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Burkina Faso |
DEVELOPPEMENT
L’optimisme du FMI semble jurer avec le quotidien: la croissance ne signifie rien si elle ne se transforme en bien-être pour les populations.
Le toit de la maison est en paille et le plancher en terre battue. Les ouvertures servant de fenêtres n’ont ni carreaux, ni volets. Durant la saison des pluies, les gens qui dorment dans cette case n’ont aucune protection contre les intempéries. Pas plus qu’ils n’ont l’électricité, l’eau potable ou même un bol de tô (plat local à base de farine de maïs ou de sorgho) tous les jours. Tel est le visage de la pauvreté au Burkina Faso. Un visage qui se ternit de plus en plus, malgré l’amélioration du taux de croissance pendant ces dernières années. Comment combattre ce mal?
Au début du mois de septembre, les grands messieurs de la haute finance internationale ont rassuré les Burkinabé: le Burkina Faso est toujours parmi les meilleurs élèves de la classe FMI. Les feux de l’économie sont au vert et une croissance supérieure à 6% se dessinerait à l’horizon. C’est en tout cas ce qu’a laissé entendre la mission du FMI qui a séjourné au Burkina au mois de septembre 2001. Il s’agissait pour les missionnaires du FMI de faire la radioscopie financière et économique du pays. Un rapport plutôt encourageant donc, qui devrait permettre de bénéficier dans le cadre du programme “Pays pauvres très endettés” (PPTE) d’un allégement supplémentaire de sa dette extérieure à hauteur de 50 milliards de francs CFA. On ne peut que s’en réjouir.
Mais d’où vient cet optimisme qui semble jurer avec le vécu quotidien? Ironie du calendrier ou du sort, ces épanchements du FMI se sont manifestés au moment où était rendu public le rapport 2001 du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) sur le développement humain durable (DHD). Ce nouveau concept tient compte des agrégats macro-économiques, mais inclut également les services sociaux de base comme la santé, l’éducation, l’accès à l’eau potable, etc. Et sur cette base, le Burkina — malgré ses 5 ou 6% de taux de croissance dont on se gargarise tant — quitte les premières places du classement FMI pour se retrouver parmi les derniers de la classe du PNUD, où il est classé 159e sur 172.
Il est vrai que le DHD ne prend pas en considération la paix, la stabilité, la sécurité et d’autres facteurs non moins importants, qui auraient permis au Burkina de gagner quelques points et de remonter d’un cran sur l’échelle des performances. En effet, malgré sa pauvreté structurelle, il est sûrement plus vivable que nombre de pays nantis ou à revenu intermédiaire. Il n’empêche, cet état de fait est symptomatique du décalage entre les chiffres froids des technocrates et les angoisses existentielles du citoyen, car la croissance n’est rien si elle ne se transforme en bien-être pour les populatlons.
La pauvreté en chiffres
Au Burkina, le seuil monétaire de pauvreté, c’est-à-dire le montant minimum pour qu’une personne puisse satisfaire ses besoins de base, a été fixé en 1992 à 72.690 et 50.000 FCFA (1 FCFA = 0,15 EU) par personne et par an respectivement en milieu urbain et rural, et à 50.000 et 35.000 FCFA pour l’extrême pauvreté. Il ressort que près de deux tiers (63%) de la population burkinabé vivent en dessous du seuil de pauvreté et un peu plus d’un tiers (34%) sont dans une situation d’extrême pauvreté.
La situation de la pauvreté est différente selon le milieu, le genre et la catégorie socioprofessionnelle. L’indice de la pauvreté dans le milieu ruraI est de 66%, alors qu’en milieu urbain il est de 52%. En milieu rural, les ménages les moins touchés par la pauvreté sont ceux dont le chef de famille est salarié, petit commerçant ou retraité. Les agriculteurs, qui représentent 88%, ont un indice de pauvreté de 68%. Cependant, les groupes les plus touchés dans ce milieu sont ceux dirigés par une femme au foyer ou par un inactif; dans ces deux groupes, l’indice de pauvreté est de 75%. En outre, la taille du ménage et le sexe de l’individu sont aussi des facteurs d’augmentation du risque de pauvreté, aussi bien en milieu rural qu’en milieu urbain.
Les femmes, particulièrement en milieu rural, ont des incidences de pauvreté plus importantes que les hommes, qui sont deux fois plus alphabétisés que les femmes (8,5% contre 4,6%). Les populations urbaines sont 6 fois plus alphabétisées que les rurales (24,7% contre 3,3%). La vulnérabilité des ménages dirigés par une femme est due d’une part à son faible niveau d’instruction, et d’autre part à la difficulté qu’elle rencontre dans sa recherche d’emploi dans un milieu où le poids de la tradition est encore trop pesant. Ces ménages, particulièrement en milieu rural, sont les plus pauvres. Enfin, quand elles travaillent, les femmes occupent des emplois précaires.
Le taux brut de scolarisation est de 32,2%. Ce taux cache d’importantes disparités selon le milieu et le sexe. En effet, il est de 74,8% en milieu urbain et seulement de 23,9% en milieu rural. En outre, 41% des garçons sont scolarisés contre seulement 23% des filles. L’aspect sanitaire connaît quant à lui un déficit: en 1998, la couverture sanitaire était de 42%, le taux de mortalité infantile très élevé (274 pour mille). En outre, 123 enfants sur mille mourront avant l’âge d’un an, et 172 avant l’âge de 5 ans. De plus, les enfants souffrent de malnutrition: 41% vivent dans une situation de malnutrition chronique et 20% sont atteints de malnutrition chronique sévère.
