ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 415 - 01/07/2001

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Kenya
Le point sur la police


VIE SOCIALE


En 1998, la police du Kenya a fêté son centenaire, ce qui a permis aux citoyens ordinaires
de regarder de plus près ceux qui sont chargés de maintenir la loi et l’ordre dans le pays

Ce qui a surtout attiré l’attention du citoyen, c’est l’uniforme des policiers, qui a subi beaucoup de modifications au cours des années.

C’est en 1898 qu’a lieu le premier recrutement de policiers au sein de la “police tribale”. Leur uniforme: une étoffe de calicot rose. Drapée sur leur épaule gauche et nouée sur l’épaule droite, elle descendait jusqu’aux genoux. Ils n’avaient pas de chaussures. A l’occasion des cérémonies, ils s’entouraient la taille de cette étoffe et mettaient un pull-over bleu marine. Plus tard, cet uniforme se composa d’une chemise et d’un short kaki. Mais pas encore de chaussures. C’est en 1936 que la police tribale commença à porter des “akala”, une sorte de sandale faite avec des vieux pneus de voitures. En 1948, elles furent remplacées par des souliers en cuir et des bandes molletières. Comme coiffure ils portaient une sorte de capuchon, avec le numéro du policier sur le devant. Dans les années 1950, le kaki fut remplacé par des chemises blanches et des pull-overs verts. Les agents de la circulation, coiffés d’un casque en acier, dirigeaient la circulation aux ronds-points se tenant debout sur un fût ou une plate-forme en bois.

En 1961, seule l’unité des services généraux (GSU) portait de longs pantalons, les autres avaient des shorts. En 1963, les chemises blanches furent remplacées par des bleues et les shorts devinrent bruns. Le numéro de l’agent de police était épinglé sur sa chemise à hauteur de la poitrine. Le calot à pointe était aussi de couleur bleue. En 1976, les chemises devinrent brunes et les calots devinrent ronds avec une couronne à l’avant. Les femmes policières commencèrent aussi à porter des jupes. Avant cela, elles portaient des tenues flottantes. Le moral de la police se renforça en 1979, par l’introduction des pantalons longs. En 1985, la couleur des chemises redevint bleue pour les agents subalternes.

On a beaucoup écrit sur la corruption de la police, surtout sur les agents de la circulation. Il ne faut cependant pas généraliser. L’inspecteur Joel Kipkemboi Sang, par exemple, refuse constamment de se laisser soudoyer et n’a pas peur de dresser des contraventions aux conducteurs en faute. Bien que simple sergent, il a reçut en décembre 1995 la “décoration du chef de l’Etat” pour sa conduite exemplaire.

Situation de pauvreté

Plusieurs pensent que les policiers se laissent facilement soudoyer à cause de leur état de pauvreté. Le professeur Anyang’ Nyong’o, membre de l’opposition au Parlement, est convaincu qu’un policier avec une belle pension ne se laisserait pas corrompre si aisément... Le sergent Habel dit: «Après les déductions, il ne nous reste qu’un salaire dérisoire». Parmi ces “déductions”, il y a la contribution obligatoire à la “campagne pour la collecte de fonds” des officiers supérieurs. Une autre “déduction” est pour la cotisation du syndicat (même si, tout comme pour les autres fonctionnaires, il n’y a pas de syndicat de police). Certes, ils reçoivent une prime de risque. Mais, comme l’indique M. Joshua Orwa Ojode, membre du Parti pour le développement national (opposition), elle n’a jamais été ajustée depuis l’indépendance!

En 1997, les membres de l’unité anti-banditisme organisèrent une manifestation à Kitale (Rift Valley) pour protester contre leurs mauvaises conditions de travail. En décembre 2000, ce fut le tour des policiers subalternes de menacer de faire grève à cause de leur maigre salaire, leurs conditions de travail et les déductions illégales de leur paye. En réponse, le commissaire Philemon Abong’o déclara que la grève était contraire au règlement intérieur de la police, car elle pourrait entraîner de graves conséquences... Et d’ajouter que les policiers devraient être contents de leur paye, quand des milliers d’autres citoyens sont sans travail et sans espoir de gagner un tel salaire. «Nous devons nous débrouiller avec ce que nous recevons», dit-il.

Budget très limité

Le budget de la police ne représente pas grand-chose et, une fois déduites les rémunérations, il ne reste presque rien pour le problème du logement. A quelques exceptions près, les agents sont logés en surnombre dans des baraques en tôles. Il en résulte que certains quartiers de police sont infectés par des maladies contagieuses, comme la dysenterie.

Un ex-policier déclare: «Le problème du logement va de mal en pis. Quand j’étais dans la police, trois à quatre familles se partageaient une pièce divisée par des rideaux. Maintenant, je crains qu’il y ait encore plus de familles entassées dans une seule pièce». M. David Korir, un agent de la province de Nyanza, observe: «Dans la police, on a toujours habité dans une même pièce, et il n’y a pas grand-chose à faire pour y remédier. Beaucoup de ces situations déplorables proviennent de l’état délabré de l’économie de notre pays. Le gouvernement devrait prévoir des fonds ou chercher des bienfaiteurs pour mieux nous loger, ne fusse que pour boucher les trous».

L’équipement n’est pas beaucoup mieux. Les autos sont vétustes et essouflées, tandis que les criminels ont des voitures rapides et des armes de plus en plus sophistiquées. Conséquence: on déplore la mort de plusieurs policiers. «Et malgré les nombreux risques auxquels ils sont exposés, ajoute le Dr Willy Mutunga, directeur exécutif de la commission pour les droits de l’homme, les policiers ne sont pas assurés. Si donc un agent de police est tué au cours de son travail, la famille ne reçoit que des “clopinettes”».

L’avancement est une autre sale affaire. Un ex-agent de police m’a raconté qu’il avait découragé ses enfants de s’enrôler dans la police, parce que «tous les officiers supérieurs sont impliqués dans des affaires louches. Il y en a qui donnent jusqu’à dix mille shillings pour les soudoyer. D’autres, pour avoir de l’avancement, vont jusqu’à cacher des objets pour compromettre des innocents et font des arrestations arbitraires».

En mars 2000, M. Orwa Ojode a déposé une motion au Parlement pour améliorer les conditions de vie des policiers. Elle n’est toujours pas débattue. Un ex-inspecteur de la police résume ainsi les problèmes: «Les choses sont dans un piteux état. Malheureusement, peu de personnes sont au courant de ce qui se passe dans notre police».


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