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Ouganda |
DEMOCRATIE
La politique — une percée à la manière ougandaise
Le président Yoweri Museveni doit faire face à une opposition croissante à sa façon de gouverner. Son Mouvement de résistance nationale (NRM) est objet de critiques, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Le NRM est un système sans partis politiques, mais composé de politiciens de différentes tendances. Depuis 16 années, il domine la scène politique ougandaise, comme une alternative au système du multipartisme. Les partis traditionnels ne peuvent pas opérer en dehors de leurs bureaux, parce que, dit-on, le pays n’y est pas encore prêt. On dit aussi que ces partis ont été associés au passé turbulent de l’Ouganda.
Mais en fait, de plus en plus, les partis politiques font fi de ces restrictions. Le 12 janvier 2002, le Congrès populaire de l’Ouganda (UPC), dirigé par l’ancien président Milton Obote (maintenant en exil en Zambie), a essayé d’organiser un meeting dans la capitale Kampala. La police est intervenue avec force pour disperser la foule. Un étudiant a été tué et plusieurs autres blessés dans une échauffourée devant le quartier général de l’UPC. L’officier qui avait dirigé cette opération a été arrêté, ainsi que plusieurs dirigeants de l’UPC, dont le président en charge, James Rwanyare.
Les supporters de l’opposition ont été outrés de ce qui s’était passé. «La victime a été tirée dans le dos. Cela montre bien qu’il voulait fuir et non pas attaquer la police», dit Aggrey Awoli, député et sympathisant de l’UPC, qui était présent.
Les avocats du multipartisme
Les avocats du multipartisme politique sont prêts à relever le défi, et disent qu’ils ne s’arrêteront pas. Le dirigeant du Parti conservateur, John Lukyamuzi, qui avait lui aussi organisé un rassemblement, début janvier, et fut arrêté par la police, est déterminé à en préparer un autre. Quant à l’UPC, il a déclaré que rien ne l’arrêtera. «Le nom de l’étudiant assassiné sera le symbole de la bataille que veut mener l’UPC contre la dictature, les terroristes et le terrorisme», a déclaré Milton Obote.
Le Parti démocratique, dont le dirigeant Paul Ssemogere a participé aux élections présidentielles en 1996, est également partisan d’une démocratie multipartite, dont les sympatisants se recrutent surtout parmi l’élite des régions urbaines et aussi dans le nord. Le NRM est populaire dans les régions rurales du sud.
Les partis ont fait de réels progrès lors des élections locales du 10 janvier 2002, et sont maintenant occupés à rétablir des structures politiques au niveau de la base, en préparation des élections générales de 2006. Ils esquivent les tentatives du gouvernement de limiter leurs activités. Museveni a refusé de donner son approbation au projet de loi de l’Organisation politique (2001) qui devait permettre aux partis de se réorganiser au niveau de la base; mais ces derniers sont décidés à le faire quand même.
L’opposition est convaincue que ses aspirations sont soutenues par les donateurs. Le Danemark, les Etats-Unis et d’autres pays ont demandé à Museveni de mettre en place un processus permettant un passage du pouvoir dans le calme, et d’introduire le multipartisme aux élections de 2006.
Pourtant, les partis sont inquiets. Les bailleurs de fonds continuent à soutenir massivement le programme économique de Museveni et le considèrent comme un dirigeant solide. Malgré cela, les supporters du multipartisme ont reçu le soutien de pays voisins, dont certains ont menacé de jouer un rôle actif dans la politique en Ouganda. Le Rwanda aurait soutenu le Dr Kiiza Besigye dans sa campagne à la présidence et a aussi donné asile à des militaires haut gradés qui l’avaient aidé dans cette campagne en mars 2001.
Des scissions dans les rangs
Les partis ont aussi découvert de sérieux désaccords dans les rangs du NRM. Ainsi, des hommes politiques comme Eriya Kategaya, vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur, allié de longue date de Museveni; James Wapakhabulo, ministre des Affaires étrangères; Bidandi Sali, ministre d’un gouvernement local — tous voudraient une ouverture politique.
Dans ses déclarations officielles, Museveni est resté intraitable, mais ces derniers temps, il a montré quelques signes de fléchissement. Il a formé un groupe d’experts qui doit le conseiller sur la libéralisation de la politique ougandaise.
Certains sympathisants du NRM commencent à s’inquiéter de sa gestion de l’économie du pays, surtout à propos des privatisations et du programme pour la réforme de la fonction publique. Selon les rapports du gouvernement, l’Etat a vendu 108 entreprises parastatales. Mais cette privatisation n’a pas contribué à la distribution des richesses, comme prévu. Pourquoi? Parce que plusieurs de ces compagnies ont été achetées par des ministres et des officiers supérieurs, et que donc le secteur privé n’a pas pu récupérer les 200.000 personnes qui ont perdu leur emploi dans ce programme de restructuration. Museveni se rend compte du mécontentement grandissant à son égard et à celui du NRM. C’est pourquoi le NRM a demandé l’aide de l’Afrique du Sud, surtout celle du Congrès national africain (ANC), pour l’aider à se transformer en parti politique, au cas où…
Mais il reste un problème grave: l’armée, qui est au centre de la politique. Museveni a nommé de plus en plus de Hima aux postes importants de l’état-major. Le général Jeje Odongo, un Iteso de l’est de l’Ouganda, commandant en chef de l’armée ougandaise, a été remplacé par le général James Kazini, un Hima. Museveni a aussi rappelé dans les rangs de l’armée le général Elly Tumwiine, David Tinyefuza et Salim Saleh, tous trois des Hima. Kazini lui-même a souligné l’influence des Hima dans l’armée: sur les 40.000 hommes, on compte 4.000 Hima, alors que cette ethnie ne représente que 1% de la population. C’est significatif.
Les spéculations vont bon train. On se demande quel jeu joue le NRM. Une situation chaotique, causée par la percée des partis politiques, pourrait permettre à l’armée de prendre le pouvoir. Ou bien Museveni pourrait revenir à un système multipartite et se présenter dans ce système pour un autre mandat de président.
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