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Afrique du Sud |
POLITIQUE
Le Congrès national africain (ANC), un des plus anciens partis politiques de l’Afrique, célèbre cette année, son 90e anniversaire
L’ANC a été fondé le 8 janvier 1912: des chefs traditionnels et des Africains formés s’étaient rassemblés pour lancer un groupe de pression, en vue d’influencer la politique du gouvernement pour les problèmes des «indigènes». Depuis lors, le parti et les personnalités ont connu une longue histoire avec des hauts et des bas. Certains chefs ont continué d’occuper des postes clefs. Albert Luthuli en est un exemple typique: à la demande du gouvernement de l’époque, il sacrifia sa fonction de chef pour devenir le dirigeant de l’ANC. Il a été le premier Sud-Africain et le premier dirigeant de l’ANC à recevoir le prix Nobel pour la paix.
Par après, l’ANC a abandonné son alliance avec les chefs traditionnels, malheureusement devenus des instruments de l’apartheid dans la politique des Bantustan. Dans les années 80, ils évitaient les activistes du parti. De nos jours pourtant, l’ANC courtise à nouveau les chefs tribaux — retour remarquable aux jours où ces derniers étaient membres à part entière du parti. Selon Joe Mati, un analyste politique, c’est probablement là que réside la vraie sécurité politique de Mbeki. A maintes reprises, la direction du parti a demandé à ses membres de respecter les chefs parce qu’ils sont les dirigeants de la société noire.
L’ANC s’est assuré que le rôle des chefs soit reconnu dans la Constitution, mais il s’est bien gardé de leur donner une autorité significative. Thabo Mbeki le reconnaît, et il souligne que c’est encore et toujours la “race” qui détermine la politique dans le pays. Elle forme certainement encore le noyau de son électorat.
L’ANC — un terrain disputé
En tant que mouvement comprenant des libéraux et des nationalistes, l’ANC a toujours été un terrain contesté. Différentes écoles de pensées ont cherché à influencer sa politique. Herbert Adam, de l’université Simon Fraser au Canada, décrit l’ANC comme étant «un parti de la classe moyenne, engagé à enrichir une élite noire». Et il ajoute: «Le rôle historique de l’ANC est aussi bien de représenter que de contrôler la majorité des pauvres».
Mbeki a souvent répété qu’il voulait que le groupe indiscipliné des hommes d’affaires noirs se mette d’accord. Il a aussi souvent reproché publiquement aux membres de l’élite noire de rechercher la richesse sans se préoccuper d’obligations sociales. Lors de la dernière réunion du conseil général de l’ANC à Port Elizabeth, le parti a adopté un nouveau concept. Il veut éduquer ses membres pour qu’ils cherchent d’abord à être au service du peuple, et non pas à s’enrichir. Lors d’un rassemblement début janvier, Mbeki a parlé avec force du besoin de services volontaires au peuple, faisant revivre l’esprit communautaire qui prévalait dans les années 1980.
La Charte de la liberté
Mbeki a aussi réaffirmé l’engagement de l’ANC aux idéaux de la Charte de la liberté. Elle a été rédigée après de nombreuses consultations à travers le pays. Il s’agit d’une déclaration d’intention acceptée par l’ANC, par le parti communiste de l’Afrique du Sud (SACP) et par les syndicats lors du Congrès du peuple du 26 juin 1955. Ce document est devenu la vraie “idéologie” du mouvement pour la libération. En fait, si certains de ses objectifs, tels que «le peuple doit gouverner», ont été atteints, il faut reconnaître que des millions de gens n’ont toujours pas de maison, d’électricité, de sécurité et d’emploi.
Les socialistes au sein de l’ANC ont essayé de convaincre ses membres que la Charte de la liberté est essentiellement un document socialiste, demandant une politique socialiste, la nationalisation du capital, une éducation gratuite, et tout un tas d’idéaux inspirés par le socialisme. Au contraire, pour les nationalistes, la Charte de la liberté propose une économie mixte et rien dans le document n’est explicitement communiste.
Le Parti communiste
Le SACP n’a pas de candidats propres, mais ses cadres figurent en bonne place sur les listes électorales de l’ANC, et tous les dirigeants du Congrès sud-africain des syndicats (COSATU) sont membres du parti, faisant du SACP un des plus puissants partis communistes au monde. La solidarité au sein de l’Alliance tripartite visait plus loin qu’une bataille commune contre l’apartheid. (Note de l’auteur: l’Alliance tripartite se compose du SACP, du COSATU et de l’ANC qui en a la direction). Leur engagement mutuel aux différentes nuances du socialisme avait laissé espérer de longues et durables relations, même après la phase anti-apartheid.
Le SACP croyait en la chute du capitalisme, qui serait remplacé par un socialisme intégral. Le COSATU voulait que les travailleurs puissent exercer un contrôle important sur les moyens de production. Un accord général semblait acquis sur ce qui devait être fait au niveau économique, le jour où s’esquissait un nouveau paysage politique. A l’intérieur des nouvelles réalités internationales et des nouveaux clivages de classes et de races, l’ANC doit trouver un équilibre entre son engagement dans le monde des affaires et celui envers ses électeurs — les pauvres des régions rurales et urbaines. «L’ANC est un vaste mouvement, au cœur de séries complexes d’alliances et de formations démocratiques de masse», dit Marilyn Stevens, un organisateur des syndicats.
