ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 418 - 15/09/2001

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Congo-Brazzaville
La réinsertion des ex-miliciens


PAIX

Que deviendront les milliers de jeunes qui ont combattu pendant les différentes guerres civiles? L’Organisation internationale des migrations tente d’y apporter une réponse
à travers un programme de réinsertion des ex-combattants et de ramassage des armes.

Avenue de la Mfoa, en face de la Radio Congo. Une foule de jeunes parcourt les listes affichées sur un tableau, juste devant l’entrée d’une parcelle. Certains sont des candidats convoqués pour percevoir de l’argent. Ceux qui en ont déjà reçu ne cachent pas leur joie. «L’ONU nous apporte une aide si précieuse. Personnellement, je ne m’y attendais pas et je commençais à désespérer», confie ce jeune homme, un ex-Ninja, milice de l’ancien Premier ministre de Pascal Lissouba.

Ici, c’est le bureau de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), antenne de Brazzaville. Une agence d’exécution du programme de réinsertion des ex-combattants et de ramassage d’armes de guerre, financé par le PNUD. Objectif principal: «Aider les ex-miliciens dans leurs efforts de réinsertion dans la vie civile, de restauration de la paix et de reconstruction d’une vie normale qui soit économiquement et socialement durable».

En octobre dernier, cette agence avait annoncé qu’elle était en train d’examiner des micro-projets avec plus de 1.000 nouveaux ex-combattants comme bénéficiaires. Elle espérait les approuver avant la fin de l’année 2000. A ce jour, plus de 600 micro-projets ont été déjà financés pour un montant global de 800.000 dollars, et plus de 14.000 armes légères ont été ramassées. Après une décennie d’affrontements armés entre milices rivales, le bilan des dégâts matériels est estimé à 1.000 milliards de fcfa et le nombre des pertes en vies humaines reste encore inconnu. De nombreuses questions se posent sur l’avenir des milliers de jeunes qui ont fait partie des différentes milices privées des partis politiques. Il a fallu attendre les accords de cessez-le-feu, signés fin 1999, pour que l’ONU s’engage sur la question de la réinsertion des ex-combattants. Ce programme amorcé depuis quelques mois est une véritable planche de salut pour ces jeunes confrontés au chômage et à l’incertitude. Leur nombre est estimé entre 15.000 et 30.000.

Un groupe test

Dans un premier temps, l’OIM a choisi un groupe test de 50 ex-miliciens, indiqués par le ministère de l’Intérieur. Il s’agissait essentiellement de Cobras, Ninjas et Cocoyes, partisans respectivement de Sassou Nguesso (actuel président), de Bernard Kolelas (ex-maire de Brazzaville) et de Pascal Lissouba (ex-président). Le programme aide les ex-combattants à trouver un emploi, à créer par eux-mêmes, et les appuie par une formation spécifique. Ainsi, les miliciens qui ont servi de cobayes à cette expérience ont perçu chacun une somme allant de 100.000 à 250.000 fcfa, selon la taille de l’activité choisie par la personne.

Le petit commerce des produits alimentaires est l’activité vers laquelle la plupart des jeunes démobilisés se tournent. C’est le cas d’Alphonse Milongo, ex-Ninja. Il exerce son commerce à Kinésie, à Bacongo, quartier sud de Brazzaville. «J’ai perçu 350.000 fcfa en deux tranches. C’est ce qui m’a permis de lancer ce kiosque. Je vis maintenant bien avec ma famille. Seulement je dois bien travailler pour épargner un peu de sous. Je ne me laisserai plus tromper si un homme politique vient me donner une arme pour faire la guerre».

Même sentiment chez Clément Miekassani, un Cobra: «Ce que j’ai perçu est encore insuffisant. Mais cela m’a aidé à redémarrer mon activité de menuiserie. Mon souhait n’est plus de faire la guerre contre mes propres frères». D’autres ex-combattants par contre s’intéressent à des activités agricoles notamment le maraîchage ou l’agroalimentaire. Balou Mahoukou, est l’un d’eux. Il a monté une pâtisserie artisanale avec quatre autres camarades. Ils ont reçu 1 million de fcfa pour démarrer l’activité. En contrepartie, il avait remis 5 kalachnikovs et des grenades.

Et l’avenir?

Le coût total de ce délicat programme s’élève à 5.500.000 dollars, financé par le PNUD, la Norvège, les Etats-Unis et la Suède. D’autres donateurs se sont prononcés en faveur de ce projet et sont prêts à le financer, notamment l’Union européenne. Outre des projets privés, l’OIM, avec les autorités congolaises, entend négocier avec des entreprises pour appuyer l’emploi temporaire de ces jeunes. Cela permettra sans doute à ces entreprises, qui traversent des difficultés financières énormes, de bénéficier d’un renforcement de leurs capitaux. «A la longue, espère Maximo Halty, gestionnaire du projet, ces entreprises pourront prendre ces jeunes démobilisés comme travailleurs permanents».

Certains observateurs se montrent cependant sceptiques devant cette initiative. Ils mettent en doute la capacité de ces jeunes à bien gérer l’argent qu’on leur donne. «Ce n’est pas mauvais de bâtir dans l’urgence des plans d’insertion professionnelle pour des milliers d’ex-miliciens. Mais je crois que la plupart d’entre eux ne sont pas réellement motivés par le travail productif», explique un responsable d’une ONG. Ils pensent qu’il serait plus sérieux de prendre en considération les acteurs économiques, jeunes ou non, qui essaient de relever les ruines de leurs ateliers saccagés pendant les guerres et s’efforcent avec les moyens du bord de relancer leur activité.

Gaston Bazengamio écrit dans l’hebdomadaire catholique La Semaine africaine: «A quelle économie espère-t-on intéresser les ex-miliciens, si les véritables acteurs économiques ne sont pas pris en considération et sérieusement associés à de véritables programmes de relance?».

Toutefois, Jean Bandelie, représentant du PNUD au Congo, estime que «tout ceci sert à faciliter la période de transition au Congo». Le projet devait démarrer également dans les régions congolaises du sud touchées par la guerre.


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