ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 415 - 01/07/2001

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Malawi
L’allégement de la dette:
est-ce la  solution?


ECONOMIE


Depuis décembre 2000, le Malawi a reçu de la part des institutions et des pays donateurs un allégement substantiel de sa dette, des subventions et des prêts. Selon des analystes économiques, il n’est pas sûr que ces rentrées, qui ont marqué la fin d’une année d’assistance irrégulière, aideront à améliorer l’économie, à accroître l’exportation et à réduire la pauvreté.

Les deux principaux financiers du tiers monde, la Banque mondiale et le FMI, ont montré le chemin en annoncant, vers la mi-décembre, qu’ils donneraient $55 millions de crédit au Malawi pour des réformes économiques, et $58 millions pour des réformes de ses structures et de son économie.

Les deux institutions de Bretton Woods, par l’intermédiaire de leur branche de crédits à conditions avantageuses, l’Agence internationale de développement (IDA), ont aussi accepté d’accorder au Malawi une réduction de $1 milliard sur 20 ans, dans le cadre de l’initiative “Pays pauvres très endettés” (PPTE). Cette initiative tend à aider les pays pauvres à réduire leurs dettes colossales à ce qu’on appelle «un niveau viable». Selon la Banque mondiale, grâce à cette initiative PPTE, qui remplace le dur Programme d’ajustement structurel accru, le Malawi, pays enclavé, pourra économiser au cours des 20 années à venir quelque $50 millions par an, qu’il aurait dû payer pour rembourser ses dettes. Cela représente l’équivalent de 2,5% de son produit national brut (PNB).

Mais cette réduction ne va pas sans conditions. Les donateurs disent qu’ils accorderont au pays l’annulation de sa dette sous le régime PPTE, à condition que toute l’épargne soit directement investie dans la réduction de la pauvreté de la population. Dans son budget annuel, le Malawi devra prendre en compte la somme pour le remboursement de la dette, mais, au lieu de la payer à ses créanciers, il devra destiner cette somme à des programmes pour la réduction de la pauvreté.

Le Club de Paris des nations créancières, qui regroupe les autres donateurs du pays, a lui aussi reporté le remboursement de $19 millions de la dette bilatérale du Malawi, en offrant un délai de remboursement pour les six à seize années à venir. Thomas Gibson, représentant local du FMI au Malawi, dit que les difficultés rencontrées par le Malawi dans le service de ses dettes, montrent que le pays n’arrive pas à bien utiliser l’allégement de sa dette pour l’accroissement de ses exportations et de son économie.

Causes de la détérioration de l’économie

La Confédération des chambres de commerce et de l’industrie du Malawi (MCCI ) est l’organisme qui chapeaute le secteur privé du pays. Parmi les causes majeures de la détérioration de l’économie, le MMCI indique les contradictions et revirements au sein du gouvernement, qui ne tient pas compte des conseils des professionnels et est peu efficace.

Le président du MCCI, Jimmy Korela-Mpasa, met aussi en cause la faiblesse de l’opposition politique et le personnel trop nombreux dans les missions à l’étranger. En effet, pendant la campagne pour les élections législatives et présidentielles de 1999, les partis de l’opposition ont reproché au gouvernement de garder trop d’ambassades à l’étranger, alors que la plupart des pays développés réduisent les leurs.

Au sein du principal parti de l’opposition, le Congrès du Malawi (MCP), la querelle pour la présidence entre son président, Gwanda Chakwamba, et son adjoint, John Tembo, a ébranlé ce parti, autrefois très populaire, depuis la mort en 1997 de son premier président Hastings Kamuzu Banda. Le parti est maintenant divisé en deux factions qui s’opposent. Beaucoup d’observateurs disent que la faction loyale à Tembo sympathise avec le gouvernement et le parti au pouvoir, le Front démocratique uni (UDF), au Parlement et en dehors.

Koreia-Mpasa blâme aussi la lenteur et l’indulgence dans l’application de la loi; ce qui donne de faux signaux aux délinquants et les incite à profiter de la situation pour s’enrichir aux dépens des contribuables. «Tout cela donne l’impression que les Malawites n’ont pas l’air de savoir où ils vont. Cette situation ébranle la confiance des donateurs et des investisseurs», dit-il.

Le déclin de l’’industrie du tabac, qui dans les belles années contribuait pour plus de 85% aux revenus des devises étrangères, est aussi une cause majeure de la chute de l’économie du Malawi.

Lenteur des investissements

Le Malawi n’a pas réussi à attirer les investisseurs étrangers. La productivité dans les secteurs privés et publics a diminué, surtout à cause des taux d’intérêts exorbitants des banques. Le taux d’intérêt de la banque Centrale du Malawi est de 75%, le plus élevé dans toute cette partie de l’Afrique.

La plupart des compagnies multinationales ont diminué ou même arrêté leur production. Elles recourent maintenant à l’importation des produits fabriqués par leurs compagnies sœurs dans les pays voisins, pour les vendre sur le marché local. De ce fait, les compagnies locales sont mises à rude épreuve, et beaucoup ont dû licencier leurs ouvriers.

Selon un récent numéro du magazine The investor, une publication trimestrielle de l’Agence de promotion et d’investissement du Malawi, les importations du Malawi pour l’année 2000 sont estimées à $795,1 millions, alors que le pays n’a exporté des marchandises que pour $479,5 millions. Ses exportations les plus importantes sont le tabac, le thé, les arachides et le sucre; ses importations comportent surtout les produits pétroliers, le fer et l’acier, l’appareillage électrique et les machines.

Le Malawi dépense entre $100 et $120 millions chaque année pour le service de sa dette à des institutions comme la Banque mondiale, le FMI et la Banque africaine de développement, et à des pays, en particulier le Japon et la Grande-Bretagne, son ancien maître colonial. Avant l’allégement, la dette externe du pays s’élevait à environ $2,6 milliards.

Corruption et fraude

Une corruption et une fraude éhontées au sein du gouvernement ont aussi contribué au déclin de l’économie. L’an dernier, rien qu’au ministère de l’Education, le comité parlementaire pour les comptes publics a découvert une fraude de $2,3 millions. De hauts fonctionnaires des ministères de l’Education, des Travaux et du Transport, avaient mis en poche ou facilité des payements de millions de kwachas (la devise locale du Malawi) à des entrepreneurs pour la construction d’écoles fantômes. En novembre dernier, le président Bakili Muluzi a relevé de leurs fonctions le ministre des Transports et des Travaux publics, Brown Mpinganjira, le ministre de l’Education, Cassim Chilumpha, et le ministre du Travail et la Formation professionnelle, Peter Chupa. Selon le bureau anti-corruption, ils étaient impliqués dans ces escroqueries.

Bien que les diplomates aient fait l’éloge du président Muluzi pour son combat efficace contre le vice, des groupes pour les droits civils, des politiciens de l’opposition et d’autres organisations non gouvernementales pensent que le scandale n’est que la tête d’un iceberg. Ils ont demandé au gouvernement de soumettre tous les ministères à un examen attentif, en faisant appel à des commissaires aux comptes indépendants et de renforcer les rouages de la loi. Ils ont bien peur que l’épargne résultant de l’allégement de la dette ne se perde finalement dans cette corruption générale.

Mais peut-être que tout n’est pas encore perdu. L’actuel ministre des Finances et du Développement économique, Mathews Chikaonda, affirme: «Toutes les ressources venant de l’allégement de la dette seront réorientées vers la lutte contre la pauvreté. Je supplie tous les Malawites de travailler ensemble et de préparer des programmes qui aideront à réduire la pauvreté. Ce devrait être un effort collectif».


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