ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 423 - 01/12/2001

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Madagascar
Une élection, deux résultats


ELECTIONS


Pour l’élection présidentielle du 16 décembre 2001, les Malgaches auront droit à deux résultats:
un officiel et un émanant des observateurs de la société civile

Six candidats sont en lice pour l’élection présidentielle du 16 décembre 2001. Afin d’éviter toutes fraudes, les Malgaches auront droit à deux résultats: un officiel et un émanant des observateurs de la société civile Près de 6 millions de Malgaches sont appelés aux urnes. Le dépôt de candidature a été fermé le 27 octobre dernier et la Haute Cour constitutionnelle a retenu 6 candidats sur les 7 prétendants.

En fait les «intéressés» étaient bien plus nombreux. Lors de la dernière élection présidentielle, on avait eu droit à quinze candidats mais, afin de limiter et dissuader les prétendants, le gouvernement a amendé la loi électorale. Celle-ci exige entre autres une caution de 125 millions de francs malgaches, soit 125.000 FF de la part des futurs candidats, contre 25.000 FF lors de la dernière élection. Cette sélection par l’argent a été dénoncée par tous, vu la pauvreté extrême du pays. A titre de comparaison, les intéressés ont fait remarquer que même en France la caution est fixée à près de 9.000 FF. Mais le gouvernement a tenu bon, ce qui a obligé bon nombre de prétendants à se retirer.

Pour la cinquième fois, l’actuel président de la République, Didier Ratsiraka, est candidat à sa propre succession. L’ancien président Albert Zafy se présente pour la troisième fois, et l’ancien allié de Didier Ratsiraka, Herizo Razafimahaleo, pour la seconde fois. Les trois autres candidats sont des nouveaux venus: il s’agit du maire de la capitale, l’homme d’affaires Marc Ravalomanana, du pasteur Daniel Rajakoba qui est un membre de la diaspora malgache en France, et un autre opérateur économique, Patrick Rajaonary.

Une alterance désirée

Les différents sondages, du moins dans les grandes villes, donnent vainqueurs au premier tour l’actuel président de la République et le maire de la capitale. Mais il ne faut pas oublier que ce sont les ruraux, soit les trois quarts de la population, qui décident. Néanmoins, ces deux candidats rivalisent dans l’illégalité, sillonnant le pays depuis plusieurs mois et menant une campagne électorale avant la lettre. Le Conseil national des élections (CNE) laisse faire, car il ne peut pas sanctionner le président-candidat qui a nommé ses membres.

Si le président de la République inaugure à tour de bras, tout et n’importe quoi, le maire de la capitale, lui, fait le tour des Eglises. N’ayant pas de base, car il ne dispose pas de parti politique, il utilise la structure des Eglises. En public, le Conseil oecuménique des Eglises chrétiennes (FFKM) regroupant les principales confessions chrétiennes, assure être neutre mais en réalité il soutient Marc Ravalomanana, maire d’Antananarivo, mais également vice-président de l’Eglise protestante à Madagascar, et propriétaire de la plus grande industrie agroalimentaire de la Grande Ile.

Tout le monde aspire à une alternance et veut en découdre avec M. Ratsiraka qui est en place depuis 1976, avec une petite éclipse de 5 ans de 1991 à 1996. Pendant son régime, le pays n’a cessé de s’appauvrir et est aujourd’hui classé dans la catégorie des PMA (pays moins avancés). Paradoxalement, depuis toujours, son électorat est composé en majorité des plus pauvres et des illettrés, malheureusement majoritaires – surtout dans les régions rurales. Les principaux partis de l’opposition sans candidats, faute de moyens financiers, se sont rangés derrière Ravalomanana. Le monde à l’envers, s’indignent certains chefs de partis.

Pour une élection équitable

Depuis toujours, campagne électorale est synonyme de distribution de dons à Madagascar, que ce soit en nature ou en argent liquide. Aucun candidat n’a échappé à cette mauvaise habitude. En plus, les suspicions de fraudes ont toujours dominé l’ambiance électorale.

Afin d’assurer une élection équitable, aussi juste et sincère que possible, non entachée de fraudes, diverses entités issues de la société civile se sont regroupées au sein d’un consortium d’observateurs, indépendant des élections. Il s’agit de «Foi et Justice» de l’Eglise catholique, du CNOE (Comité national pour l’observation des élections) et de Andrimaso-FFKM (organisme chargé de l’observation des élections au sein du Conseil oecuménique des Eglises chrétiennes). Depuis sa création, en 1989, le CNOE a fait du chemin, selon Madeleine Ramaholimiaso, sa présidente. Entre 1989 et 1996, une amélioration notable a été observée au niveau du déroulement des élections. Mais après 1996, quand Ratsiraka Didier est revenu au pouvoir, on a constaté une dégradation: des pratiques qu’on croyait révolues ont refait surface. Aussi faut-il redoubler de vigilance.

Ces groupements, chacun de leur côté, ont entrepris l’éducation des citoyens et ont déjà été observateurs à des élections, mais aucun n’a pu couvrir toute l’île. Aussi le principal objectif du consortium consiste à mettre des observateurs à lui dans les plus de 16.000 bureaux de vote éparpillés dans le pays. Les diocèses de l’Eglise catholique, répartis dans toute l’île, seront mis à contribution pour la supervision de cette opération. Ainsi le consortium, à l’aide des procès verbaux de tous ses observateurs, pourra présenter des résultats parallèles à ceux de la Haute Cour constitutionnelle et dans le plus bref délai.

Les activités de ce consortium sont financées par le secteur privé et divers bailleurs de fonds étrangers, dont tous les pays occidentaux représentés dans la Grande Ile: France, Allemagne, Etats-Unis, Suisse, Grande-Bretagne, Japon, mais aussi l’Union européenne. Les bailleurs de fonds ont fait savoir au régime en place qu’ils ne tolèreront aucune manipulation électorale, et si jamais cela se produisait, les crédits seront suspendus. Alors que Madagascar dépend en grande partie des fonds extérieurs.

Le régime n’apprécie pas du tout cette «immixtion» de la société civile et des Eglises dans l’élection. Les actuels dirigeants font remarquer diplomatiquement que les Eglises doivent se cantonner dans leur rôle «spirituel» et ne pas s’occuper de la politique. Cependant, bien que mécontents, Didier Ratsiraka et les autres candidats se gardent bien d’attaquer ouvertement le conseil des Eglises, connaissant l’autorité morale des Eglises auprès des Malgaches, profondément chrétiens. Rappelons que le FFKM a été à l’origine de la chute de Didier Ratsiraka en 1991.

Tout le monde, à part le pouvoir en place, reconnaît la nécessité d’observateurs indépendants dans les bureaux de vote. D’autant que tout le monde désigne directement ou indirectement le régime en place comme «spécialiste des fraudes électorales».

Le CNOE note qu’en plus des observations des élections, le consortium a également entrepris une sensibilisation plus accrue des citoyens pour qu’ils accomplissent leur droit civique. Lors du dernier suffrage universel direct pour la mise en place du nouveau système de décentralisation, le 3 décembre 2000, l’abstention a atteint le taux record de 70% au niveau national, et 80% dans la capitale. Ce qui renforce l’opinion du consortium sur la nécessité d’une sensibilisation.


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