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Congo RDC |
VIE SOCIALE
Après l’éruption du Nyiragongo, le souci de la population de Goma est de voir sa ville reconstruite. Mais une question tout aussi cruciale se pose: faut-il délocaliser Goma?
Le mercredi 16 janvier 2002, pendant qu’à Kinshasa l’heure était à la commémoration de l’assassinat du président Laurent Désiré Kabila, le volcan Nyiragongo semait mort et désolation à Goma. En 48 heures, la lave s’est rendue maîtresse de la ville, chassant les occupants et emportant tout sur son passage. Deux semaines après la catastrophe, la population regagne progressivement la ville et touche du doigt les horreurs causées par le volcan. Les habitants se rendent compte maintenant du danger que constitue la proximité d’un volcan. La ville est méconnaissable. Près d’un tiers de la population se retrouve sans habitations. Des parents sont séparés de leurs enfants, sans beaucoup d’espoir de les retrouver. Le centre des affaires, ainsi que bon nombre d’édifices publics ont été rayés de la carte.
Devant l’ampleur des dégâts, la question se pose de savoir s’il faut reconstruire l’ancienne ville ou la délocaliser pour la rebâtir à l’abri des méfaits possibles des volcans. Rappelons que le Nyiragongo n’est qu’un volcan parmi une dizaine d’autres qui surplombent la ville de Goma et qui constituent autant de dangers pour elle.
Délocaliser?
En fait, la question de la délocalisation de Goma s’était déjà posée en 1979, deux ans après la dernière grande éruption du même Nyiragongo. 2.000 personnes avaient alors péri dans la catastrophe, mais la ville fut épargnée de justesse. Haroun Tazieff, le célèbre vulcanologue français, à l’issue d’une visite sur le volcan, avait conclu qu’à terme, la ville de Goma était condamnée à disparaître. Cette déclaration du vulcanologue, jugée insensée à l’époque, doit sûrement retentir dans certaines mémoires à la vue des ravages causés par la dernière éruption.
Même si, en ces circonstances de guerre, la question ne constitue pas une priorité pour le gouvernement de Kinshasa, elle n’en est pas moins au centre des débats des intellectuels et des politiques. Salomon Banamuhere, le ministre en charge de l’environnement et ressortissant de la province du Nord-Kivu, a publiquement envisagé l’idée de construire une nouvelle ville sur un site plus salubre. Il a été rejoint par Amédée Kirarahumu, ancien ministre et actuel président d’une ONG opérant au Nord-Kivu. Selon Kirarahumu, la nouvelle capitale du Nord-Kivu, du moins en ce qui concerne les services administratifs, devrait s’établir dans la ville de Kayna, au centre de la province et loin de l’environnement des volcans.
Ce n’est pas l’avis de certains spécialistes, qui estiment que le plus important est de reconstruire la ville de Goma, mais en tenant compte de la présence des volcans. Gabriel Sawasawa, membre du Centre national de géophysique, a étudié la volcanologie au Japon. «En dépit du traumatisme provoqué par la dernière éruption du Nyiragongo, affirme-t-il, la solution n’est pas tant de délocaliser la ville de Goma, sinon les Japonais auraient déjà abandonné leur île, une région volcanique par excellence et exposée à tous les dangers. Nos architectes doivent plutôt concevoir à Goma une ville qui puisse vivre avec les volcans, un peu comme certains malades qui doivent vivre avec leurs maladies, tout en sachant qu’à terme, ils sont condamnés». Gabriel Sawasawa propose une architecture adaptée aux régions volcaniques et l’aménagement d’abris appropriés pour la population en cas de tremblement de terre ou d’éruption.
Entraide
Tandis que les pro et anti-délocalisation s’opposent sur le sort à réserver à la ville de Goma, les populations concernées n’y trouvent pas matière à débats. «Goma ne serait plus Goma si elle était reconstruite ailleurs», répondent-ils quand on leur pose la question. Roger Kena est arrivé à Kinshasa une semaine avant l’éruption du Nyiragongo. Sa maison a été emportée par la lave. Par bonheur, sa famille avait eu le temps de fuir vers Gisenyi, la ville voisine au Rwanda. «Nous allons essuyer nos larmes après la perte de parents, amis et biens matériels, s’écrie-t-il, mais nous reconstruirons notre ville de Goma en moins de temps qu’on ne le pense». Roger Kena ne croit pas que la catastrophe soit un fait du hasard. Il est convaincu — et il n’est pas le seul — que la dernière éruption est un message de la nature aux rebelles de Goma afin que cesse la guerre.
Avec d’autres ressortissants du Nord-Kivu, Roger Kena tente de mobiliser les bonnes volontés de Kinshasa pour venir en aide aux sinistrés. Au million et demi de dollars du gouvernement congolais, se sont ajoutées d’autres aides de sources variées. Organismes humanitaires, hommes d’affaires, confessions religieuses, simples particuliers, les Kinois ont spontanément mis la main à la poche. Chaque matin, un C-130 de la Monuc (Mission d’observation des Nations unies au Congo) s’envole sur Goma avec des tonnes d’aides alimentaires, de vêtements et d’autres articles de première nécessité.
Sur place à Goma, la population accepte stoïquement son sort, si l’on en croit M. Hilaire Masumbuko, agent humanitaire qui vient de rentrer d’une mission à Bukavu et à Goma. «La ville de Goma ne ressemble plus à rien, nous raconte-t-il. Nous avons pu atterrir avec peine sur la portion de piste utilisable. Mais contrairement à ce que l’on pouvait penser, les gens ont préféré vivre dans cette misère plutôt que d’accepter l’hospitalité des camps de réfugiés au Rwanda. La population s’est investie pour dégager la lave des artères principales de la ville, de sorte que les véhicules qui apportent l’aide alimentaire puissent passer».
Hilaire Masumbuko a également été frappé par la solidarité de la population. Les organisations humanitaires n’ont pas eu à construire de vastes camps de réfugiés. Les familles qui avaient perdu leur résidence ont été spontanément hébergées par celles dont les maisons avaient été épargnées. «La fierté de la population, qui a défié la lave plutôt que de rester au Rwanda dès le lendemain de l’éruption volcanique, ajoute Hilaire Masumbuko, est de voir les organisations humanitaires les suivre à Goma. Ainsi la réhabilitation des infrastructures endommagées par la coulée de lave ne se fera que plus rapidement».
A Goma, on peut maintenant se rendre de l’est à l’ouest sans problème, chose impossible au début. Cela ne se serait sûrement pas fait si les populations étaient restées dans les camps de réfugiés au Rwanda. Au contraire, pensent-elles, l’aide aurait bénéficié plus au Rwanda qu’aux Congolais. En outre, la route reliant Goma au nord de la province a été rouverte à la circulation, ce qui facilite l’approvisionnement en denrées alimentaires des riches régions de Rutshuru et en poissons du lac Edouard.
La ville de Goma, bien que fortement détruite, ne sera donc probalement pas délocalisée. Avec un peu de chance, les quartiers détruits seront reconstruits. C’est un travail de très longue haleine. La population attend la solidarité de la communauté internationale.
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