ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 418 - 15/09/2001

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Madagascar
Les produits malgaches 
à l’assaut du marché américain


ECONOMIE

Madagascar fait partie de la première fournée de pays éligibles à
l’
African growth and opportunity act (AGOA), la loi américaine plus connue sous le nom d’Africa Bill
Mais le plus gros du travail reste à faire pour profiter pleinement des avantages de cette loi.

Le gouvernement américain a récemment publié la liste des 34 pays africains(1) bénéficiaires de l’AGOA, dont Madagascar. Cette loi américaine (en vigueur depuis le 1er octobre 2000) vise la création de nouvelles opportunités économiques entre les 48 pays de l’Afrique subsaharienne, les pays des Caraïbes et les Etats-Unis.

Pour le moment, les opérateurs dans le secteur textile, notamment les entreprises franches, sont les plus intéressés. «Avec l’AGOA, Madagascar envisage d’exporter sur le marché américain la valeur de 1 milliard FF de produits textiles en 5 ans», lance Bruno de Foucault, président du Groupement des entreprises franches et partenaires (GEFP) de Madagascar, lors de l’annonce officielle de la qualification de Madagascar. Il pense que cet objectif est réaliste. Mais depuis plusieurs mois, les entreprises textiles franches refusent des commandes, faute de capacité de production suffisante.

C’est d’ailleurs dans ce sens que l’ambassadeur des Etats-Unis à Madagascar, Shirley Barnes, note que la qualification est le commencement d’un chemin très difficile parce qu’il faudra mettre en place les moyens pour bénéficier pleinement de l’AGOA. L’amélioration des services des douanes, de la lutte anti-corruption, de l’assainissement judiciaire et l’investissement sont, entre autres, les points clés de cette stratégie, d’autant qu’ils ont fait partie des critères d’éligibilité.

Particulièrement pour l’investissement, le GEFP révèle que d’ores et déjà, des grands groupes internationaux s’intéressent à Madagascar. Un d’entre eux pourrait créer 10.000 emplois sur 5 ans. La promotion de l’investissement entre en effet dans la 2ème étape de la qualification et le ministère malgache de l’Industrialisation estime qu’il faut attirer les investisseurs tant étrangers que locaux. Il évoque également les améliorations à apporter aux droits de travail et à l’économie de marché, des domaines faisant partie des critères d’éligibilité et pour lesquels les pays doivent fournir des efforts.

Cette qualification de Madagascar donne beaucoup d’espoir dans la lutte contre la pauvreté. La zone franche textile compte en effet doubler le nombre d’emplois générés par le secteur d’ici 5 ans, soit 70.000 emplois de plus, dont 50.000 directs et 20.000 induits. «C’est peut-être démesuré, mais les importations américaines en produits textiles sont de 1 milliard de francs français, et il faut que l’entreprise franche malgache suive», déclare Bruno de Foucault.

Coordonner les efforts

Deux mille articles sont sélectionnés pour l’exportation sans quota dans le cadre de l’AGOA. Mais pour atteindre le marché américain, le président du GEFP remarque que le pire serait d’y aller d’une manière désordonnée. C’est dans ce sens que le secteur privé et l’administration ont dégagé une stratégie consacrée à des produits ciblés, c’est-à-dire là où la zone franche malgache a déjà réalisé des bonnes performances ces six dernières années.

A ses débuts, en effet, le secteur a travaillé uniquement pour des clients comme Monoprix, Auchan, Kiabo, bref pour des produits de base. Actuellement, il travaille pour des marques prestigieuses et d’importants clients européens et américains, comme GAP et MUST.

D’ailleurs, des responsables de GAP sont passés récemment à Madagascar et un séminaire les a réuni avec les acteurs du secteur de la zone franche. «Les entreprises franches ont investi dans la qualité et les produits à valeur ajoutée. Les clients européens s’adressent déjà à Madagascar pour des produits de qualité et à forte valeur ajoutée, et Madagascar prend même une part de marché du Maroc», explique Bruno de Foucault.

L’AGOA est prévue pour 8 ans. Les pays éligibles, dont le PIB est inférieur ou égal à 1.500 dollars par habitant par an, peuvent importer des matières premières en provenance de n’importe quel pays pendant 4 ans. Pour les 4 années restant, ils devront importer ces matières des Etats-Unis ou des autres pays éligibles. En d’autres termes, les Etats-Unis incitent les pays bénéficiaires de cette loi à investir dans la production et l’industrialisation en vue de disposer des matières premières nécessaires. «Nous aurons donc 4 ans pour verticaliser la filière textile en appelant des investisseurs pour mettre en place des unités industrielles, car Madagascar produit déjà du coton», espère Bruno de Foucault. Pour la première année, le volume de produits textiles entrant dans l’AGOA est de 15 fois la production des unités franches textiles à Madagascar.

Esclavagisme moderne?

Mais le secteur se heurte à des contraintes, notamment au manque de ressources humaines. A travers son centre de formation, le GEFP encourage les jeunes diplômés à faire carrière dans la zone franche.

Les entreprises franches essaient aussi de se débarrasser de leur mauvaise image auprès du public, surtout celles du secteur textile, accusées “d’esclavagisme moderne”.

Les femmes y constituent la grosse partie des travailleurs et les conditions de travail sont très dures. Les heures supplémentaires étant la plupart du temps obligatoires, un bon nombre de femmes y travaillent jusqu’à 14-16 heures par jour.

Malgré le rythme très soutenu et une masse de travail colossale, le salaire est dérisoire. Le salaire minimum est fixé à 170 FF par mois, le salaire moyen tourne autour de 250-300 FF, c’est-à-dire une misère. «Ce sont des esclavagistes qui profitent de la pauvreté des Malgaches», accusent les travailleurs, «et, comme ce sont nos gouvernants qui les attirent en faisant miroiter en premier lieu une main-d’œuvre bon marché, nous ne pouvons que subir».

«Nous sommes obligés de procéder ainsi», se défendent les employeurs. «Devant les exigences de nos clients, il faut respecter le délai. Et quant aux salaires, nous payons mieux que le secteur informel. En plus, nous avons quand même créé près de 70.000 emplois directs en moins d’une dizaine d’années, et la majorité des entreprises franches respectent les lois en vigueur».

Et ils ajoutent: «Les accusations dans la presse sur les mauvaises conditions de travail de nos employés ont des effets néfastes sur nos activités. Les clients sont très exigeants, non seulement sur la qualité mais aussi sur la condition de fabrication des produits. Un produit de qualité supérieure, mais fabriqué dans des conditions inhumaines, ne trouvera pas preneur. Il sera boycotté. Les marques soignent leur image de marque et les Américains sont parmi les plus exigeants dans ce domaine».


(1) Les pays éligibles: Bénin, Botswana, Cap Vert, Cameroun, République centrafricaine, Tchad, République du Congo (Brazza), Djibouti, Erythrée, Ethiopie, Gabon, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Kenya, Lesotho, Madagascar, Malawi, Mali, Mauritanie, Maurice, Mozambique, Namibie, Niger, Nigeria, Rwanda, Sao Tome et Principe, Sénégal, Seychelles, Sierra Leone, Afrique du Sud, Tanzanie, Ouganda, Zambie.


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