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ACTION SOCIALE
Les ouvriers de Port-Gentil s’insurgent contre le chômage et la pauvreté
Les chômeurs de la ville de Port-Gentil, capitale économique du Gabon, excédés par les promesses non tenues par les autorités politiques de résorber le chômage, ont récemment érigé des barricades à travers la ville pour protester contre la montée du chômage et de la pauvreté. De plus en plus de familles y sont confrontées, face à l’indifférence des autorités censées relancer l’activité économique dans une ville qui procure l’essentiel de la richesse du pays, grâce à son pétrole.Soutenus par leurs familles, les chômeurs ont transformé la manifestation en émeute contre les forces de l’ordre, dont l’intervention a ouvert la voie aux débordements.
Une ville économique oubliée
La mauvaise répartition de la manne pétrolière et le train de vie du gouvernement, jugé excessif, ont ouvert la voie à l’enrichissement illicite. La situation est fortement ressentie par les populations à revenus modestes. Malgré la volonté du gouvernement d’assainir les finances publiques et de créer de nouveaux emplois, la pauvreté et le chômage continuent de gagner les familles de Port-Gentil et des autres villes du pays.
Une quarantaine de compagnies, dont une douzaine d’opératrices, se partagent le domaine minier gabonais. Les deux principales sociétés pétrolières, Elf Gabon et Shell Gabon, ont suspendu depuis plusieurs mois leurs campagnes d’exploration jugées trop coûteuses. Dans les années 1970, l’économie gabonaise avait été dominée par les activités forestières, avant que le pétrole ne prenne le relais et accroisse les revenus de l’Etat. En même temps s’est amorcé un exode rural important vers les grandes villes, dont Port-Gentil, et l’afflux des ouvriers étrangers vers le secteur pétrolier.
Un paradoxe demeure: l’Etat n’a pas assez investi dans la ville pétrolière durant une quarantaine d’années, privant ainsi une population des retombées du pétrole et de l’opportunité d’un nouveau départ. Or, les réserves de l’or noir s’épuisent.
En même temps, sur le plan national, de profonds déséquilibres ont été engendrés par la dégradation de l’économie, qui s’est manifestée pleinement après le contre-choc pétrolier. L’agitation sociale avait déjà gagné la ville de Port-Gentil en 1990, et depuis, par l’inertie des dirigeants et en l’absence d’une politique ambitieuse, la relance n’a toujours pas eu lieu, malgré les grèves répétées. De plus, la vie est très chère à Port-Gentil comparée à celle de toutes les autres métropoles de la zone franc.
Le goût amer d’un échec électoral
Il faut rappeler que, lors de l’élection présidentielle de 1998, la province de Port-Gentil infligea une défaite déroutante au parti du candidat Omar Bongo. Amère, l’équipe au pouvoir se préoccuperait peu des problèmes de cette ville cosmopolite, de création française, avec quelque 85.000 habitants et gouvernée par le Parti gabonais du progrès, l’un des principaux partis de l’opposition bien ancrée dans la région.
La mauvaise gestion financière, l’affectation non transparente des ressources pétrolières, la non-application des mesures souhaitées par les bailleurs de fonds et la répartition inégale des revenus du pays ont créé des poches de pauvreté, l’inflation et la marginalisation d’une grande partie de la population dans le pays et notamment à Port-Gentil.
«Les chômeurs ont voulu exprimer leur ras-le-bol à l’égard d’une politique gouvernementale léthargique, malgré des promesses (non tenues) des autorités pour améliorer la situation sociale des jeunes chômeurs», déclare Véronique Laoui, assistante sociale. «Il est inconcevable qu’une ville qui produit d’importants revenus pétroliers, suffisants pour les besoins d’un petit pays, soit livrée à elle-même depuis des années et que la situation sociale se soit dégradée aussi rapidement dans l’indifférence totale (…)», commente Sylvain Mboumba, le porte-parole des chômeurs.
Morosité
Dans la capitale économique, les activités hors pétrole s’enlisent également dans la morosité, notamment pour les entreprises privées dont les activités gravitent autour des retombées de l’activité pétrolière. Le chômage toucherait près de 25% des chefs de ménage de Port-Gentil, alors qu’à Libreville, la capitale, il atteint 15%. Les Gabonais, qui étaient habitués à trouver des emplois “taillés sur mesure” dans l’administration, sont pratiquement absents du secteur privé dominé par une forte proportion de personnes originaires d’Afrique de l’Ouest.
Pourtant, Port-Gentil regroupe de nombreuses sociétés, spécialisées surtout dans le bois et les services para-pétroliers. Parmi les principales compagnies implantées sur cette presqu’île, à part Elf Gabon et Shell Gabon, on peut citer: la Société gabonaise de raffinage (SOGARA ), dont l’important terminal pétrolier, situé en eaux profondes (-15m), voit transiter 64% de la production pétrolière du pays, soit 12,7 millions de tonnes en 2000; la Compagnie forestière du Gabon (CFG) productrice du meilleur contre-plaqué du monde grâce à l’Okoumé, dont le Gabon est le premier producteur mondial; la Société équatoriale de bois (SEB), et d’autres compagnies forestières plus modestes mais qui rythment aujourd’hui fort paisiblement la vie économique de cette localité.
Depuis le déplacement des sièges de certaines compagnies pétrolières de Port-Gentil, comme Shell Gabon qui s’est déplacée à Gamba dans le même département, le chômage a grimpé à Port-Gentil à la suite des licenciements et des restrictions du personnel, paralysant ainsi les principales activités de la ville. Récemment, le groupe Total-Elf avait été soupçonné d’avoir levé le pied dans l’exploration pétrolière au Gabon — au profit de ses méga-gisements angolais, congolais et nigérians. Le groupe TotalFinaElf tente toutefois de découvrir encore un peu d’huile en eaux très profondes.
C’est la crise économique, frappant la ville pétrolière depuis 1996, qui est à l’origine des troubles de Port-Gentil. La baisse des réserves de pétrole a entraîné un ralentissement de la prospection et une baisse de la production pétrolière. De 18 millions de tonnes en 1996, on est passé à 14 millions de tonnes aujourd’hui. Cette déprime a contraint Elf Gabon et Shell Gabon à un réajustement de leur politique. Les organisations non gouvernementales reprochent au gouvernement de n’avoir pas prévu la dégradation de la situation à Port-Gentil.
Devant la montée de la violence, le président Bongo a été contraint de recevoir une délégation du conseil communal de Port-Gentil, conduite par son député-maire Pierre-Louis Agondjo. Le chef de l’Etat a donné des instructions pour qu’une délégation ministérielle se rende à Port-Gentil «rencontrer les représentants des jeunes chômeurs et les autorités locales, afin d’examiner les conditions de mise en œuvre dans les meilleurs délais par le gouvernement d’actions liées au développement de la commune et génératrices d’emplois». «Tout en comprenant les revendications des jeunes chômeurs, le chef de l’Etat a prôné l’apaisement et a invité toutes les communautés résidant dans la commune de Port-Gentil à observer le calme», rapportait un communiqué de presse de la présidence de la République.
Port-Gentil est une ville cosmopolite, où vivent plusieurs communautés locales et étrangères. Elle demeure célèbre pour ses soulèvements qui avaient plongé le pays tout entier dans la violence, en 1991, à la suite de l’assassinat par le pouvoir de Joseph Redjambé Issani, un des leaders de l’opposition, issu du Parti gabonais du progrès.
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