ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 428 - 15/02/2002

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Congo-Brazzaville
Le référendum a eu lieu, mais...


ELECTIONS

A travers diverses consultations électorales, la démocratie est en train de
reprendre progressivement ses lettres de noblesse en République du Congo

Le top du processus démocratique, en panne depuis plusieurs années à cause des guerres civiles, vient d’être donné par le référendum constitutionnel du 20 janvier 2002. Hormis les failles signalées ici et là, ce premier vote-test du régime transitoire suscite espoir et optimisme. Pour une population de près de 3 millions d’habitants, 1.645.635 électeurs étaient invités à s’exprimer dans les isoloirs. Le taux de participation a été de 77,98%, et 84,26% des votants ont opté en faveur du “oui”. Ces résultats rendus publics le 23 janvier par le ministre de l’Intérieur, Pierre Oba, seront validés par la Cour constitutionnelle, qui attend les recours en annulation des opposants. Ceux-ci crient déjà à l’annulation pure et simple du scrutin parce qu’entaché d’irrégularités et de fraudes. Ce qui indique peut-être l’immaturité démocratique de certains hommes politiques congolais, déjà cause bien souvent de guerres aveugles dans le pays.

Déroulement

Malgré les appels au boycott lancés par certains membres de l’opposition, tant en exil qu’à l’intérieur du pays, les Congolais ont répondu massivement présents aux consultations référendaires qui ont fait l’objet de nombreuses tergiversations. Plusieurs défaillances ont été constatées: certaines personnes figurant sur les listes électorales n’avaient pas reçu de cartes d’électeur; d’autres, ayant reçu des cartes d’électeur, ne figuraient pas sur les listes électorales... La Commission nationale d’organisation des élections (CONEL) a donc été obligée d’intervenir auprès des présidents des bureaux de vote afin de permettre à ces deux catégories de voter, en présentant une pièce d’identité. La CONEL est appelée à prendre ses responsabilités pour que les votes à venir soient mieux organisés.

Source de polémique

«Nous contestons les résultats publiés par le ministre de l’Intérieur», réagit un membre de l’opposition plurielle. Comme il fallait s’y attendre, les consultations n’ont pas fait l’unanimité parmi les forces vives congolaises. Pour le pouvoir de Brazzaville cependant, ce référendum constitutionnel a été un véritable pari gagné dans un pays encore en situation de post-conflit. Il vient de prouver la ferme volonté du gouvernement de vouloir relancer la démocratie, où le peuple a le droit d’exprimer, calmement et tranquillement, son point de vue. Un pas vient donc d’être franchi par le pouvoir de Brazzaville.

Pour Sassou Nguesso, les Congolais disposent désormais d’une loi qui définit clairement le pays dans lequel ils vivront demain. «Une loi, affirmait-il dans son allocution à la nation à la veille du référendum, qui garantira solennellement les droits et libertés rattachés au titre de citoyen congolais. Cette loi consacre l’égalité des chances, l’égalité de l’homme et de la femme, mais aussi la protection des enfants et des personnes âgées (...). Etre des citoyens libres et égaux dans un pays en paix, telle est la volonté collective maintes fois exprimée sans ambiguïté. Tel est le choix que nous avions fait dès le 15 octobre 1997 et que nous avons réitéré au Forum national pour la paix, ainsi qu’au dialogue national sans exclusive».

Lançant un appel pressant aux Congolais, là où ils qu’ils se trouvent, de penser dorénavant “Nation”, Sassou Nguesso s’interroge: «Voulez-vous vraiment donner du crédit à ceux qui, après avoir tout détruit dans leur propre pays, ont élu domicile dans les quartiers chics de Paris ou de Londres, menaçant d’embraser de nouveau un pays que nous nous attelons ensemble à relever de ses ruines?».

Nguesso invite les Congolais à tout mettre en oeuvre pour dédramatiser les élections au Congo. «Ce n’est pas un drame, dit-il. Ca devrait être tout juste comme un match de football, où les gens d’une même famille peuvent soutenir des équipes différentes. Dans les gradins, ils peuvent soutenir des joueurs qui s’opposent, qui s’affrontent, et une équipe gagne. Lorsqu’ils se retrouvent à la maison, la vie de famille continue dans l’harmonie, et dans l’unité...».

Ce référendum a suscité pas mal de réactions, aussi bien chez les leaders politiques, que chez les organisations non gouvernementales et autres associations de défense des droits de l’homme. En témoigne le coup de colère du Collectif des ONG de défense des droits de l’homme (CDHD), qui qualifie ce scrutin de véritable hold-up constitutionnel. Dans une déclaration publiée le 21 janvier 2002, un jour seulement après le vote, le CDHD souligne: «Le référendum qui vient d’avoir lieu a consacré et renforcé le hold-up constitutionnel et électoral». Selon ce collectif, «de graves irrégularités ont été constatées qui dénotent la volonté du pouvoir de Brazzaville de faire passer, à tout prix, son projet de Constitution taillé sur mesure». Par la même occasion, il «dénonce l’attitude passive, voire complice, de l’Union européenne dans le hold-up constitutionnel et électoral en marche au Congo...».

