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SANTE
Les villageois de Mékambo défient l’équipe de l’OMS
Le virus Ebola et les villageois de Mékambo, dans le nord-est du Gabon, continuent à défier les stratégies des équipes médicales de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), malgré la mise en place d’un cordon sanitaire. Les épidémiologistes avaient été contraints par les villageois de plier bagages pour se replier vers Makokou, la capitale provinciale, alors qu’ils s’efforçaient de faire cesser des pratiques traditionnelles, y compris le lavage rituel des cadavres, qui favorise la propagation d’une épidémie non encore contenue.
La fièvre hémorragique de type Ebola a déjà tué une trentaine de personnes à Mékambo et dans des villages frontaliers du Congo-Brazzaville, depuis son apparition au début du mois de décembre. Partie du village Ekata, à 8 kilomètres de la frontière, l’épidémie continue de se propager. La fièvre hémorragique fut identifiée au Gabon pour la première fois en 1994, et des flambées de fièvres se sont produites en février et en juillet 1996, faisant 86 victimes.
Un virus très dangereux
Le virus “Ebola”, du nom d’une rivière de la République démocratique du Congo (RDC), a été découvert dans ce pays en 1976, à Yambuku, sur la rivière Ebola précisément; cette même année, il a aussi été identifié à Nzara, dans la province ouest-équatoriale du Soudan, proche de cette région. Ebola est l’un des virus les plus dangereux en raison de la facilité de sa transmission, du taux élevé de mortalité qu’il entraîne et des symptômes pénibles qui l’accompagnent. Aucun vaccin n’a été découvert à ce jour. La maladie se manifeste par une brusque montée de la température, avec des douleurs musculaires, des céphalées et des maux de gorge. Surviennent ensuite vomissements, diarrhées, éruption cutanée, insuffisance rénale et hépatique, et hémorragies internes et externes. Cette fièvre entraîne la mort chez 50% à 90% des malades et les premiers signes apparaissent dans les 3 à 21 jours.
Selon les scientifiques et les experts de l’OMS, les forêts tropicales d’Afrique et d’Asie constituent des réserves naturelles du virus Ebola, et plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer l’origine de ces flambées. En Afrique, il y a eu plusieurs foyers du virus. De juin à novembre 1976, il a infecté 284 personnes au Soudan, faisant 117 morts. Au Congo-RDC, il y a eu 318 cas et 280 décès en septembre et octobre 1976; et en 1995, il y a eu 315 cas à Kikwit, dont 244 mortels.
Les populations excédées
«Ici, les habitants sont très inquiets, mais ils se sentent harcelés, car l’équipe des spécialistes venus de Genève leur impose des contraintes d’hygiène. De plus, nos mouvements sont constamment contrôlés», souligne M. Victor Ngoubou, maître d’école.
Les localités à risques sont Mékambo, Makokou et Booué dans la région de l’Ogooué-Ivindo. L’isolement relatif de la région a évité la diffusion rapide de la contagion. Pour des raisons économiques, la ligne de chemin de fer, dont le terminus est à Booué, n’a pas été prolongée jusqu’à Mékambo, comme prévu depuis une trentaine d’années. «Cela aurait constitué un facteur aggravant de l’épidémie, en entraînant des mouvements de populations vers les grandes villes plus peuplées», explique Fabien Ndong, infirmier à l’hôpital de Makokou.
«Il faut informer et sensibiliser les communautés ainsi que les autorités locales sur les règles de prévention, et envisager la prise en charge psychologique et sociale des malades et des familles touchées par le virus Ebola», a souligné le directeur régional de la santé, le Dr Prosper Abesssolo Mengue. Malgré ces mesures, le virus Ebola a déjà touché le Congo tout proche. D’après M. Mengue, «au moins une femme atteinte par la maladie a franchi la frontière avec le Congo». Durant le mois de décembre, quatre villages avaient été mis en quarantaine, mais pas assez tôt pour empêcher une femme porteuse du virus de passer la frontière. Le responsable du service de santé à Makokou, M. Firmin Tcheka explique: «Ici, la frontière est arbitraire et les populations se déplacent d’un village à l’autre, naturellement».
Allaranga Yokouidé, épidémiologiste de l’OMS, a imposé à la population de «ne pas toucher les animaux trouvés morts dans la forêt, ni tuer les animaux ayant un comportement anormal, c’est-à-dire ne fuyant pas devant le chasseur». Or, dans ces villages reculés, les gens vivent de chasse, de pêche et de cueillette. D’autre part, les équipes médicales ont interdit aux populations d’évacuer elles-mêmes les malades et leur recommandent surtout de ne pas les toucher avec les mains nues, et encore moins les vomissements, les selles, le sang, la sueur, ou les urines des malades.
Les villageois de la région de la Zadié, dans le nord-est du Gabon, se sont dressés contre les mesures de l’OMS qui leur interdisent d’honorer leurs morts et de manger de la viande de singe ou d’autres primates. Interrogé s’il était prêt à interdire le commerce et la consommation de viande de chasse sur toute l’étendue du territoire national, le ministre de la Santé, M. Faustin Boukoubi, a répondu: «Les techniciens sont en train de réfléchir sur la question. Le problème risque de provoquer une panique totale parmi la population. D’abord, il y a un cordon sanitaire qui a été établi autour de l’Ogooué-Ivindo, et on est quasiment certain aujourd’hui qu’aucun gibier ne sort de cette région».
«Non seulement on nous impose une rigueur dans nos comportements, on nous demande en plus de ne pas consommer de la viande de chasse. C’est une véritable punition et nous n’en avons pas besoin», dénonce le chef du petit village Ekata, près de Mékambo.
Virus sous haute surveillance
Le virus Ebola fait toujours partie des virus sous haute surveillance en Afrique centrale, et particulièrement au Gabon, où une équipe de spécialistes de l’OMS a été dépêchée. De cet agent pathogène, on ne sait pratiquement rien. Depuis 1976, date à laquelle le virus Ebola a frappé pour la première fois, il réapparaît aussi mystérieusement que régulièrement en Afrique centrale. Mais on sait fort peu de choses sur ses origines. L’homme n’en est pas le principal réservoir: ce serait plutôt le singe, selon une chaîne de transmission qui reste à déterminer. Certains pensent aussi qu’il pourrait s’agir d’un virus de plante qui infecterait les vertébrés.
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