En définitive, il convient de constater que toutes les enquêtes montrent que le Burkina est l’un des pays les plus pauvres de la planète, quels que soient les indicateurs choisis. La grande proportion de la population ne mange toujours pas à sa faim. La pauvreté est générale, profonde et permanente.
Croissance ou lutte contre la pauvreté?
Face à cette pauvreté, le gouvernement doit-il rechercher avant tout la croissance économique ou se concentrer sur la lutte contre la pauvreté? C’est là un débat futile, car l’expérience montre que dans une large mesure, croissance et recul de la pauvreté vont de pair. Il faut donc se demander quels types de politiques sont propices aux deux à la fois.
Diverses études récentes conduites par le gouvernement ont identifié les principaux obstacles à une croissance équilibrée. Il s’agit de la faiblesse du capital humain qui contribue à la faiblesse de la productivité et au niveau de chômage très élevé; l’insuffisance d’infrastructures de développement économique, qui explique le coût élevé des facteurs de production et l’étroitesse du secteur moderne de l’économie; l’insuffisance des capacités nationales et le faible degré d’ouverture de l’économie sur l’extérieur.
La croissance économique est certainement indispensable pour relever le niveau du revenu général et le bien-être des populations burkinabé, mais elle n’est pas suffisante pour lutter contre la pauvreté et les inégalités. Dans le cadre d’une politique économique qui se veut judicieuse et efficace pour les couches les plus larges de la population, l’équité doit être un objectif essentiel.
Il n’est pas aisé d’entreprendre une étude sur la pauvreté, en raison de l’étroite interrelation des aspects économiques, politiques, psychologiques, culturels et sociaux du phénomène. Les causes et les dimensions de la pauvreté sont aussi inséparables du développement de l’économie mondiale dominante: la pauvreté ne peut plus être perçue comme un phénomène pathologique, elle est devenue fonctionnelle. Ce qui revient également à dire que, dans le contexte actuel de la mondialisation des économies, une étude sur l’inégalité de la pauvreté dans les pays africains, ne saurait se situer en dehors du contexte général des rapports entre pays développés et pays en voie de développement.
En ce qui concerne le Burkina Faso, la pauvreté y est un phénomène structurel historiquement daté. C’est un pays géographiquement enclavé, sans débouchés maritimes, avec un sol et un sous-sol pauvres. La mauvaise pluviométrie affecte gravement l’agriculture, la principale activité qui occupe la grande partie de la main-d’oeuvre. En sus, les mauvais choix des politiques d’investissement public, les détournements des deniers publics, auxquels sont venus s’ajouter les effets pervers des programmes d’ajustement structurel et de la dévaluation du FCFA, ont accru la pauvreté dans un pays qui a toujours été classé parmi les pays les plus pauvres de la planète. C’est pourquoi, les autorités burkinabé ont choisi de définir la pauvreté, non pas uniquement comme un défi économique, mais aussi comme la somme des urgences sociales et politiques.
Le CSLP, un document vivant et consensuel
Le Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté (CSLP) est un document vivant, élaboré dans un processus participatif. Une large implication de toutes les parties prenantes devrait permettre de combattre durablement la pauvreté.
Conscient cependant du caractère limité des ressources dont il dispose et soucieux de réalisme dans son approche des problèmes, le gouvernement a énoncé ses priorités de développement en matière de lutte contre la pauvreté. Il s’agit d’abord de s’attaquer au déficit social, à la sécurité alimentaire, et à l’accès des pauvres à l’eau potable. Au cours des années à venir, l’accélération de la croissance économique devra améliorer l’impact et l’efficience des politiques publiques, avec une focalisation dans un premier temps sur les secteurs sociaux, et s’appuyer sur une gestion rationnelle des ressources naturelles et sur l’instauration d’une meilleure coordination de l’aide publique au développement.
La réalisation des objectifs de lutte contre la pauvreté s’articule autour de quelques programmes organisés en quatre axes stratégiques pour lesquels des actions prioritaires chiffrées sont envisagées.
Il s’agit d’un programme ambitieux. Le Burkina en a-t-il les moyens? Pour le moment on ne peut répondre à cette question. Mais ce qui est sûr, c’est que le pays dispose d’atouts favorables à l’exécution de ce programme de développement. D’abord, il y a l’initiative PPTE, allégement de la dette aux pays les plus pauvres. La pauvreté étant un phénomène essentiellement rural au Burkina, l’essentiel des ressources issues de l’initiative sera affecté au profit des secteurs sociaux (éducation de base et de santé) et celui du développement du monde rural (agriculture, ressources animales, hydraulique, pistes rurales). Et comme le document CSLP a été examiné et adopté par le conseil d’administration de la Banque mondiale en juin 2000, la mise en oeuvre de cette initiative de base a permis au pays de mobiliser effectivement, à la fin de l’année 2000, une enveloppe de 7.250 millions FCFA, destinée à financer des actions de lutte contre la pauvreté dans les secteurs sociaux cités.
La réduction de la pauvreté est certes un défi colossal. Mais il est possible de réaliser des progrès rapides à condition qu’existent la volonté politique et un véritable esprit de partenariat entre les gouvernements, la société civile et le secteur privé.
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