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VIE SOCIALE
De nos jours, au Sénégal, les célibataires endurcis et les divorcés se comptent à la pelle.
Le divorce est une maladie des temps modernes. Au seul tribunal de Dakar, de 1997 à 2000, on a noté une progression de 8,41%. Ce n’est pas pour autant une tendance à généraliser, car dans les régions rurales il en est autrement. Il est vrai que, pour celles-ci, il y a peu de statistiques fiables et les liens du mariage y sont encore “sacrés”.
Parmi les nombreuses raisons souvent invoquées à l’origine des divorces, il y a “l’omniprésence” de la belle-mère qui serait, dit-on, responsable de la plupart des ruptures intervenant dans les ménages, soit environ quelque 80%. On incrimine aussi la vie trépidante de Dakar, la coquetterie, le goût prononcé pour l’ostentation, le «m’as-tu-vu» des Dakaroises, leur légèreté, leur goût du superficiel, pour le caractère somptuaire des dépenses familiales. Sont également mis en cause l’incompatibilité d’humeur, voire l’égoïsme et l’individualisme qui gagnent de plus en plus de terrain, sans compter la violence conjugale.
D’aucuns observent, a contrario, que c’est parce que les femmes connaissent de plus en plus leurs droits qu’il y a plus de divorces! Elles ne seraient plus aussi «soumises» et elles ne veulent plus être traitées ou considérées comme des «mouchoirs kleenex».
Autre explication: les Sénégalaises, très belles et élégantes, seraient «matérialistes», une réputation justifiée, semble-t-il, par le peu de place qu’elles accorderaient à l’amour. D’où la fragilité de leurs ménages.
Mais, en fait, n’est-ce pas un peu court comme explication? Est-ce suffisant, quand on sait qu’en Afrique, de façon générale, l’amour est un sentiment relativement dévalorisé. Dans ces “sociétés solidaires”, ce sont les intérêts des familles qui priment sur les considérations individuelles. Avant tout, fonder une famille est ou était un devoir. L’amour n’était pas le but du mariage. Il s’agissait avant tout, et il s’agit encore de perpétuer une lignée, d’où d’ailleurs le succès du mariage endogamique. Pour le Sénégalais, la famille comprend généralement le père, la mère, les frères, les soeurs, les tantes et oncles, cousins et cousines. Elle est rarement mononucléaire.
Il faut cependant noter que, même si c’est fort rare, on rencontre des femmes ayant fait le choix du célibat. Un statut perçu au Sénégal comme «asocial», mais qu’elles revendiquent et assument, en affirmant se sentir bien dans leur peau et s’engager dans une «solitude sereine». Evidemment, si l’on ne tient pas compte ici des questions liées à la caste, à la religion ou à la trahison, comme c’est parfois le cas, ce sont des éléments qui peuvent en effet parfois expliquer ce choix.
La crise du mariage
La crise du mariage est universelle. Souvent elle est liée au facteur économique. Le Sénégal compte quelque 62% de pauvres, c’est-à-dire de gens qui vivent avec moins d’un dollar par jour. Ce n’est pas sans conséquence sur la solidité et la longévité du ménage.
Cette crise du mariage serait due, selon un psychologue, à une «perte de la notion de la famille et aussi à une perte des valeurs traditionnelles». Jadis, l’homme était le «socle du mariage». C’est aujourd’hui une «image perturbée». A l’en croire, les jeunes prennent aujourd’hui la religion avec une «distance absolue»: ils sont en train de «redéfinir les termes d’une union».
En tous les cas, le divorce ne ferait plus peur. Même la «kersa» (pudeur) ne gênerait plus personne. En vertu de cette valeur traditionnelle, la femme répudiée quittait le domicile conjugal la nuit, pour éviter les regards réprobateurs ou inquisiteurs des voisins, mais également des parents. Ces regards étaient redoutés par la famille pour qui, cependant, ce n’était qu’un «fay», une absence momentanée (et discrète!) du domicile conjugal et qui n’écartait donc pas une éventuelle réconciliation.
