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Congo-Brazza |
ELECTIONS
Le 10 mars 2002, les Congolais ont élu Denis Sassou Nguesso comme président de la République, pour un terme de sept ans, conformément à la nouvelle Constitution
Ainsi, Sassou Nguesso, 59 ans, vient de succéder à lui-même. Il a remporté le scrutin présidentiel avec 1.075.247 voix, soit 89,41% des votants. Il faut le reconnaître, parmi les sept candidats qui étaient en lice, Sassou Nguesso n’a pas eu de concurrents de poids. L’ancien Premier ministre, André Milongo, l’un des challengers de taille, s’est retiré de cette bataille présidentielle, deux jours avant le scrutin. Derrière Sassou, avec 2,76%, vient Joseph Kignoumbi Kia Mbougou, le candidat de l’Union panafricaine pour la démocratie sociale (Upads) de Pascal Lissouba, candidat du reste contesté par les fondateurs de ce parti.
Comme on peut l’imaginer, cette élection n’a pas eu de véritable enjeu politique. Les gros bonnets de l’opposition sont en exil. Bernard Kolélas, Yhombi Opangault, Pascal Lissouba et d’autres étaient exclus de cette course pour n’avoir pas séjourné en terre congolaise depuis deux ans, selon la nouvelle Constitution.
Déroulement
Les Congolais se sont rendus massivement aux urnes. Dans l’ensemble, le scrutin s’est déroulé dans le calme, en dépit de quelques failles enregistrées ici et là: manque de cartes d’électeurs ou noms d’électeurs manquant sur les listes électorales. Mais les organisateurs du vote ont vite contourné la difficulté, demandant à ces électeurs de voter sur une liste additive. En fait, cela portait atteinte à la loi électorale qui stipule que «L’exercice du droit de suffrage est subordonné à l’inscription de l’électeur sur une liste électorale...», et que «Tout électeur régulièrement inscrit sur une liste électorale a droit à une carte d’électeur...».
Une autre situation qui a fait froncer les sourcils de certains a été l’absence des délégués de quelques candidats dans certains bureaux de vote. Or, les articles 84 et 85 sont bien clairs: «Chaque candidat ou chaque liste de candidats aux différentes élections a le droit de désigner un délégué par bureau de vote en qualité d’observateur...». Et: «Les délégués des candidats ou de listes de candidats ont le droit d’exiger l’inscription au procès verbal de toutes les observations relatives au déroulement du scrutin». Selon Thierry Moungala, directeur de campagne d’André Milongo, ces deux articles ont, entre autres, justifié le retrait de la candidature de Milongo à la course présidentielle.
Hormis ces quelques défaillances, le vote s’est bien déroulé et aucun incident majeur n’a été déploré. Surtout, il n’y a pas eu de longues files d’attentes devant les bureaux de vote comme par le passé. La force publique s’est bien comportée. Le scrutin a eu lieu en présence de nombreux observateurs nationaux et internationaux. Pour l’ensemble du pays, sur 1.733.943 d’électeurs inscrits, 1.295.319 ont voté, soit un taux de participation de 74,70%.
Réactions
Après tous les événements meurtriers qu’a connus le Congo depuis 1993, les Congolais ont voulu participer aux élections pour relancer le processus démocratique. «Nous ne voulons plus de guerres. C’est pourquoi nous avons voté pour Sassou Nguesso. Pour qu’il puisse achever la pacification du pays et surtout la reconstruction qu’il a amorcée au lendemain de la guerre de juin 1997», lance Nouroubia, un retraité.
Pour Sassou Nguesso, celui qui gagne une élection, ne gagne pas tout, et celui qui la perd, ne perd pas tout. Par là, Sassou veut appeler tous les Congolais à travailler la main dans la main, pour reconstruire ensemble la nation congolaise détruite par les guerres. Ayant remercié le peuple, il a dit: «Vous m’avez choisi, vous m’avez élu par une importante majorité dès le premier tour. Cette victoire est avant tout la vôtre, celle du peuple congolais tout entier. Voilà pourquoi, je vous invite à vous mettre en ordre de bataille pour réaliser notre rêve d’une nouvelle société qui sera notre oeuvre commune. Je vous invite à concrétiser la nouvelle espérance... Tous ensemble, nous relèverons les défis de la reconstruction et de la modernisation de ce pays, notre bien commun le plus précieux...».
Le président congolais vient donc de transformer sa victoire militaire, du 15 octobre 1997, en une victoire politique. «Un bon travail, affirme Lékounzou Ossétoumba, ministre de la Défense, doit être ainsi récompensé. Je crois que c’est la reconnaissance du peuple congolais au président Sassou, l’homme d’espoir. Nous allons mettre les bouchées doubles pour que le Congo retrouve son image d’antan. Il nous faut aller à la paix de manière définitive, à la reconstruction nationale. Ce sont là, les grands rendez-vous du peuple congolais».
