ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 421 - 01/11/2001

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Namibie
Dédommagements de guerre


DROITS DE L’HOMME

Le problème des dommages de guerre découlant du génocide commis par les Allemands
contre le peuple des Hereros, refait surface à la Haute Cour du district de Columbia aux Etats-Unis

La guerre coloniale de 1904-1907 en Namibie, causée par le soulèvement des Hereros contre les forces allemandes, sous le commandement du général Lather von Trotha, a conduit à l’extermination d’environ trois quarts de la population herero. Le gouvernement de Berlin n’a mis fin à la guerre que lorsque ses troupes eurent massacré assez de gens pour être sûr qu’il n’y aurait plus de résistance à son autorité dans ce que les Allemands appelaient alors le Sud-Ouest africain.

En septembre 2001, le grand chef des Hereros, Kuaima Riruako, a convoqué une conférence de presse à Windhoek, capitale de la Namibie. Il a annonçé que le Conseil pour les dédommagements au peuple herero avait, début juin, intenté un procès en dommages et intérêts d’un montant de $2 milliards auprès de la Haute Cour du district de Columbia, USA , contre la Deutsche Bank AG et Woermann Line, appelée maintenant Deutsche-Africa-Linien.

Riruako affirme que les compagnies en question s’étaient rendu coupables «d’alliance brutale avec l’Allemagne impériale. Elles se sont efforcées avec acharnement à réduire en esclavage la tribu des Hereros au Sud-Ouest africain et lui ont fait subir un génocide. Présageant, avec une précision qui donne des frissons, les horreurs de l’holocauste européen quelques décennies plus tard, les accusés et l’Allemagne impériale ont formé une entreprise commerciale qui, de sang froid, a pratiqué une politique d’extermination. Celle-ci comprenait: la destruction de la culture tribale et de l’organisation sociale, l’établissement de camps de concentration, le travail forcé, des expérimentations médicales et l’exploitation des femmes et des enfants au profit des intérêts financiers communs de ces compagnies».

Un cas de droit

Selon les avocats du Conseil pour les dommages au peuple herero, les plaignants sont un cas de droit. «Des principes reconnus par le droit du district de Columbia, le droit fédéral des USA et le droit international, permettent à ce tribunal d’imposer des compensations légales pour des atrocités commises il y a longtemps et qui ont profité aux accusés». Les plaignants, Riruako et le professeur Mburuma Kerina, instigateurs du procès en dédommagement, sont les descendants directs du peuple qui a souffert pendant cette époque d’extermination.

S’adressant à la Conférence mondiale, convoquée en août dernier par les Nations unies à Durban, sur le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est liée, le ministre des Affaires étrangères de l’Allemagne, Joschka Fisher, déclara: «A cette conférence, nous devons commencer par le passé. Dans beaucoup de parties du monde, les souffrances et les conséquences de l’esclavagisme et de l’exploitation coloniale se font encore sentir profondément. Les injustices du passé sont irréversibles, mais en reconnaissant notre culpabilité, en assumant notre responsabilité, en admettant nos obligations historiques, nous pouvons au moins rendre aux victimes et à leurs descendants la dignité dont ils ont été privés. C’est ce que je voudrais faire maintenant ici au nom de la République fédérale d’Allemagne».

Le procès pour le dédommagement des Hereros a été décrit comme un grand tournant qui ouvrirait la porte à d’autres groupes pour des cas similaires. Tout au moins, des excuses devraient être présentées aux victimes de l’oppression de jadis. Lors d’une récente journée de commémoration tenue à Okahandja par les Hereros, le chef Riruako évoqua âprement les souffrances indicibles, inoubliables, et tout ce que les Hereros ont dû endurer de la part des Allemands, pendant cette guerre. Il rappela que la population herero fut réduite à moins de la moitié; beaucoup se sont réfugié au Botswana, en Afrique du Sud et en Angola.

Rappelant la visite du président allemand, Roman Herzog, en Namibie en 1998, Riruako ajoute: «Lors de la venue du président, la question des dédommagements a été évoquée à maintes reprises, mais les Allemands soutenaient que la tribu ne pouvait réclamer des compensations, parce que les lois internationales sur la protection des rebelles et des civils n’étaient pas encore en vigueur lors du soulèvement des Hereros. Le gouvernement allemand fait remarquer qu’il est déjà, actuellement, la plus grande source des fonds pour le développement de la Namibie, dont profitent aussi les Hereros. Mais, à ma connaissance, les Allemands ont confisqué les biens des Hereros, leur bétail et autre cheptel; ils ont aussi réduit les Hereros en esclavage. Beaucoup d’entre eux furent exterminés sur les ordres de l’Empereur Guillaume II — ordres donnés directement à von Trotha. Ces ordres ont décimé toute la nation. Les Allemands emportèrent tout ce que les Hereros possédaient et se sont distribué le butin. Les Allemands ont une dette envers nous. Ils nous ont déshumanisés. Ils nous ont dépossédés de tout. Voilà pourquoi nous réclamons des dédommagements».


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