre devrait se fonder sur une justice crédible, indépendante et moins soumise aux pressions politiques.
Pour une justice transparente
Les juges considèrent que pour lutter efficacement contre la corruption, il faut une action d’envergure, dont l’efficacité reste tributaire de l’indépendance et de la transparence de la justice. Ils se sont insurgés publiquement contre la façon de traiter arbitrairement les justiciables. Il est en effet connu qu’il y a une justice à deux vitesses au Gabon et que ce sont les plus faibles qui encourent les foudres de la justice.
Après l’adoption par le Sénat de la loi contre l’enrichissement illicite, la première réaction vint du président du Conseil économique et social (CES), Maître Louis-Gaston Mayila. Il a estimé, à l’issue de la clôture de la première session extraordinaire de l’institution qu’il préside, «qu’il faut rendre applicable la loi sur l’enrichissement illicite, tout en modifiant certaines dispositions de celle-ci». M. Mayila espère que le fonctionnement de la commission de répression «sera à la hauteur des objectifs poursuivis». «Je me félicite de l’initative qui consiste à promouvoir notre arsenal juridique pour réprimer ce mal des temps modernes et ajouter encore plus de transparence à la gestion des deniers publics», a-t-il conclu.
Inflation, crise et détournements
Considéré comme l’un des pays les plus riches d’Afrique à cause de son PNB exceptionnellement élevé provenant du pétrole, le Gabon traverse une crise financière et économique sans précédent, qui touche principalement les populations démunies (la majorité). Malgré cela, les plus riches n’hésitent pas à faire étalage de leurs richesses obtenues frauduleusement. En l’absence d’une répression musclée, la corruption a gagné les ministères et les hautes sphères du pouvoir. Les détournements des deniers publics sont légion, et des nouveaux riches apparaissent, jeunes pour la plupart.
Avant la crise et la dévaluation du franc CFA, l’inflation restait acceptable. Mais pour la première fois, les dirigeants ont (maladroitement) reproché aux étrangers d’être trop nombreux au Gabon, de contrôler le tissu économique, d’être responsables de l’insécurité galopante et de l’immigration clandestine qui ont dépassé le seuil de tolérance.
«Pourtant, la mauvaise gestion de l’Etat a continué en 1999, malgré une mise en garde des institutions internationales sur le train de vie de l’Etat et une conjoncture déjà défavorable au cours des années précédentes», constate Michel Emane, haut fonctionnaire au ministère des Finances. Les stratégies d’investissement se sont soldées par des échecs qui ont entraîné une crise d’endettement.
En fait, la majorité de la population ne bénéficie pas des retombées du pétrole et près de 40% de celle-ci côtoient la misère et la pauvreté au quotidien. «Il est donc difficile aujourd’hui pour le pays de respecter le guide de la bonne gestion économique mondiale dictée par le Comité intérimaire du FMI», commente un économiste gabonais.
Halte à l’enrichissement illicite
Suite aux réflexions de M. Mayila, les conseillers économiques et sociaux ont attiré l’attention du gouvernement sur la nécessité «de revoir certains aspects de la loi sur l’enrichissement illicite pour la rendre applicable». Pour marquer sa volonté de lutter contre ces pratiques, le gouvernement a mis en place une Commission nationale de lutte, en même temps qu’une loi pour la répression de ce phénomène dans le pays. «Il est prévu que cette commission soit un organe supplétif de la police judiciaire, agissant de sa propre initiative ou sur plainte de toutes personnes intéressées», avait indiqué le ministre de la Justice, Pascal Désiré Missongo.
Comparativement aux autres pays africains où les affaires ont suscité l’émergence d’une forme de bourgeoisie capable de résister aux assauts des multinationales, deux voies sont sources d’enrichissement au Gabon: la politique et l’occupation d’un poste juteux dans l’administration publique. Les régies financières du ministère de l’Economie représentent de véritables mines convoitées par les uns et les autres. Il en est de même pour les directions de certaines administrations privées pour lesquelles l’Etat participe au capital. Il a fallu attendre plus de deux ans pour que soit adoptée la loi contre la corruption, en appoint des réformes engagées par les pouvoirs publics pour assainir les finances de l’Etat.
L’annulation des dettes
Frappé par la récession et contraint par les bailleurs de fonds à s’engager dans des plans d’ajustement structurel, le Gabon a, à plusieurs occasions, souhaité voir annuler sa dette. Le chef de l’Etat, Omar Bongo, avait d’ailleurs déclaré que «le Gabon prendrait ses responsabilités au cas où le G7 ne déciderait pas d’annuler la dette gabonaise au terme de leurs tractations (…)». Mais, «le Gabon s’est mis dans une telle situation qu’une équation quasiment insoluble pourrait se terminer très mal, tant les bailleurs de fonds sont “excédés” par les revirements de ce petit émirat (…)», souligne un économiste. C’est d’ailleurs dans un climat de méfiance que le Gabon “sauta” finalement la date limite du paiement de ses créances en 1998, ce qui avait amené les bailleurs de fonds à suspendre leurs décaissements.
L’inégale répartition des revenus du pays a créé des disparités irréversibles au sein de la population, tout en favorisant les détournements des deniers de l’Etat. Toutefois, l’assainissement des finances publiques se poursuit, même si certains responsables politiques sont peu convaincus que «la démocratie s’accommode et coexiste mal avec la pauvreté».
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