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Ghana |
VIE SOCIALE
Le gouvernement encourage la participation du secteur privé dans la distribution de l’eau
En 2003, le Ghana va s’embarquer dans la participation du secteur privé (PSP) dans le domaine de l’eau de ville, ce qui n’a pas l’air de plaire beaucoup à plusieurs groupes concernés. Ce programme a causé des réactions violentes de la part de la société civile et d’autres instances engagées dans l’industrie de l’eau. Déjà le parti de l’opposition, la Convention populaire, à tendances socialistes, a réagi contre cette proposition, disant qu’elle est «odieuse pour le peuple».
Yaw Manu, consultant écologiste, se demande pourquoi le gouvernement veut se lancer dans cette privatisation. «Pourquoi voulons-nous privatiser ou demander une participation privée dans l’industrie de la distribution de l’eau?». Pour lui, la distribution de l’eau est un service social que le gouvernement ne peut pas ignorer. S’il pense qu’il pourra ainsi améliorer le rendement du secteur, il se trompe.
«Il y a beaucoup d’autres points qu’il faut prendre en considération», dit Manu. «La distribution de l’eau ne concerne pas seulement la Compagnie des eaux. D’autres institutions ont leur mot à dire, tels que les bureaux de planification urbaine et rurale. J’ai peine à croire qu’un candidat investisseur pourrait s’intéresser à investir dans le réseau compliqué de la distribution de l’eau que nous avons créé dans le pays, surtout à Accra. Et il ne s’agit pas seulement de la distribution de l’eau, mais aussi de la gestion des eaux usées».
Au début de cette année, ISODEC , une ONG active dans le secteur de l’eau et du sanitaire, a organisé plusieurs ateliers et forums publics, pour expliquer aux gens pourquoi elle s’oppose à la politique du gouvernement d’introduire la PSP dans le secteur de l’eau de ville. Selon ISODEC , impliquer le secteur privé dans la production et la distribution de l’eau pourrait faire augmenter le prix de l’eau et la mettre hors de portée des Ghanéens déjà si appauvris. ISODEC maintient sa position et a juré de gagner le support du public pour forcer le gouvernement à abandonner son programme. En plus, dit l’ONG, toute initiative de privatisation menace de donner à des multinationales étrangères l’occasion de contrôler le secteur de l’eau du Ghana.
En effet, la plupart des gens se demandent ce qui a bien pu pousser le gouvernement à vouloir privatiser l’industrie de l’eau. Ils craignent que si ce secteur tombe entre les mains du secteur privé, ils devront payer plus pour un service qui n’est déjà pas très performant. Dans certains quartiers d’Accra, l’eau n’arrive que la nuit. Ailleurs, elle ne coule qu’une fois par semaine. Les interruptions sont très fréquentes dans les grandes villes. L’image est encore plus sombre dans les communautés rurales, où la distribution insuffisante d’eau propre ou son absence totale a causé l’infection par le ver de Guinée et d’autres maladies propagées par l’eau.
Des craintes injustifiées
Pour Kwamena Bartels, ministre responsable du secteur de l’eau, ces craintes sont injustifiées. La production et la distribution de l’eau ne passeront pas entièrement entre les mains de firmes privées. Ce que le gouvernement veut faire, c’est forger un partenariat avec le secteur privé pour la distribution de l’eau dans les villes.
Bartels qualifie les critiques de l’ISODEC de «demi-vérités» et de «fallacieuses», quand elles prétendent que la privatisation implique la vente du secteur à des privés, qui l’exploiteront et fixeront leurs propres prix, sans surveillance et sans règles. «Ce n’est pas le cas. La PSP est orientée vers la construction de relations contractuelles entre la Compagnie de l’eau du Ghana (GWCL), appartenant à l’Etat, et une compagnie privée». Pour le moment, neuf compagnies sont sur la liste des candidats présélectionnés pour devenir les partenaires éventuels de la GWCL.
