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Afrique du Sud |
ECONOMIE
Beaucoup de pays africains veulent privatiser leurs entreprises gouvernementales.
Comment
cela se passe-t-il en Afrique du Sud?
“Privatisation” est considérée comme un terme abusif dans certains milieux, et toute déclaration sur ce sujet, faite par un ministre ou un haut fonctionnaire du gouvernement, prend les allures d’une énigme. Pour décrire la vente de certains biens de l’Etat, ils ont inventé une nouvelle terminologie. Dites tout ce que vous voulez, mais ne prononcez pas le mot “privatisation”. Ceci semble être l’accord tacite de base.
Pour le gouvernement dominé par l’ANC, “privatisation” semble être devenu un mot déplaisant, presque aussi marqué qu’“apartheid”. Il préfère parler de «restructuration des biens de l’Etat». Ces nuances sont probablement voulues pour apaiser le Congrès des syndicats sud-africains (COSATU), le puissant mouvement travailliste, et une partie très importante des électeurs de l’ANC. Mais il n’y a pas que le COSATU qui y est opposé, même si, comme partenaires de l’alliance gouvernementale, ses syndicats sont les seuls à être invités dans les salles enfumées du pouvoir.
L’influence des syndicats
Tout le mouvement syndical s’est lié, comme partenaire égal, avec le monde des affaires et le gouvernement, dans des forums tels que le NEDLAC (National Economic Development and Labour Council). Le monde des affaires représente les intérêts d’une minorité généralement aisée (ceux qui offrent de l’emploi), en grande partie traditionnellement réservée, sinon franchement hostile au gouvernement ANC. Les syndicats représentent les intérêts des travailleurs et la vaste armée des sans travail.
Comme aime à le faire remarquer Zwelinzima Vavi, secrétaire général du COSATU, ceux qui ont un emploi constituent le «réseau non officiel de la sécurité sociale». Les syndicats du COSATU ont donné leur argent, leur temps et leurs ressources humaines à l’ANC pour ses campagnes électorales, en attendant que la politique du gouvernement favorise les «intérêts de la classe ouvrière.»
Moloto Mathapo, un porte-parole du COSATU, souligne l’importance de l’ANC pour la classe ouvrière sud-africaine et la nécessité pour le COSATU d’influencer les directives du parti au pouvoir: «Il n’y a pas d’autre formation politique qui comprenne la classe ouvrière, comme le fait l’ANC. Resserrer l’alliance avec l’ANC est essentiel dans notre lutte».
Le schisme s’aggrave
La privatisation est au cœur de la stratégie gouvernementale pour répondre aux exigences d’une économie globale moderne. Mais ses principaux alliés restent sceptiques. Le schisme ne fait que s’aggraver. Cela ressort de la stratégie gouvernementale appelée GEAR (Growth Employment and Redistribution — Croissance, emploi et redistribution), une politique économique néo-libérale que le gouvernement s’est imposée et qui est très proche d’une version révisée de l’ajustement structurel de la Banque mondiale.
Adopté en 1996, GEAR préconise une politique monétaire très stricte, une politique fiscale draconienne, la restructuration des biens appartenant à l’Etat et des services publics, la création d’emplois et l’efficacité des services rendus, surtout aux pauvres.
Iraj Abesian, chef économiste à la Standard Bank (Afrique du Sud) et co-auteur de GEAR, soutient que l’opposition du COSATU à la privatisation ne signifie pas que cette politique est erronée. «Le COSATU, est un des nombreux partenaires dans l’économie, et il a peut-être raison de protester. Toute économie moderne doit de temps en temps faire face à des problèmes dans ses relations industrielles. Cela ne veut pas dire que l’économie s’écroule. Si les ouvriers allemands font la grève, cela signifie-t-il que l’économie allemande s’effondre?».
Leslie Maasdorp, responsable de la restructuration au département des entreprises publiques, fait remarquer qu’il y a eu une large consultation avant l’adoption du cadre de la politique gouvernementale. Il ajoute: «Si le COSATU n’était pas content, pourquoi ses dirigeants n’ont-ils pas exprimé leurs inquiétudes pendant cette consultation?».
Avant le GEAR, le gouvernement avait préconisé le Programme de reconstruction et de développement (RDP), centré sur le peuple, dans le genre du Plan Marshal. Le RDP fut adopté par l’alliance avant les premières élections démocratiques en 1994. Mais il fut abandonné dans des circonstances plutôt mystérieuses, bien que les partenaires de l’alliance l’aient considéré comme une extension de la Charte de la liberté.
Bienfaits économiques de la privatisation
Les partisans de la privatisation disent qu’elle sera accompagnée de bienfaits économiques, dont une efficacité et une production améliorées. Elle aidera à alléger les dettes du pays, à favoriser la richesse et à promouvoir l’accroissement de l’économie, surtout parce que des groupes du pouvoir noir en profiteront. Le Parti communiste et le COSATU par contre ne croient pas que ces groupes y gagneront, ou qu’ils aideront à extirper le racisme dans l’économie du pays: «Le secteur privé, même s’il compte des capitalistes noirs dans ses rangs, s’intéresse uniquement au profit. Il n’a été élu par personne et ne doit rendre compte à personne», dit Tembe Mapeseko, du Parti communiste.
L’antipathie du COSATU pour la privatisation n’est pas nouvelle. Déjà en 1990, environ deux mois après que l’Afrique du Sud ait pris le chemin de la démocratie, le Congrès avait menacé d’organiser une marche sur la Bourse de Johannesburg si le régime de l’apartheid procédait à la privatisation. Il craignait que le gouvernement de l’ANC n’hérite que de très peu de biens publics, si ceux-ci étaient privatisés.
La détermination du gouvernement
Malgré ces différends de longue date, le gouvernement de Mbeki reste inébranlable dans sa résolution de privatiser. En août dernier, il a publié son projet: “Un agenda accéléré pour la restructuration des biens de l’Etat”, où il explique clairement le processus de privatisation.
Mais le groupe de recherche du COSATU, l’Institut pour le développement du travail et de l’économie (NALEDI ), et la Fédération indépendante des syndicats de l’Afrique du Sud (FEDUSA) ont réagi en publiant leurs alternatives aux lignes directrices du gouvernement. Le NALEDI recommande notamment l’établissement d’un seul distributeur national d’électricité, au lieu des six compagnies régionales suggérées par le gouvernement. Il demande également d’arrêter la privatisation des services essentiels de base, tels que l’eau, les soins de santé et les services d’éducation. Et il encourage la compétition au sommet dans le secteur de la télécommunication.
De son côté, le rapport de la FEDUSA affirme que rendre la privatisation responsable de la montée en flèche des pertes d’emplois «est par trop simpliste». Mais la fédération demande au gouvernement d’être plus transparent dans sa façon de traiter des politiques économiques aussi cruciales que la privatisation. «Le gouvernement devrait être transparent dans sa façon d’aborder ses objectifs sociaux, tels que les plans du bien-être social, la création de nouveaux emplois et des subventions aux prix, et optimaliser les biens publics», dit Denis George, secrétaire général adjoint de la FEDUSA.
Pour la majorité des Sud-Africains, surtout ceux qui ont voté pour le parti au pouvoir, seul un Etat déterminé à développer le pays peut leur donner un standard de vie décent. Mais le problème est que la grande partie des recettes venant de la privatisation servira à payer le service de la dette laissée par l’apartheid, au lieu de créer plus de services sociaux et d’initiatives pour le développement.
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