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ENFANTS
Stratégies de réinsertion et de resocialisation des enfants de la rue
Les enfants de la rue, connus à Kinshasa sous le nom de «shégués», sont un casse-tête pour les autorités de la capitale congolaise. On les retrouve dans tous les coins sensibles de la ville: marché central, alentours du stade des Martyrs, place de la Victoire, à Matonge, Boulevard du 30 juin, au niveau de la poste centrale, tout autour des marchés Gambela, Simba zikida, Wenze ya Bayaka... Ils montent et descendent sans arrêt, ils sont capables du mieux comme du pire.
Ces enfants proviennent de divers milieux. On y trouve des enfants de familles divorcées, des orphelins, des déplacés de guerre, des enfants soupçonnés de sorcellerie et chassés de leurs familles. Selon les estimations du ministère des Affaires sociales et de la Famille, il y a, à ce jour, plus de 20.000 enfants de la rue à Kinshasa, une véritable armée d’exclus et de délinquants.
Scandales dans la rue
Ces enfants, sans âge fixe (de 3 à 30 ans...), tout sexe confondu, dorment à la belle étoile. Beaucoup de scandales viennent par eux. Ils volent, arrachent des biens, agressent des paisibles citoyens, principalement les dames, mais rendent aussi des services moyennant un paiement. Ils sont toujours prêts à intervenir, pas pour porter secours, mais pour piller en cas d’accident.
Ils s’adonnent à la prostitution en plein air sans aucune gêne, sans se soucier d’une quelconque police. Des fillettes en très bas âge (de moins de 10 ans) offrent leurs corps aux hommes à vil prix (50 ou 100 francs congolais, soit quelque 0,15 ou 0,30 euros) pourvu qu’elles trouvent de quoi s’acheter une chikwangue (pâte de manioc) ou un pain. Ces enfants constituent aussi un terrain fertile pour la sorcellerie, qu’ils arrivent à se transmettre facilement.
Le 15 août 2001, pour n’avoir pas obtenu une tasse de thé et un morceau de pain exigés à une tenancière d’une cafétéria en plein air, au marché central, un shégué a renversé une marmite de thé chaud sur cette dame, provoquant des brûlures de 1er degré. Cela a créé des incidents qui ont abouti à la mort de ce shegué, et au pillage du marché et de quelques magasins environnants. Ce fut ce que la presse a qualifié des «émeutes des enfants de la rue à Kinshasa». (cfr ANB-BIA, n. 421, p. V)
En réaction à cette situation, l’autorité urbaine, en la personne de l’ancien gouverneur de la ville, M. Christophe Muzungu, a lancé l’opération «Kanga vagabonds» (arrêter les vagabonds) pour le reclassement forcé et la réinsertion sociale de ces enfants. Les centres d’hébergement doivent être conçus comme des lieux de passage transitoires, en attendant la réintégration familiale pour ceux qui en ont encore une. Quant à ceux qui n’en ont plus, il faudra leur trouver des familles d’accueil. L’initiative a rencontré l’adhésion des organisations non gouvernementales et des organismes internationaux, dont l’Unicef.
Formation et réintégration
Pour la bonne réussite de l’opération «Kanga vagabonds», l’Unicef a appuyé le ministère des Affaires sociales dans l’identification des sites d’accueil transitoires, et aide deux centres d’écoute et d’accueil transitoire des enfants: le centre Pekabo pour garçons, géré par l’ONG Aide à l’enfance défavorisée; l’Action solidaire pour les enfants en détresse, qui héberge les filles.
L’action porte sur le financement des enquêtes sociales pour la recherche des familles, la médiation, la réunification, ainsi que l’équipement pour l’hébergement (couvertures, lampes à pétrole, assiettes, gobelets, bidons d’eau, moustiquaires, ballots d’habits pour enfants…). Elle assure aussi la gratuité des soins de santé primaires grâce à l’octroi des médicaments essentiels. Ce programme prend également en compte le financement des modules d’éducation non formelle et de l’apprentissage, particulièrement des filles, aux métiers (coiffure, couture, restauration).
A l’occasion de la dernière semaine mondiale de la lutte contre la pauvreté, l’Unicef, l’Action solidaire pour les enfants en détresse, le ministère des Affaires sociales et l’Hôtel de ville de Kinshasa ont procédé à une cérémonie de réunification d’enfants de la rue avec leurs familles. Une dizaine de filles, dont la plus grande avait 18 ans avec son bébé, fruit de la rue, ont pu regagner le toit paternel. C’était comme le retour de l’enfant prodigue de l’Evangile: moment d’émotion, des pleurs de joie.
A la paroisse Marie Mama wa Bosawa, dans la commune de Kimbanseke, la ministre des Affaires sociales et de la Famille, Mme Jeanne Ebamba, a procédé, le 23 octobre 2001, à l’ouverture officielle de l’année scolaire 2001-2002 en faveur des enfants de la rue et autres défavorisés. L’année dernière, environ 4.000 enfants se sont inscrits dans ces écoles appelées «Ecoles bleues» ou «Ecoles de la seconde chance».
Mais les difficultés d’hébergement et de restauration n’ont pas favorisé un encadrement optimal de ces enfants, dont la plupart sont retournés dans la rue. Cette année, on est passé de 10 centres de formation à 20, tout en renforçant les capacités des encadreurs sociaux; l’objectif étant de briser la marginalisation des enfants dont plusieurs centaines de milliers sont exclus du système éducatif classique.
La cité Gbanela
Dans la vallée de Mbenseke Mfuti, dans la périphérie sud-ouest de Kinshasa, un campement de cultivateurs dénommé «la cité Gbanela» ou «cité de la joie» encadre aussi quelques enfants de la rue. Ce campement comprend 4 tentes disposées en demi-cercle et une bâche suspendue par des sticks dressés au milieu de ces tentes. On y trouve un petit ruisseau et des champs. 14 cultivateurs défrichent une surface d’au moins 9 ha et produisent arachides, maïs, cultures maraîchères… Ils ont déjà écoulé des dizaines de bottes de bois. Le résultat de leur travail est attendu pour février 2002. 10 enfants de la rue séjournent dans les deux œuvres: Oeuvre de reclassement et de protection des enfants de la rue (ORPER) et Oeuvre de suivi, d’éducation et de protection des enfants de la rue (OSEPER). Ils sont encadrés par quatre éducateurs, dont un ingénieur agronome.
La République démocratique du Congo voudrait trouver des solutions appropriées pour un bon encadrement des enfants de la rue, devenus de plus en plus nombreux, principalement à Kinshasa. Au lieu des campagnes de sensibilisation, des journées de réflexion et des marches, qui déboucheraient plutôt sur un énorme gaspillage de temps et des maigres moyens, il faut plutôt proposer des stratégies réalistes, à moyen et long termes, de réinsertion et de resocialisation des enfants de la rue. C’est ce que le gouvernement, les ONG et les organismes internationaux semblent comprendre et à quoi ils s’attellent. Mais, il faut des moyens, des gros moyens pour dépouiller la rue de cette armée d’exclus et de délinquants.
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