ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 422 - 15/11/2001

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Cameroun
L’engorgement scolaire va s’accentuer


EDUCATION

Après une croissance rapide du primaire, priorité à la qualité et au secondaire

Le succès remarquable du Cameroun en matière de développement de l’enseignement primaire –- le nombre d’élèves a triplé depuis que le président de la République a décrété l’éducation primaire gratuite en 2000 -– a fait surgir d’autres problèmes. Comment améliorer le niveau de l’éducation? Que vont faire tous ces élèves une fois terminé le cycle primaire? Le premier problème préoccupe déjà les planificateurs du ministère de l’Education nationale (MINEDUC ). Le deuxième, reconnaît le directeur de l’enseignement secondaire, est un défi que le pays devra bientôt relever.

Ces questions sont révélatrices du chemin parcouru par le Cameroun. «Tout s’était pratiquement effondré», rappelle M. Tiani Ngongang Ludovic, secrétaire général du Syndicat des enseignants du primaire et du maternel. «Par conséquent, au début des années 1980, l’accent a été mis sur le redressement et sur le développement des écoles, en l’absence toutefois de planification adéquate».

Entre 1982 et 1985, l’éducation ne représentait en moyenne que 15,6% des dépenses du gouvernement. Mais cela a commencé à changer avec la politique du renouveau de Paul Biya. La part des dépenses du budget consacrée à l‘éducation s’est chiffrée à 17.8% entre 1986 et 1990, et a augmenté sensiblement durant la décennie suivante, pour atteindre 34%.

En 1996, une Commission gouvernementale découlant des Etats généraux de l’Education nationale — chargée d’examiner l’ensemble du système scolaire — a recommandé de rendre l’éducation primaire gratuite et obligatoire. Le gouvernement a accepté ces recommandations en 1998. Deux ans plus tard, il a formulé une politique d’Education primaire gratuite.

Entre 1986 et 1996, la population scolaire du primaire était passée de 2,2 à 3,1 millions d’élèves. Avec l’introduction de l’éducation primaire gratuite en 2000, elle s’est élevée à 5,3 millions. En 2001, elle a atteint 6,6 millions et le ministère de l’Education nationale s’attend à ce qu’elle grimpe à 6,8 millions d’ici 2003. Les inscriptions ont donc dépassé les projections les plus optimistes. «Nombre de parents qui avaient souvent prétexté la crise économique, ont tôt fait d’envoyer leurs enfants à l’école», explique M. Tiani.

Un système surchargé

Les établissements ont donc été utilisés au maximum de leurs capacités. Le nombre moyen d’élèves par école a augmenté de 363 à 616 entre 2000 et 2001; mais le nombre d’enseignants n’a pas suivi, passant de 81.564 à 89.247 unités. Le ratio écoliers/enseignants est passé de 18 pour 1, à 60 pour 1. Et dans les premières classes du primaire il dépasse les 100 élèves par enseignant.

La situation d’un enseignant devant plus de 100 élèves sous une tente ou un manguier n’est que trop commune et a soulevé des inquiétudes quant au niveau scolaire. Bien qu’aucune recherche n’ait été menée pour évaluer l’impact de l’éducation primaire gratuite sur la qualité de l’éducation, nombre d’observateurs sont convaincus que le niveau a baissé. L’école publique du Centre administratif à Yaoundé «faisait partie des dix meilleures écoles du pays», déclare Mme Jeannette Ekindi dont le fils est inscrit dans cette école. «Aujourd’hui, elle ne figure même plus parmi les 50 meilleures écoles. L’enseignant a trop d’élèves pour pouvoir s’occuper de chacun d’entre eux».

Le MINEDUC a cessé d’évaluer les résultats des écoles primaires lors des examens nationaux en 1999 et 2000; mais des classifications indépendantes faites par les médias indiquent que les écoles privées se placent souvent en tête du classement académique. En juin 2001, lors des examens de fin de primaire, par exemple, les cinq meilleures écoles étaient toutes privées, selon une liste établie par L’Educateur. Inquiets, nombre de parents nantis ont transféré leurs enfants dans des écoles privées. M. Tiani ne croit pas cependant qu’il y ait eu détérioration aussi brutale du niveau. L’introduction d’une éducation primaire gratuite, fait-il remarquer, a surtout affecté les classes élémentaires. Tant que ces élèves n’ont pas achevé les six années du cycle primaire, «nous n’aurons pas un tableau complet de l’impact de l’éducation primaire gratuite sur la qualité de l’éducation».

Le gouvernement néanmoins ne se croise pas les bras. Il prend des mesures pour améliorer progressivement le niveau. A court terme, l’objectif est de réduire le ratio élèves/enseignants des deux premières classes à 80/1, et à 50/1 en moyenne dans les autres classes. Une partie des économies réalisées par l’annulation de la dette dans le cadre de l’initiative du FMI et de la Banque mondiale en faveur des pays pauvres très endettés, sera consacrée au recrutement d’enseignants supplémentaires. Une liste de 1.700 enseignants du primaire nouvellement recrutés a déjà été rendue publique le 10 octobre 2001. De plus, entre les années scolaires 2001/02 et 2002/03, 9.300 salles de classe seront construites (plus de la moitié sont un don de la coopération japonaise) pour un coût de 180 millions de dollars.

