ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 417 - 01/09/2001

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Ouganda
Les eaux du Nil


RELATIONS  INTERNATIONALES

 L’Ouganda se méfie quelque peu des intentions de l’Egypte au sujet des eaux du Nil.

 Pour l’année financière en cours, l’Egypte a octroyé à l’Ouganda une somme de $13 millions destinée à améliorer l’écoulement des eaux du Nil à Kyoga, au centre de l’Ouganda. Mais le sous-secrétaire d’Etat ougandais pour les Terres, l’Eau et les Ressources minérales, Baguma Isoke, est plutôt méfiant. Car il a l’impression que le projet est destiné plus à augmenter la quantité d’eau arrivant en Egypte, qu’à préserver les Ougandais des inondations du Nil.

Le projet comporte la construction d’un nouveau canal et l’élargissement de celui déjà existant au lac Kyoga. Cela devrait éviter des inondations comme celles qui, en 1998, ont fait de nombreuses victimes, touché 13.000 personnes et détruit des biens pour une valeur de plusieurs millions de shillings. Mais le ministre Isoke craint que le projet n’ait des conséquences désastreuses pour toute la région de Teso à l’est de l’Ouganda. Il s’agit en effet d’assécher le lac Kyoga et les lacs qui l’alimentent, le réduisant ainsi à une rivière. De leur côté, les écologistes craignent sérieusement pour l’industrie de la pêche.

Les suspicions du gouvernement sont encore renforcées par la nouvelle que l’Egypte a entamé un énorme projet d’irrigation dans le désert occidental, qui amenera 5 milliards de mètres cubes d’eau pour irriguer plus de 200.000 ha. Mais d’où proviendront ces énormes quantités d’eau? Le gouvernement ougandais essaie de le comprendre. Henry Kagura, ministre des Terres et des Ressources minérales, a déclaré au Parlement que les eaux du Nil sont déjà trop sollicitées. L’Agence américaine pour le développement international (USAID), dans une de ses études, dit aussi qu’il y a actuellement un déficit d’eau de 30% dans la vallée du Nil.

L’Egypte consomme déjà un pourcentage élevé des eaux du Nil et bénéficie de 85% des droits sur l’eau, en vertu du traité de 1959 conclu avec le Soudan. La majeure partie de son approvisionnement en eau provient du Nil Bleu qui coule en Ethiopie. Le Nil Blanc est long de 5.584 km, le Nil Bleu seulement de 1.529.

A partir du lac Kyoga, le Nil Kyoga entre dans une série de rapides et de chutes avant d’arriver au lac Albert situé 410m plus bas. Son bassin s’étend sur 26.796km². Le don de $13 millions de l’Egypte pourrait apparaître comme la première réponse positive aux dégâts causés en Ouganda par les inondations provenant de l’élévation du niveau du lac Victoria. Lors de la première inondation en 1994, le niveau est monté jusqu’à 13m., le niveau normal étant de 11m. En 1998, il s’est élevé jusqu’à 12,5m à la suite des pluies provoquées par El Niño. L’Egypte a fait d’autres gestes de bonne volonté en construisant un parc industriel de $50 millions près de Kampala. Elle a aussi promis de construire un hôtel cinq étoiles au coeur de Kampala. Il est encore question d’une digue de $200 millions à Kalangala dans le district de Mukono.

L’influence égyptienne en Ouganda

L’Egypte donne l’impression de vouloir renforcer son influence commerciale en Ouganda. Muhammed Salar, jeune diplômé en agriculture à la mission égyptienne de Kampala, a reçu la mission de promouvoir énergiquement les intérêts commerciaux de l’Egypte, qui souhaite remplacer Israël dans l’installation des projets d’irrigation en Ouganda.