Pour Marius Mouabenga, commissaire chargé de la réinsertion des ex-miliciens, à toutes les élections précédentes, ce sont les langages déplacés et les insultes qui ont entraîné des heurts. «Cette fois-ci, tous les candidats que nous avons rencontrés se sont abstenus d’injures et d’invectives. C’est une victoire pour le peuple. Je me permets d’espérer qu’il en sera désormais ainsi pour toutes les élections à venir», remarque t-il. Et Benjamin Boukoulou, président de l’Union pour la République (Ur), d’ajouter: «Maintenant nous allons entrer dans une nouvelle ère, l’ère de la nouvelle espérance. Nous espérons qu’avec Sassou Nguesso, nous allons construire un nouveau Congo, un Congo pour tous».
David Charles Ganao, président de l’Union des forces démocratiques (Ufd), estime, pour sa part, que certains hommes politiques continuent à se comporter comme si les Congolais n’avaient pas connu la guerre. «Moi, j’ai décidé de réagir pour dire que les souffrances que nous avons infligées à notre peuple suffisaient et qu’il n’était plus question d’en imposer d’autres... Je suis arrivé à la conclusion que seul Sassou peut assurer la paix». Le candidat malheureux, Jean Felix Demba Ntello, considère cette élection comme le point de départ d’un vaste mouvement pour le renouveau et la refondation du Congo. «Quelle que soit la controverse suscitée par ce scrutin, et nos réserves sur les conditions de déroulement et d’organisation de cette élection, en démocrate convaincu, je félicite le candidat déclaré élu», a-t-il affirmé. Le retrait de la candidature d’André Milongo a fait couler beaucoup d’encre et privé ce scrutin d’un véritable enjeu. Mais Milongo reste confiant: «Je ne suis pas mort politiquement. De toute façon, je savais que je n’allais pas gagner. Mais je ne suis pas mort politiquement. Je vais me présenter aux élections législatives et municipales». L’élection de Sassou Nguesso ne fait évidemment pas l’unanimité parmi les acteurs politiques, et à plus forte raison chez les Congolais en exil. Comme toujours, Bernard Kolélas, ancien maire de Brazzaville, boude, depuis l’Afrique du Sud, les résultats du scrutin, qu’il qualifie de «mascarade».
Et l’apport international? Plus de 63 observateurs internationaux, 43 de l’Union européenne et une vingtaine de différentes nationalités, se sont rendus dans quelque 500 bureaux de vote dans tout le pays. «Pour l’instant, je souhaite souligner le climat de tranquillité dans lequel le processus électoral s’est déroulé ainsi que l’engagement du peuple congolais pour que l’élection, si importante dans cette phase de transition politique, se développe dans une atmosphère pacifique», a dit Joachim Miranda, chef de mission d’observation électorale de l’Union européenne. Compte tenu des affrontements violents qu’a connus le pays ces dernières années, la mission estime que la population a exprimé avant tout son désir de paix et de refus de la violence.
Perspectives
«Cette espèce de plébiscite de Sassou Nguesso ne fait pas du tout penser à un pluralisme politique. Nous souhaitons de tout coeur que des élections à venir naisse une véritable diversité démocratique», indique un observateur. C’est dire que des efforts importants restent encore à faire. La Mission d’observation des élections au Congo (Moec) estime que plusieurs aspects méritent une attention particulière, en vue de l’amélioration du processus électoral: le déroulement du recensement et la méthode d’élaboration des listes électorales; la création d’un mécanisme d’information efficace entre les autorités électorales et les autres acteurs électoraux, notamment les candidats; la séparation des tâches à accomplir par la Commission nationale des élections et le ministère de l’Intérieur.
Chacun le sait, l’alternance démocratique est le gage de la stabilité dont un pays a besoin. Dans cette perspective, «j’invite le président élu le 10 mars, à prendre en compte les préoccupations pertinentes soulevées par les candidats de l’opposition lors des prochaines consultations électorales: législatives, locales et sénatoriales. Car lui seul portera la responsabilité de la poursuite d’un processus électoral déjà dévoyé depuis le référendum constitutionnel du 20 janvier... Nous lui demandons également de prendre à coeur l’aboutissement du processus de réconciliation nationale que nous considérons encore inachevé, malgré certaines avancées significatives», précise un militant d’un des candidats non élus. «Nous souhaitons que le reste des opérations du scrutin s’accomplisse dans le même esprit de tranquillité», renchérit Dzaba, membre de la coordination des associations de la société civile.
Il reste donc à celui qui vient de bénéficier de la confiance du peuple, de prendre en main le destin de la nation congolaise pour l’accompagner dans le cercle des nations démocratiques.
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