Le gouvernement veut s’embarquer dans l’initiative PSP à cause de la très pauvre performance du GWCL. Chaque année, elle perd une moyenne de $28 millions de revenus suite à son incapacité généralisée d’assurer la distribution de l’eau dans les villes. Selon un document préparé par le secrétariat de la restructuration du secteur de l’eau à Accra, les pertes résultant des tuyaux crevés et des connections illégales, se monteraient à 53% des revenus annuels. Le document signale aussi qu’en décembre 2000, la dette totale de la GWCL était de $367 millions.
M. Bartels explique que le programme de restructuration du secteur de l’eau entraînera un «leasing» de tous les biens de la GWCL durant au maximum 10 ans, sous forme de partenariat, en vue de réhabiliter des infrastructures désuètes. Cela accélérera le renouvellement et la pose de nouvelles conduites pour que l’eau soit accessible à plus de monde, et fera donc rentrer plus d’argent dans les caisses. Le programme, qui est centré seulement sur la distribution d’eau dans les villes, veut aussi réduire la quantité d’eau perdue et non payée, dit le Dr. Bartels. «Le programme veut assurer en priorité une distribution équitable d’eau potable dans un marché qui va se développant et la rendre accessible à ceux qui n’y ont pas encore accès ou ne sont pas bien desservis, et cela à un prix abordable».
En effet, alors que la population urbaine du Ghana ne fait que s’accroître, les infrastructures de la distribution de l’eau ne se sont ni développées ni améliorées depuis des années. Pour le moment, la GWCL ne peut satisfaire que 62% des besoins en eau dans les villes du pays.
Bartels ajoute aussi que, selon les arrangements, la GWCL continuera à être propriétaire de tous les biens et en contrôlera l’usage. Elle pourra aussi accéder à des fonds pour les grands travaux d’expansion. Elle essayera d’obtenir des fonds venant du pays ou de l’étranger pour améliorer la distribution de l’eau et l’équipement. Selon Bartels, la PSP apportera des investissements financiers étrangers, une technologie plus moderne, un savoir-faire en gestion, un travail plus performant et un échange de compétences.
De plus, selon l’accord, la Commission régulatrice des services publics (PURC) jouera un rôle statutaire en contrôlant le prix de l’eau. La PURC fixera aussi les objectifs à atteindre et veillera à ce que les partenaires (GWCL et la compagnie privée) observent toutes les décisions de base pour les niveaux de qualité de la production et de la distribution.
Emmanuel Nkrumah, ingénieur au secrétariat pour la restructuration du secteur de l’eau, est convaincu que la participation du secteur privé est nécessaire pour aborder les contraintes financières, opérationnelles et institutionnelles auxquelles la GWCL doit faire face.
Des études faites récemment par des spécialistes de l’industrie de l’eau montrent que ce secteur aurait besoin de 1,8 milliard de dollars dans les 10 à 25 années à venir, pour exécuter son programme. Si les choses restent où elles en sont, pour la même période, l’accès à la distribution de l’eau dans les villes pourrait tomber de 62% à 38%. Par contre, avec la PSP, on croit que l’alimentation en eau pourrait s’améliorer et atteindre dans tout le pays les 80% dans les cinq années à venir, devenir plus accessible et abordable dans les villes et réduire l’eau perdue. Stephen Adu, secrétaire exécutif de la PURC , dissipe les craintes des Ghanéens. Il affirme que le rôle de la PURC ne changera pas avec l’initiative PSP.
Mais toute discussion sur la privatisation des services publics donne des frissons à la population. Elle a gardé un mauvais souvenir des conséquences sociales, politiques et économiques causées par le Programme d’ajustement structurel du FMI /Banque mondiale. Cependant, Kwame Boakye, entrepreneur, est d’avis que la participation du privé est cruciale et qu’il faut permettre au gouvernement de poursuivre son objectif. «Des situations désespérées exigent des mesures désespérées», dit-il.
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