On peut y voir une nouvelle approche pragmatique de l’Egypte dans ses relations avec les pays riverains du Nil. Elle a même laissé entendre qu’elle serait prête à renoncer au contrôle virtuel des droits hydrauliques. La question est “pourquoi?” Cette nouvelle attitude est née d’impératifs économiques, politiques et écologiques, et de la conviction que peu à peu, avoir le monopole sur les droits hydrauliques devient intenable. L’Egypte pourrait opter pour une coopération plus étroite avec des pays africains pour ses propres besoins économiques, et elle comprend qu’il faut agir avant que quelqu’un d’autre ne prenne l’initiative. Elle craint que l’Afrique du Sud n’arrive à dominer des régions entières de l’Afrique.

L’Egypte continue à avoir une influence politique. Son engagement dans les efforts de paix en Somalie, son offre jointe à celle de la Libye de travailler à la réconciliation de l’Ouganda et du Soudan en sont l’exemple.

Pourtant, l’Egypte souffre toujours d’une crise de confiance. Elle a été longtemps soupçonnée de fomenter des troubles dans les pays de la vallée du Nil, opinion toujours vivace en Ethiopie d’où provient la majeure partie des eaux du Nil. L’Ethiopie, qui se relève de la guerre civile, affirme qu’elle n’est pas liée par l’accord conclu en 1959 entre la Grande-Bretagne et l’Egypte au sujet du partage des eaux du Nil. L’Ethiopie refuse de reconnaître les droits de l’Egypte sur l’eau. Le soutien accordé par l’Egypte à des groupes rebelles en Ethiopie, au Soudan et en Somalie reste toujours gravé dans la mémoire des gouvernements concernés. Le gouvernement d’Addis-Abeba garde l’idée que l’Egypte se trouvait derrière la partition de l’Ethiopie en Ethiopie-Erythrée. Le Soudan n’a pas oublié que l’Egypte garde toujours certains contacts avec le SPLA.

L’Ouganda se souvient encore de l’époque où les Egyptiens fournissaient du matériel de guerre au gouvernement Lutwa assiégé, qui a précédé le régime de Museveni. Les liens entre le Soudan et l’Ouganda ne sont pas étroits, en partie parce que l’Ouganda soutient toujours le SPLA – qui n’a pas encore abandonné l’idée de diviser le Soudan. Lorsque l’Egypte a renoué les liens avec le Rwanda au plus fort d’un violent conflit avec l’Ouganda en 2000, les Ougandais sont restés très attentifs à ce qui se passait, se souvenant que l’Egypte était fort proche du régime Habyarimana.

Préoccupations internationales

Au niveau international, on est de plus en plus soucieux de voir se résoudre le problème du Nil. La Banque mondiale, les Nations unies, de nombreux pays occidentaux soutiennent des projets pour organiser un développement économique du fleuve. Le plus important est la création de l’infrastructure et du cadre nécessaires. On installe les quartiers généraux de l’organisation du Bassin du Nil. Et l’Italie met $5 millions à disposition pour la construction d’un quartier général régional en Ouganda.

Les huit pays riverains se sont mis d’accord pour s’organiser en deux groupes: l’Egypte, l’Ethiopie et le Soudan d’une part, l’Ouganda, le Congo RDC, le Kenya, le Rwanda et la Tanzanie d’autre part. Ces pays commencent à être sensibles à ce que disait récemment le ministre Henry Kajura: «Le Nil est un don de Dieu qu’aucun pays ne peut monopoliser».

Enfin, il y a l’environnement. Les pays intéressés ont-ils la volonté de résoudre les problèmes environnementaux pour que les eaux du Nil soient propres et saines? Les pays est-africains mettent en oeuvre le projet environnemental du lac Victoria qui coûte $27 millions et a pour but de garder les eaux propres. L’Ouganda insiste aussi pour que les pays qui polluent les eaux paient une juste compensation.

L’Egypte n’a pas d’alternative; elle doit prêter la main à toutes les initiatives proposées si elle veut garder son influence dans les Etats riverains.


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