ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 428 - 15/02/2002

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Guinée
Hantée par un cauchemar


POLITIQUE

La guerre civile qui a éclaté s’est rapidement terminée.
Mais les Guinéens craignent qu’une nouvelle ne se déclenche

La méfiance entre la Sierra Leone et la Guinée, dans la région frontalière, existe toujours. Les Sierra-Léonais qui entrent en Guinée, la plupart des commerçants, sont soumis à des contrôles de routine. La police en profite pour exiger des pots de vin.

En novembre dernier, entrant en Guinée à bord du ferry-boat, j’en ai été victime moi-même. Avant de débarquer, chaque passager était «invité» à payer une redevance d’entrée de dix mille francs guinéens (l’équivalent de 5 dollars US). En sortant du port, j’ai été arrêté par un agent de police qui me fouille et constate que j’ai de l’argent. Voulant savoir combien j’en avais, il s’en est suivi une violente altercation. Je finis par céder et lui montre mon argent. Il me fait alors passer chez un autre agent qui m’ordonne d’enlever ma chemise pour voir si j’ai les tatouages du Front uni révolutionnaire (RUF), de la Sierra Leone. (Dans le passé, les activités des rebelles du RUF avaient débordé en Guinée, créant l’actuelle atmosphère de méfiance). Le premier agent me demande alors de l’argent et je lui en donne un peu. Puis, d’autres agents ont fouillé mon sac et m’ont réclamé un payement. «Pourquoi?», leur demandai-je en français, ce qui ne fit que les irriter davantage. «Pour avoir fouillé ton sac», m’ont-ils répondu. J’ai alors dû passer par un autre barrage de contrôle, moyennant un autre «payement». C’est une épreuve courante que tout Sierra-Léonais doit subir à ce passage frontalier.

Des villes frontalières dévastées

A l’intérieur des villes guinéennes, tout semble normal, mais beaucoup de celles qui sont proches de la frontière sierra-léonaise ont été détruites. Robert Tedouno, secrétaire national de l’Organisation catholique pour le développement humain, une organisation dont Caritas-Guinée se sert pour le développement et l’assistance humanitaire, dit: «Les villes proches de la frontière du Liberia, comme Gueckedou, ont toutes été détruites. La situation humanitaire est mauvaise, mais nous avons pu aider les habitants à reprendre leurs travaux de culture en leur donnant des semences et de petites sommes d’argent».

La guerre en Guinée a été de courte durée, mais au grand dam des revenus nationaux. Depuis que les troubles internes de ces pays ont débordé en Guinée, sous forme de réfugiés et d’escarmouches frontalières, les relations avec le Liberia et la Sierra Leone sont devenues très tendues. Le gouvernement s’est attelé à la réinstallation des déplacés et à la reconstruction des villes et villages détruits. Selon Tedouno, les investisseurs que la guerre avait fait fuir, reprennent le chemin du retour. «Bientôt notre économie sera aussi robuste qu’auparavant», dit-il. «Notre pays est riche en or».

Bien que la guerre soit finie, les Sierra-Léonais — dont on se méfiait auparavant parce que les rebelles du RUF avaient pris part à l’insurrection guinéenne — continuent à être maltraités et la méfiance persiste. Les Guinéens croient que chaque Sierra-Léonais est un rebelle, et que leur présence dans le pays compromet les maigres moyens disponibles. Les Sierra-Léonais payent le loyer en dollars, ce qui rend les Guinéens furieux, parce qu’ils ne trouvent plus aucun logement à un prix abordable.

Le troisième round

En Guinée même, la situation n’est pas très sûre. L’opposition menée par le professeur Alpha Condé est un cauchemar pour le président Lansana Conté. Tout le pays est polarisé sur des questions ethniques. Les Mandingues, une des plus grandes tribus, ont donné leur appui à Alpha Condé, qui est mandingue. Les Fula, une autre grande tribu, soutiennent Mamadou Bah, un retraité de la Banque mondiale. Les Susu et les autres tribus minoritaires sont pour le président Conté, qui est susu.

Le président a lui aussi rejoint la file d’attente de ceux qui veulent un «troisième round», c’est-à-dire les leaders africains qui briguent un troisième mandat. L’opposition guinéenne affirme que si le président obtient un troisième mandat, cela fera de lui un président à vie. «Il ne sera pas différent de Ahmed Sékou Touré, qui a dirigé la Guinée comme si c’était sa propre ferme», dit Moussa Cissé, un activiste politique. Certains Guinéens craignent que si le président réussit à se faire réélire, l’instabilité s’installe dans le pays, à cause des violentes protestations qui suivront certainement ces «élections truquées». D’autres pensent que Lansana Conté est capable de supprimer toute insurrection, comme il l’a déjà fait lors de la dernière guerre civile.

Les Sierra-Léonais résidant en Guinée craignent ces prochaines élections. Beaucoup se préparent déjà à retourner chez eux. Le rapatriement a déjà commencé, mais, pour certains, il est beaucoup trop lent.


Ndr - Pour d’autres informations sur la guerre civile en Guinée, voir ANB-BIA , Nº 405, 406, 407.

 


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