ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 427 - 01/02/2002

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Afrique centrale
La difficile équation de l’intégration régionale


INTEGR .REGION.

Les Etats de l’Afrique centrale ont raté le départ du “train de l’intégration”.
Le problème des frontières reste entier

Contrairement aux Etats d’Afrique de l’Ouest où l’intégration régionale avance à grands pas, notamment sur le plan économique et la libre circulation des personnes et des biens, ceux de l’Afrique centrale ont manqué le départ du «train de l’intégration». Le protectionnisme, le nationalisme et la peur d’une société pluraliste constituent encore les principaux obstacles d’une intégration «encore sur le papier», malgré l’annonce de l’entrée en vigueur en juillet 2001 d’un passeport unique pour les habitants de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC).

Longtemps prônée lors des réunions successives de chefs d’Etat de la sous-région, la question de l’intégration régionale reste lettre morte. Les promesses de reconnaissance d’une citoyenneté favorisant les déplacements et les échanges n’ont pas été suivies de faits, et la mise en circulation du passeport CEMAC suscite encore des réactions défavorables au niveau des politiques. Les ressortissants d’un pays sont difficilement acceptés dans un autre et les formalités d’obtention de visas relèvent de la pire des difficultés. Ceux-ci ne sont délivrés parfois qu’après des tractations houleuses, et souvent à la tête du postulant.

Les Etats sont-ils prêts à ouvrir leurs frontières? Les sommes perçues par les services consulaires des pays d’Afrique centrale pour la délivrance des visas de sortie et pour l’établissement de la carte de séjour pour les étrangers se chiffrent, selon certains journaux africains locaux, à plusieurs milliards de francs CFA par an. Plusieurs pays d’Afrique centrale et d’Afrique de l’Ouest ont entrepris depuis 2 ou 3 ans d’appliquer le principe de la réciprocité. Ainsi, récemment, le Sénégal est monté au créneau en affichant les tarifs d’obtention de visas pour les Gabonais, identiques à ceux requis par les autorités gabonaises à leurs ressortissants.

Le cas du Gabon

Si les Gabonais paient un prix abordable pour un visa dans l’ensemble des pays — et surtout avec peu de lourdeur administrative —, les postulants étrangers pour le petit Eldorado doivent débourser des sommes élevées. Les résidents étrangers sont même contraints de payer un visa de sortie — dont le prix varie selon les pays d’origine. Ce visa est généralement obtenu après 72 heures. Difficile dans ce cas de sortir spontanément du pays en fonction des horaires d’avion.

Cette contrainte supplémentaire rend difficile les activités de certains hommes d‘affaires ou la mobilité des familles amenées parfois à se regrouper à l’occasion des mariages et des décès dans leur pays d’origine.

Les cartes de séjour coûtent chers. Le plus souvent, les visas obtenus légalement hors du Gabon auprès des représentations consulaires, ne sont définitivement validés qu’après avoir obtenu le sceau des services de la Documentation générale à Libreville, une entité autonome qui ne relève pas directement du ministère des Affaires étrangères. Un Camerounais débourse ainsi 35.000 FCFA pour son visa d’entrée au Gabon, 496.000 FCFA pour la carte de séjour et 100.000 FCFA pour la renouveler tous les ans. Le Béninois payera sa carte de séjour 592.000 FCFA et négociera son visa de sortie à 50.000 FCFA.

Paul Etondi, 30 ans, Camerounais né à Port-Gentil au Gabon où il a vécu plusieurs années, était reparti vivre au Cameroun. Il y a quelques mois, pour des raisons familiales, il a tenté de revenir au Gabon sans visa, espérant l’obtenir à l’aéroport de Libreville, comme le font certains ressortissants français.

Il a dû passer 48 heures inconfortables à l’aéroport et reprendre le premier avion pour Douala. «Quelques parents qui m’attendaient à l’arrivée, inquiets, avaient entrepris des démarches auprès de la police de l’air et des frontières pour que je puisse être autorisé à sortir de l’aéroport, moyennant une décharge d’un de mes parents vivant au Gabon et en échange de mon passeport et de mon billet d’avion à la police. Rien à faire», témoigne Etondi.

Un Congolais enseignant à Libreville, détenteur d’une carte de séjour gabonaise et avec tous les papiers en règle, avait quitté en voiture sa ville natale congolaise, frontalière avec le Gabon, pour se rendre à Libreville. Il a dû payer à chaque barrage de police et de gendarmerie, parce que sa carte de séjour, selon la police des frontières, n’était pas valable. «Aux différents niveaux de mon parcours, les lois étaient différentes», a-t-il déploré. Dans la capitale aussi, la police multiplie les contrôles d’identité en interpellant surtout les autobus de transports urbains, de jour comme de nuit. Ces contrôles des identités des voyageurs tournent souvent mal.

Le problème des frontières

Pour se rendre au Cameroun ou en Guinée équatoriale, les Gabonais payent leur visa à 30.000 FCFA. A titre de comparaison, le visa pour la Côte d’Ivoire coûte 25.000 FCFA. Les ressortissants français jouissent toujours de privilèges. Pour ces derniers, le visa d’entrée au Gabon coûte 40.000 FCFA et la carte de séjour 100.000. Le visa de sortie n’est pas exigé.

Lors de la 15ème session ordinaire du Conseil des ministres des Finances des pays membres de la CEEAC, tenue à Libreville le 15 février 2001, les ministres avaient réaffirmé l’engagement de leurs pays à accélérer le processus d’intégration sous-régionale, conformément à la volonté politique exprimée par les chefs d’Etat et de gouvernement.

D’autres sommets organisés le 6 février 1998 à Libreville, puis le 24 juin à Malabo, traduisent la difficulté pour les pays d’Afrique centrale à résoudre l’équation de l’intégration régionale. «Après la création de la Communauté économique des Etats d’Afrique centrale (CEEAC), la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC), puis la mise en place de la Commission du Golfe de Guinée (CGG), les chefs des Etats membres de l’Organisation de l’unité africaine avaient parrainé du 9 au 11 juillet 2001 à Lusaka, la naissance de l’Union africaine, un nouvel ensemble de plus qui retardera l’intégration sous-régionale», commente Léon Nguimbyt, économiste gabonais. «Et ce fameux passeport CEMAC, qu’est-ce qui retarde sa mise en circulation? Difficile de parler d’intégration régionale si les barrières protectionnistes ne tombent pas», ajoute-t-il.

La date d’entrée en vigueur de la suppression des visas dans les différents pays de la sous-région d’Afrique centrale n’a pas encore été fixée. Cela permettrait la libéralisation des échanges et la circulation des personnes et des biens pour une autre vision de l’Afrique.


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