Le point de vue de ce collectif écoeure cependant bon nombre de gens qui se disent très déçus par les querelles “politiciennes” qui minent le pays. «Nous ne voulons plus de violence dans notre pays. Nous voulons la paix. Rien que la paix. Les Congolais ont perdu, pour la plupart, leurs parents les plus chers. Ils sont encore en train de panser leurs plaies. Alors, ramener encore la logique de la guerre, serait ramener le Congo à la ruine. Nous disons, en tout cas, non à la guerre...», nous confie un étudiant.

Boycott de l’opposition

L’opposition congolaise n’est pas contente de l’organisation des élections générales par le pouvoir en place. Des nombreuses déclarations en disent long. Bernard Kolélas, ancien maire de Brazzaville sous le régime défunt, qualifie ces consultations électorales de véritables mascarades électorales. «C’est archi-faux. C’est du mensonge. L’écrasante majorité de la population n’est pas allée voter le 20 janvier. La réalité est là. Nous sommes en présence d’un coup d’Etat constitutionnel et institutionnel organisé par le pouvoir en place», affirmait-il le 24 janvier sur les antennes de Radio France internationale depuis son exil en Afrique du Sud. Des propos chassés d’un revers de la main par le ministre de l’Intérieur Pierre Oba, qui, lui, pense que ce vote référendaire était juste, libre et transparent. «Les opposants sont heureux quand ils ont menti. Il n’y a pas de coup d’Etat», rétorque-t-il.

Dans une déclaration datée du 4 janvier 2002, une des figures de l’opposition plurielle, Sathurnin Okabé, du Rassemblement pour la démocratie et le développement, appelait déjà ses militants à boycotter ce rendez-vous électoral, ainsi que les autres élections qui se dérouleront en territoire congolais. Okabé reprochait au pouvoir de ne pas tenir compte de leurs doléances portant, entre autres, sur le recensement administratif, la révision des listes électorales, et sur la participation de l’opposition dans tout le processus électoral. L’opposition dite plurielle, par la voix d’Okabé, qualifiait la commission nationale des élections comme une cellule administrative rattachée au ministère de l’Intérieur, n’offrant aucune garantie de transparence et de régularité. «Plus de 90% des membres de la CONEL se réclament du pouvoir. Et l’opposition plurielle est convaincue que tout a été mis en oeuvre par le pouvoir pour que le “non” majoritaire issu des urnes soit habilement transformé en un oui frauduleux».

Pour sa part, Martin Mbéri, ancien ministre de la Réforme foncière sous l’actuel pouvoir et proche collaborateur de l’ancien président Pascal Lissouba, se questionnait, il y a quelques mois: «Pourquoi les autorités de Brazzaville ont-elles tourné le dos à la Constitution du 15 mars 1992 pourtant votée par 82% de Congolais? La meilleure des choses eut été de reconduire cette ancienne Constitution, tout en retouchant certains articles conflictuels». Pour Mbéri, «L’actuelle Constitution ne garantit pas les intérêts du peuple. En la votant, on risquerait de faire des rois».

La nouvelle Constitution se différencie, entre autres, de celle de 1992 par son article 57 qui stipule que le président de la République est élu pour sept ans au lieu de cinq. Elle prévoit également un régime présidentiel. Le président de la République exerce le droit de grâce. Il nomme les ministres qui ne sont responsables que devant lui. Il met fin à leurs fonctions et fixe par décret les attributions de chaque ministre. Il peut aussi déléguer une partie de ses pouvoirs à un ministre. Le président de la République ne peut dissoudre l’Assemblée nationale, tout comme l’Assemblée nationale ne peut démettre le président de la République. Seule la Haute Cour de justice est compétente pour juger le président de la République en cas de haute trahison.

Il reste que les Congolais, de tous bords, se dépassionnent du débat actuel qui alimente diverses contradictions dans les états-majors politiques. Ce, pour regarder en face la situation du peuple et de l’avenir du Congo, souvent victime de l’intolérance politique et surtout du manque de dialogue franc.


Ndlr - Programme des autres élections — Scrutin présidentiel: 10 mars 2002, suivi éventuellement d’un second tour le 7 avril. Les premier et second tours des législatives ont été fixés au 12 mai et au 9 juin; les élections municipales, au 30 juin.


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