ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 420 - 15/10/2001

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Congo-Brazza
Bras de fer entre l’Etat et les internautes


MEDIAS

Le Congo s’est doté d’un site Internet officiel.
Mais l’Etat mène la vie dure aux cybercafés privés.

A Brazzaville, les commerçants qui offrent des prestations Internet (cybercafés) passent des moments difficiles. L’Etat congolais, par le biais de l’Office national des postes et télécommunications (ONPT), leur mène la vie dure, alors que le Congo accuse un retard monstrueux dans les Nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC).

Depuis l’an dernier en effet, une commission a été instituée pour mettre au point des nouvelles procédures «inconnues auparavant des professionnels du secteur des NTIC». Cette commission a convoqué quelques entreprises qui tiennent des cybercafés, grâce à leur connexion avec la société Raga de Kinshasa, le voisin d’en face. C’est précisément leur seul crime, retenu par la commission, celui d’accéder à Internet par Kinshasa. Un article de loi de cette commission stipule: «Sera puni d’une peine d’emprisonnement d’un mois à deux ans et d’une amende de 1 à 500 millions de Fcfa (1000 Fcfa=1,52 euros), quiconque aura établi ou fait établir, exploité ou fait exploiter sans autorisation préalable, un réseau ouvert au public ou l’aura maintenu en violation d’une décision de retrait de cette autorisation».

Du côté des internautes, qui veulent créer une association, on crie à l’injustice. D’autant que cette commission, composée de fonctionnaires de l’Etat, ne maîtrise pas les aspects pratiques des technologies Internet. «Elle s’oriente vers une approche de sanctions démesurées, en négligeant les vrais enjeux de développement du secteur Internet au Congo», se plaignent les internautes congolais dans une lettre ouverte adressée aux autorités de l’ONPT, publiée dans le journal “La Semaine Africaine”.

Certaines maisons qui offrent des services Internet, mais qui manquent de gros moyens financiers et de relations fiables, ont reçu des amendes de 12 millions de Fcfa. Incapables de payer, beaucoup ont simplement fermé boutique ou supprimé leurs prestations. Or, Internet est un secteur émergeant qui doit être considéré comme une opportunité pour impulser, sinon stimuler un réel développement du pays. Mais dans le projet de loi sur la liberté de l’information, initié par le ministre de la Communication, on tend à mettre en place une autorité des autoroutes de l’information. «Quelle rôle jouera-t-elle dans ce secteur? Va-t-elle s’ingérer dans des contenus diffusés sur Internet par les nationaux?», s’interroge la lettre ouverte. Elle souligne que les entreprises qui offrent l’Internet à Brazzaville à partir du noeud de Raga, fonctionnaient bien avant que l’ONPT n’installe son noeud.

Un gros retard

Le Congo accuse un grand retard dans le secteur. C’est seulement le 17 octobre 1999 que le Congo s’est doté d’un noeud Internet, d’une capacité de 64 KO, installé à Brazzaville. De nombreuses difficultés de connexion découragent les 200 abonnés (jusqu’en novembre 2000) de Congonet. Et l’ONPT n’a réservé que 16 connexions simultanées dans ces circuits (commutateurs). Ce qui a poussé certaines entreprises à contourner ces difficultés en s’abonnant chez Raganet (Kinshasa).

Plus cruciaux sont les tarifs d’abonnement appliqués par Congonet. Ils sont très mal adaptés et n’incitent pas à s’abonner. Plutôt que de fixer les tarifs en fonction du débit ou du temps de connexion, l’ONPT distingue l’identité du futur abonné: 49.000 Fcfa par mois pour un particulier, 90.000 Fcfa pour une petite ou moyenne entreprise et 180.000 Fcfa pour une grande entreprise. A ces tarifs s’ajoute le prix des communications téléphoniques. «Les offres les plus chères d’Afrique noire», dénonce un cybernaute.

Plusieurs facteurs expliquent le retard du Congo. Le pays n’a pas songé à former à temps des techniciens dans ce domaine. D’autres obstacles maintiendront encore longtemps ce retard. Des produits essentiels à l’Internet sont un luxe. C’est le cas du téléphone. Depuis des décennies, on n’arrive pas à assurer cet outil à un large public. Son installation coûte cher: il faut souscrire un abonnement de 80.000 Fcfa. Et il faut patienter plusieurs mois avant de l’obtenir, si on n’a pas corrompu des agents de l’ONPT. Pendant les guerres de 1997 et de 1998, 80% du réseau téléphonique ont été détruits. Une partie seulement a été réhabilitée.

De même pour l’électricité, qui reste un mythe pour la plupart des Congolais. Certaines maisons n’ont pu l’avoir que grâce à la guerre. Ils ont fait des installations pirates, en volant le courant chez des voisins. Quant à l’ordinateur, il coûte trop cher. De plus, cet outil intrigue encore les personnes d’un certain âge. «Je suis comptable. Mais jusqu’ici je travaille avec le crayon et la gomme. Je n’ai pas accès à l’informatique. Ceux de ma génération ont peur de l’écran», explique un comptable, la cinquantaine passée.

Quelques téméraires

En attendant la grande révolution d’Internet au Congo, des commerçants assez téméraires tentent de sortir le pays du retard, malgré les difficultés et les embûches. Ils font de la messagerie électronique et offrent au public l’essentiel des services Internet: messagerie, navigation sur le web, recherche d’informations… Les prix varient d’un cybercafé à un autre. 1.500 à 2.000 Fcfa l’envoi d’un message e-mail; la réception revient entre 500 et 600 Fcfa. La navigation coûte généralement 1.500 Fcfa la demi-heure. Ces tarifs sont deux à trois fois plus élevés à Pointe-Noire.

Les grands consommateurs des NTIC sont des étudiants, des professeurs d’université, des journalistes correspondants de presse. Presque pas de femmes. Tous se plaignent du coût trop élevé des services Internet. Par ailleurs, depuis septembre 2000, le Congo s’est doté d’un site officiel lancé par la présidence de la République: www.congo-site.com. Jusque-là on se contentait des sites ouverts par des opposants congolais en exil.


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