Vers l’enseignement secondaire

Le problème de la transition du primaire au secondaire se pose déjà, avant même que la première cohorte d’élèves du primaire gratuit n’achève son sixième niveau. Les taux de transition sont très faibles. Sur 211.749 candidats qui se sont présentés aux examens en fin de cycle primaire en 2000, seuls 87.231, ou 41,19%, sont passés au niveau secondaire l’année suivante, bien que 70% aient réussi. «L’incapacité à absorber le nombre croissant d’élèves finissant l’école primaire minera l’éducation primaire gratuite, ainsi que des objectifs nationaux d’ordre plus général tels que l’élimination de la pauvreté», déclare le directeur de l’enseignement secondaire. Heureusement, le gouvernement a encore du temps, car le nombre d’élèves qui sortent de l’école primaire n’augmentera pas de manière spectaculaire avant 2003.

Pour se préparer à ces défis, le MINEDUC met la dernière touche à un “plan stratégique” pour l’enseignement secondaire. L’inscription aux quatre premières années du cycle secondaire devrait augmenter de 149.840, en 1999, à 262.074 élèves d’ici 2003. «Nous y parviendrons en construisant de nouvelles écoles, en rénovant et en agrandissant les écoles existantes et en utilisant les établissements disponibles de façon efficace», a déclaré le directeur de l’enseignement secondaire. Il existe aujourd’hui 1.200 écoles secondaires, dont 621 publiques. L’investissement dans les écoles secondaires privées est encouragé par l’octroi d’un soutien technique de conseils et d’incitations financières tels que des prêts, des bourses et des exonérations fiscales temporaires.

Le problème, cependant, n’est pas uniquement le nombre limité des écoles mais également l’accès à l’enseignement secondaire pour toutes les composantes de la société. Ceux qui habitent Yaoundé, la capitale, y ont un accès bien plus facile que ceux qui vivent à la campagne. Seuls 6% des enfants appartenant aux 25% de familles les plus démunies poursuivent leur éducation secondaire jusqu’au bout, tandis que 23% y parviennent chez les 25% de familles les plus riches.

Le gouvernement cherche à corriger de tels déséquilibres géographiques et sociaux. «Nous visons à avoir au moins un collège d’enseignement secondaire dans tous les arrondissements et districts», affirme le directeur de la planification. Sur les 58 départements du Cameroun, 15 ont été identifiés comme «les plus désavantagés sur le plan de l’éducation», et représentent moins d’un cinquième du taux brut de scolarisation. Ils recevront une attention particulière: une plus grande part des ressources allouées à l’éducation leur sera consacrée, et les investisseurs privés recevront davantage d’incitations à investir.

En 1994, une commission gouvernementale avait établi que les droits d’inscription à l’école secondaire grimpaient en flèche en raison du coût croissant de l’éducation, et que la plupart des parents étaient trop pauvres pour pouvoir les acquitter. La commission a recommandé un nouveau barème des droits d’inscription qui imposerait un plafond de frais de scolarité. Toute école désireuse d’imposer des frais supérieurs devrait obtenir au préalable le soutien des parents et la permission du ministre. Malheureusement, la pratique sur le terrain n’obéit pas à cette règle.

La responsabilité financière des parents qui, par le passé, payaient une grande partie des salaires des enseignants, sera également réduite en améliorant les salaires payés par le gouvernement aux enseignants.

Améliorer l’accès des filles

L’accès des filles à l’éducation, non seulement au niveau du secondaire mais dans tout le système scolaire, fait également l’objet d’une attention accrue de la part du gouvernement. Malgré l’éducation primaire gratuite, «le pourcentage des filles inscrites à l’école primaire est encore plus bas que celui des garçons», a constaté la ministre des Affaires sociales, Mme Marie Madeleine Fouda, en août 2001, lors du coup d’envoi de la Stratégie nationale pour l’éducation des filles au Cameroun.

Les filles représentent 47% de l’ensemble des inscriptions à l’école primaire, 32% au niveau secondaire, 35% dans les universités et 15% dans les écoles techniques (excepté l’école technique aux spécialités féminines!). Dans certaines circonscriptions rurales des provinces moins nanties comme l’Est, l’Adamaoua, le Nord ou l’Extrême-Nord, les filles représentent seulement 35% de l’ensemble des inscriptions à l’école primaire. Ceci est en partie attribué au fait que le taux d’abandon scolaire chez les filles est bien plus élevé que chez les garçons. Alors que la disparité entre les sexes n’est que de 1,1% au premier niveau, elle atteint 15,70% au sixième niveau.

Nombre d’écoles conçoivent des programmes non seulement pour attirer les filles, mais également pour les inciter à poursuivre leurs études jusqu’au bout. A l’école primaire et secondaire moderne de Douala, «nous avons un programme de développement personnel qui enseigne la connaissance de soi, l’aptitude à communiquer, et qui couvre les questions sexuelles, le sida, etc.» déclare la directrice des études, Mme Edwige Akonga. «Par conséquent, rares sont les filles qui ne poursuivent par leurs études jusqu’à leur terme».


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