ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 433 - 01/05/2002

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Afrique
L’écologie entre dans la politique


ECOLOGIE

L’écologie serait-elle une incongruité dans un continent où sévissent plutôt pauvreté, crises civiles et politiques, tensions ouvertes et latentes,
conflits sanglants, sida, etc.? Mais de plus en plus, en Afrique aussi, on commence à s’interroger sur le poids politique de l’écologie.

Qu’est-ce que l’écologie politique pour l’Africain? Une idéologie surréaliste? Un air du temps un peu snob, hors de portée du monde qui compte, du monde dit «globalisé»? Est-ce qu’elle dit vraiment quelque chose aux classes politiques africaines, au citoyen lambda? Où en est-elle, cette idéologie, en cet Occident qu’on dit décadent et où elle semble cependant bénéficier d’un certain succès? N’est-ce pas, en fait, une allergie qui fait “bon chic-bon genre”, une espèce de gadget? Y a-t-il une écologie politique spécifiquement africaine?

Voilà autant de questions que l’on a pu se poser à Dakar — et que l’on ne manque pas de se poser à tout bout de champ —, face à ce “phénomène”, ce courant politique qui fait un “tabac”. Mais elles traduisent aussi, en Afrique au moins, une certaine incompréhension, sinon un certain malaise. Et pourtant...

La rencontre de Dakar

Du 7 au 11 mars dernier, des «bêtes curieuses» — ou perçues comme telles —, des écologistes africains issus d’une vingtaine de pays se sont retrouvés à Dakar pour leur second congrès. Plus de cinq ans après la rencontre du Niger (29 mai - 2 juin 1994), se réunissait ainsi la Fédération des partis écologistes d’Afrique (FPEA) pour «consolider le maillon africain du mouvement écologique mondial» et, par la même occasion, renouveler ses instances et redynamiser les activités d’une organisation quelque peu tombée en léthargie.

L’objectif de la FPEA étant d’oeuvrer au «renforcement de la démocratie et du développement durable», la situation léthargique que vivait la FPEA suggérait l’adoption d’un programme biennal (2002-2003) plus offensif et renouvelé. Aussi, le choix de Dakar, sous l’égide du Rassemblement des écologistes sénégalais (RES, parti né seulement en août 1999), était plus que justifié quand on sait que, lors des dernières législatives, ce jeune parti avait réussi une formidable percée dans le très encombré échiquier politique sénégalais (65 partis). Le RES, en effet, offrait l’opportunité de faire reconnaître la «réalité écologique» et, en même temps, de permettre de «revisiter sa vision spéciale du monde.»

A Dakar, évidemment, on ne pouvait pas ne pas dépeindre un tableau apocalyptique, ni dresser des constats d’échec multiples et répétés, généralement imputables aux politiques traditionnelles. Le continent africain n’échappe pas à la règle: comme d’autres régions de notre planète, il se caractérise par un panorama général de désolation face à la dégradation continue de l’environnement.

Les menaces sont partout, avec, notamment, une régression accélérée des ressources naturelles — minérales, végétales et animales —, une urbanisation galopante incontrôlée, une gestion catastrophique des ordures ménagères et des déchets urbains, un péril plastique conquérant, des pratiques honteuses dont se rendent coupables nombre d’industries, etc. Tous les pays partagent la même déforestation, la même dégradation de la couche d’ozone, la même exploitation anarchique des ressources humaines, de l’espace vital, cheptel compris, de la biodiversité,etc. Bref, partout la nature est en grave danger.

Autant de maux et d’angoisses, signalent les écologistes, qui affectent profondément et gangrènent tous les tissus de nos pays, et qui condamnent notre civilisation. «L’environnement n’a pas de frontière, et si ce ne sont pas les mêmes priorités pour tous, c’est en tous les cas le même combat qui les anime. Seule change l’acuité des problèmes», relèvent avec force les écologistes.