En réalité, peu de chance est aujourd’hui donnée à la réconciliation. De plus en plus, la mode est aux solutions radicales: «Je m’y plais, je reste; sinon je m’en vais», argumentent nombre de Sénégalaises. Le mariage est désormais un “contrat”: «C’est un jeu d’intérêts. Ni barrière, ni contrainte. Les mariages contrats intégrent le monde moderne», estiment-elles. Pour autant, se défendent-elles, ce ne sont pas elles qui «banalisent» le mariage. Les responsabilités sont partagées par les hommes qui ne tiennent pas leurs promesses dont ils ne sont pas avares quand «cela les arrange»...
Autre et dernier grief: les Sénégalais n’apprécient pas l’autonomie financière, l’esprit entreprenant dont leurs épouses font parfois preuve, notent certains. Ce serait pour eux, une «perte d’autorité». Allez savoir... Le divorce reste une question dont on ne connaîtra jamais le fin mot.
La dot, un obstacle au mariage
Le coût prohibitif de la dot grossit aussi les rangs des célibataires, hommes et femmes confondus. Le mariage est victime de la crise économique, du changement des valeurs et tributaire de la précarité de l’emploi. Le taux de chômage (environ 25% de la population active) est important et le pouvoir d’achat est faible (en moyenne 350 FF), alors que les frais engagés pour les cérémonies de mariage sont de plus en plus coûteux. Ils oscillent entre 1.500 et 20.000 FF, ce qui n’est pas à la portée de tous. – Explications? Ce sont les tantes, incontournables dans ce genre d’opération, qui «surtaxent» les candidats, chacune voulant sa part du gâteau. Elles ne veulent pas «brader leur nièce». Il faut savoir qu’ici, les hommes (les pères) n’ont pas voix au chapitre.
La société sénégalaise est à majorité musulmane, soit 90%. D’aucuns estiment que la dot y est octroyée au mépris des préceptes religieux musulmans. Selon le Coran, la dot doit être de «nature licite», c’est-à-dire ce qu’un homme accorde à la femme pour pouvoir l’épouser. En clair, sa valeur ne doit pas dépasser 1,25 gramme d’or environ. Elle peut être remise au comptant, donc à la conclusion du «contrat», remise en partie ou totalement différée. Toutefois, il vaut mieux avancer une partie de la dot avant le mariage, sinon celui-ci ne sera pas engagé sur de bonnes bases. La réalité est souvent tout autre. Les prétendants ont en effet bien du mal à rassembler les sommes demandées, voire exigées. D’où des différends, des heurts entre familles.
Souvent, des retards sanctionnent ces difficultés, si celles-ci ne font pas tout simplement fuir les prétendants. Il arrive que, pour les contourner, ceux-ci perpètrent des «coups d’Etat» (une grossesse), ce qui change carrément la donne. Dans ce cas, il n’y a pas d’obligation de remettre une somme faramineuse, les tantes devant se contenter d’une dot symbolique ou même de s’en passer.
S’il y a une crainte que nourrissent les tantes, faute de parvenir à leur fin (empocher un pactole), c’est de se retrouver, par leur faute, avec des vieilles filles!!! Un déshonneur insoutenable dans la mesure où la société sénégalaise voit d’un très mauvais oeil le célibat des femmes en âge de convoler.
Ces tantes jouent donc serré, sans garantie de succès, car elles savent qu’elles risquent de réunir les conditions pour que leurs nièces soient ostracisées et marginalisées, car les femmes n’ont de statut social, une identité même, qu’à travers le mariage. C’est cette pesanteur sociale qui pousse souvent, contre leur gré, certaines filles à accepter d’épouser des polygames.
En tout état de cause, pour une série de raisons, le mariage au Sénégal, comme dans beaucoup de pays, est une institution qui attire aujourd’hui peu de jeunes. Signe des temps.
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