L’ANC — les réalités
En 1994 et 1999, l’ANC fit campagne avec des slogans tels que «Une meilleure vie pour tous». Mais la réalité est tout autre: plus d’un demi-million de travailleurs ont perdu leur emploi; le taux de chômage dépasse les 30%; les revenus diminuent et la monnaie a perdu la moitié de sa valeur; les services sociaux se détériorent et la vague de criminalité prend des proportions gigantesques.
Une étude faite par le Conseil de recherche des sciences humaines, basé à Pretoria, a conclu que le sympathisant moyen de l’ANC est noir et parle une des cinq langues communes de l’Afrique du Sud; très peu ont le certificat d’études secondaires et seulement un sur cinq a un emploi quelconque. Bien qu’il ne soit pas satisfait du coût de la vie, le sympathisant de l’ANC pense qu’il faut laisser aux personnes en haut-lieu (la présidence) une chance de réussir. Ce groupe ne pousse pas l’ANC vers une politique particulière. Il ne s’intéresse qu’à ce que l’ANC peut lui donner, dit Mati. Aux yeux de ces gens-là, l’ANC n’a pas fait trop mal. Mais les partenaires de l’alliance ne sont pas du même avis.
Les stratèges du SACP jouent un rôle important dans l’ANC. Ce dernier, qui voit son organisation se dégrader après sept années décevantes au pouvoir, cherche un appui dans la force du COSATU. L’organisation syndicale lui a procuré un support massif lors des élections; les fidèles du SACP l’ont beaucoup aidé dans la formulation de sa politique; et l’ANC, qui est à la tête du gouvernement, a nommé des membres du SACP et du COSATU à de hauts postes.
Cependant, les relations avec les deux partenaires de l’alliance se sont tendues les derniers mois. L’ANC subit de fortes pressions de la part des marchés internationaux des finances, de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international, et ses partenaires de l’alliance lui reprochent d’avoir dilué les principes du Programme de reconstruction et de développement (RDP) en lui substituant plutôt la Politique de la croissance de l’emploi et de la redistribution (GEAR), plus ouverte au monde des affaires.
Le COSATU est particulièrement mécontent de la privatisation. «L’alliance va à sa perte. En fait, nous devons revoir nos relations et créer un milieu propice à des discussions logiques et rationnelles», dit Zwelinzima Vavi, secrétaire général du COSATU. Le COSATU et le SACP ont proposé un sommet économique populaire pour débattre la structure macro-économique du pays. Ce qu’ils veulent, c’est un genre de Plan Marshall qui pourrait «résoudre nos problèmes, puisque le GEAR ne le fera pas pour nous», affirme encore Vavi.
Quant au SACP, bien que huit ministres et plusieurs députés occupent de hautes fonctions dans son comité central, il trouve que l’ANC n’a encore donné aucun signe montrant qu’il pourrait changer ses vues sur des problèmes contestés, comme celui de la privatisation.
Aller de l’avant
Développer une plate-forme stratégique de gauche est pour le COSATU et le SACP le moyen principal pour influencer le congrès national de l’ANC qui se tiendra en décembre de cette année au Cap. Le SAPC revoit les principaux documents de sa stratégie, pour préparer son propre congrès qui aura lieu en juin. Déjà, les structures du parti ont commencé à remettre à jour le document “Stratégie et tactiques”. C’est la première fois que cela se fait depuis le dernier congrès du parti en 1989 (il était alors en exil à Cuba).
Alors que les alliés de la tripartite négocient les problèmes qui pourraient fortifier ou affaiblir leurs relations, l’ANC doit aussi réfléchir sur les relations entre ceux qui ont maintenu le feu sacré pendant les sombres jours de l’apartheid à l’intérieur du pays, et les exilés. La tension entre ces deux groupes a marqué l’ANC depuis la levée de son interdiction. A cause du manque de contacts entre ces deux parties pendant plus de trois décennies, ces groupes se sont forgé des cultures et des traditions différentes. L’ANC doit décider de toute urgence s’il va s’accrocher à la culture politique d’un mouvement de libération en exil, ou bien s’il va vraiment se transformer en un parti politique moderne, avec la transparence et la démocratie interne que cela implique.
Jusqu’à présent, l’ANC n’a pas encore réussi à résoudre ces dilemmes fondamentaux. Il commence à payer le prix de son échec à intégrer des cultures qui semblent irréconciliables: les exilés d’une part, et d’autre part le front plus démocratique des syndicats et des organisations civiles. Marginaliser ces derniers du gouvernement actuel, serait exclure une pépinière de talents, qui comprennent les complexités et la diversité de l’Afrique du Sud bien mieux que les exilés, qui eux ont une meilleure compréhension de la dynamique internationale.
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