Partout c’est le «même défi». Par conséquent, à Dakar, il s’est agi de travailler activement à la «mobilisation, au partage des informations et des actions autour des valeurs de l’écologie politique et de la citoyenneté active pour le rétablissement des équilibres au sein des écosystèmes, pour relever tous les défis du développement durable du continent», s’est-on encore plu à insister.

Autre point d’orgue, Dakar devait donner l’occasion de faire le point, 10 ans après la Conférence de Rio, qui avait tiré la sonnette d’alarme pour une prise de conscience des nombreux dangers qui planent sur notre écosystème. Sous ce rapport, il devenait impératif que les partis écologistes africains se révèlent comme le “fer de lance” de ce combat impérieux.

L’écologie politique africaine

D’autres interrogations persistent, c’est évident. En fait, que peut apporter l’écologie politique à l’Afrique? S’il y a lieu, qu’est-ce qui différencie celle africaine de celle des Mamère, Voinet et autres Ralph Nader dont on entend parler? Y a-t-il une différence entre écologie et environnement, cet environnement dont on se gargarise si facilement?

Pourquoi donc l’écologie politique n’a-t-elle pas plus de succès en Afrique, si ses idéaux sont si nobles? Quels sont les freins à son développement? Réponses des écologistes: question d’éducation, d’analphabétisme, manque de volonté et de vision politique... Les véritables enjeux de l’écologie ne sont pas bien compris, car l’écologie politique est l’expression d’une réelle «démocratie locale, participative», et ce simplement parce que les problèmes écologiques sont des problèmes «locaux réels, palpables, de tous les jours. A terme, l’écologie, c’est la victoire du développement durable, la chance de nos enfants».

La session de Dakar étant «la manifestation du regroupement des forces écologistes du continent autour d’une nouvelle philosophie de conquête du pouvoir», elle devait être une session d’«ouverture, d’unité et de maturité». En plus, ainsi qu’ils le disent eux-mêmes, les partis écologistes africains continuent «d’influer sur le paysage politique, s’impliquant de plus en plus afin que l’écologie politique pèse de tout son poids dans la définition et la mise en oeuvre de solutions alternatives au mal-développement». Les écologistes africains représentent aujourd’hui une «force émergente, significative pour l’avenir du continent et de l’humanité» face à l’échec constant des politiques socio-économiques appliquées par les partis politiques traditionnels.

En clair, pour les écologistes, leur combat est «un combat politique basé sur l’environnement (à ne pas confondre avec le discours écologique), une nouvelle manière de gouverner, un mode alternatif de gouvernement afin de changer un monde économique qui a échoué. C’est à la fois un idéal et une politique».

Les Verts sénégalais

D’ailleurs, les Verts sénégalais, pour leur part, entendent se présenter résolument, selon leur secrétaire général, Ousmane Sow Huchard, comme une «force porteuse d’espoir et d’une volonté réelle pour la construction d’une “éco-citoyenneté” qui doit devenir un nouvel art de vivre» à travers un «nouveau contrat du citoyen» pour le 21ème siècle appelé à être «écologique ou catastrophique!»

Entre parenthèses, on retiendra qu’en Afrique, il y a quatre ministres écologistes répertoriés comme tels en Guinée-Bissau, Burkina Faso, île Maurice, et Niger.

Il convient aussi de noter que le RES est très courtisé en ce moment. Les candidatures indépendantes étant interdites par la loi, il leur fallait être parrainées par un parti normalement constitué afin d’être acceptées aux élections locales du 12 mai prochain. Dans ce jeu, le RES a été l’objet d’une véritable ruée. C’est qu’il jouit d’une «bonne réputation» qui le fait apparaître comme neutre, non politicien (avec ce que cela comporte de péjoratif). Il «suscite la curiosité», se démarquant effectivement du «manichéisme ambiant et la bipolarisation» qui marquent actuellement le monde politique sénégalais.


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