ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 429 - 01/03/2002

CONTENTS | ANB-BIA HOMEPAGE | WEEKLY NEWS


Congo-Brazzaville
Un jeu de ping-pong


DROITS DE L’HOMME


30 ans de prison pour Lissouba, plaintes contre Sassou à Bruxelles

Les hommes politiques congolais n’ont pas encore fini d’étonner. Depuis dix ans, ils s’accusent mutuellement d’avoir commis des méfaits contre leurs peuples et d’avoir organisé avec la complicité de puissantes multinationales des crimes économiques et de sang contre le Congo. Dernier épisode en date, le procès contre Lissouba à Brazzaville pour avoir bradé le pétrole aux Américains. Sassou, lui, est objet de plaintes devant la justice belge. Les spectacles que les hommes politiques africains nous offrent ressemblent bien souvent à un jeu de ping-pong. Tu m’envoies la balle, je la remets, et ainsi de suite.

Le procès de Brazzaville

C’est le cas de ce qui vient de se passer à Brazzaville. Lee 27 et 28 décembre, l’ancien président congolais Pascal Lissouba a été condamné par contumace à 30 ans de travaux forcés avec une amende de 25 milliards de francs cfa à payer à l’Etat congolais. Ses lieutenants, les anciens ministres Moungounga Nguila, Yhombi Opango… écopent 20 ans de prison.

Le principal motif: avoir bradé le pétrole en 1993 à la société américaine Oxy au prix de 3 dollars le baril au lieu de 14. Pour un montant total de 150 millions de dollars. Car la société française Elf, qui fait du pétrole du Congo sa chasse gardée, avait refusé à Lissouba une avance gagée sur l’or noir. Ce qui lui aurait permis de payer les travailleurs, les salaires des fonctionnaires, les bourses des étudiants et les pensions des retraités…

Le pays était au bord de l’explosion sociale. Surtout qu’il fallait aussi des armes pour préparer la guerre qui pointait à l’horizon.

Pourtant, a dénoncé Claudine Munari, ancienne directrice de cabinet de Lissouba, tous les gouvernements qui se sont succédé ont trempé dans les mêmes pratiques honteuses. Et cela n’a jamais fait l’objet de procès. Même la Conférence nationale, en 1991, avait abondamment stigmatisé ces pratiques. Le procès n’a pas eu malheureusement de contrepoids. Les partisans de l’ancien régime estiment que c’est une façon de salir Lissouba et de l’empêcher, comme ses collaborateurs, de se présenter aux élections de cette année.

L ‘affaire des 353 disparus

Des observateurs croient aussi que ce procès est surtout une réplique à une douloureuse affaire qui empoisonne le climat politique congolais depuis quelques mois. Il s’agit de l’affaire des 353 disparus du beach de Brazzaville, entre avril et mai 99, et dont le régime Sassou Nguesso serait responsable.

Congolais en majorité sudistes, originaires de la région du Pool, fief électoral de Bernard Kolelas, dernier Premier ministre de Lissouba, ces gens s’étaient réfugiés au Congo-Kinshasa, où ils avaient fui les combats de 98-99. A la faveur de l’accalmie dans les quartiers sud de la ville, et suite à la «propagande» du gouvernement, qui présentait ces zones comme désormais pacifiées, ces populations avaient été appelées à regagner leurs quartiers. Le mouvement de retour s’était opéré entre avril et mai 99, grâce à un accord tripartite entre les gouvernements des deux Congos et le Haut commissariat aux réfugiés basé à Kinshasa.

Ainsi, au port de Brazzaville, des centaines de réfugiés congolais vont être enlevés en plein jour, devant les civils et militaires, au vu et au su du HCR. Conduits vers des destinations inconnues, on ne les a plus jamais revus. Au micro de Radio France internationale, le 30 juillet dernier, Christian Mounzéo, secrétaire général de l’Observatoire congolais des droits de l’homme, commentait: «Même dans les sites des déplacés, églises, couloirs humanitaires… des gens ont été enlevés. De même qu’à Pointe-Noire». Ce militant des droits humains s’étonne du silence du HCR et de la communauté internationale.

Ebranlé par cette affaire, le Conseil national de transition (Parlement provisoire) a créé une commission pour enquêter sur ce drame. Il estime cependant qu’il faut aussi faire la lumière sur tous les disparus depuis 1992, quand éclatèrent les premières violences. Ce que les organismes des droits humains au Congo rejettent. Pour eux, c’est un moyen de noyer l’affaire des 353 disparus du beach. Car «ces personnes ont été enlevées devant tout le monde. On a vu comment on les triait dans la foule des gens qui rentraient de Kinshasa. La guerre était déjà finie. Or, les victimes de 92 à 97 ont disparu pendant la guerre. Difficile de savoir dans quelles circonstances mouraient les gens», rappelle un militant des droits de l’homme.

Mais le milieu politique congolais ne croise pas les bras. Les parents des victimes ont déposé plainte contre Sassou devant la justice belge. Déjà le 11 octobre dernier, trois Congolais originaires du sud du Congo ont remis à la justice belge une plainte contre Sassou et la compagnie TotalfinaElf «pour crimes contre l’humanité». Crimes qui auraient été commis par les forces de Sassou pendant la guerre de juin à octobre 97, opposant les partisans de Sassou à ceux de Lissouba. Les plaignants affirment avoir perdu des proches durant cette guerre. Ils s’en prennent aussi a la société TotalfinaElf qu’ils accusent d’avoir fourni des armes à Sassou. Pour le gouvernement congolais, qui balaie tout cela du revers de la main, «il s’agit d’une répétition d’un même exercice de diversion. Chaque fois que nous nous trouvons à quelques jours d’un événement important, les gens créent à l’extérieur une opération de diversion», réplique François Ibovi, ministre congolais de la Communication. Un véritable match de ping-pong, au moment où 1,5 million de Congolais vont reprendre, après dix ans, le chemin des urnes.


SOMMAIRE FRANCAIS | ANB-BIA HOMEPAGE | WEEKLY NEWS


PeaceLink 2002 - Reproduction authorised, with usual acknowledgement